➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 18 juillet 2018
Signe(s) particulier(s) :
– premier film écrit et réalisé par le danois Gustav Möller, notamment récompensé du Prix du public de la section "World Cinema Dramatic" au Festival du film de Sundance 2018 ;
– thriller tourné de façon chronologique, sur treize jours, avec trois caméras.
Résumé : Une femme, victime d’un kidnapping, contacte les urgences de la police au 1-1-2. La ligne est brutalement coupée. Pour Asger Holm, le policier qui a reçu l’appel, commence une course contre la montre téléphonique, où il ne pourra compter que sur son intuition, son imagination, et son téléphone pour tenter de résoudre l’affaire.
La critique
À la façon du film "Phone Game" de Joel Schumacher (2003), ce premier film d’un réalisateur Danois nous embarque dans un puissant huit clos, où un policier du service des urgences se retrouve au téléphone avec une femme kidnappée. Mais suite à la tournure incontrôlable de l’opération, seuls ses compétences ne suffiront pas à la sauver... Thriller oppressant, voilà une expérience de cinéma qui laisse le libre recours à notre imagination, et nous permet de vibrer face au regard d’un homme déchu.
"The Guilty" est une très bonne surprise, qu’on n’attendait pas. On le sait, ce n’est pas facile de maintenir l’attention éveillée du spectateur sans lui proposer de quoi se trémousser les yeux, et encore moins un scénario (bien que certains s’en passent).
Ce film, lui, regroupe les deux, mais suivant un processus bien plus malin. En effet, au fil de l’enquête qu’il mènera au téléphone, Asger Holm tentera de localiser la position précise de la victime, tout en bravant pourtant les interdits de sa fonction, et de sa situation. C’est qu’en plus d’être dans le fil de l’action avec son téléphone, le policier fait face, dans son quotidien, à une situation remettant en doute ses compétences, et surtout sa dignité. D’ailleurs, il doit comparaître au tribunal dès le lendemain de cette soirée (pas comme les autres), pour l’affaire très sérieuse à laquelle il est accusé. D’une manière ou d’une autre, cela pèsera dans la balance...
En faisant penser au film "Buried" de Rodrigo Cortés (2010) et "Locke" de Steven Knight (2014), ce film réussit parfaitement l’exercice du cloisonnement, tout en maintenant constamment l’attention du spectateur, en révélant une intrigue à surprises, venant sans cesse redistribuer les cartes. Mais le scénario ne se limite pas seulement à raconter une histoire à tiroirs sur le feu de l’action. En effet, il va plus loin, en perturbant notre conscience, remettant en doute notre interprétation, parfois erronée d’une situation envers laquelle on pensait le contraire, en ayant jusque-là essayé de bien faire. L’acteur principal, Jakob Cedergren (vu dans "Submarino" de Thomas Vinterberg), reflète de manière assez troublante cette terrible situation. Ces yeux laissent transparaître une profonde culpabilité, d’autant plus renforcée par ses enjeux personnels. Jusqu’à la dernière seconde, on parvient ainsi à entrer dans son esprit, et à comprendre toutes ses émotions. "The Guilty" est véritablement une thérapie de la pensée humaine.
Là où le film fait preuve d’un véritable travail d’orfèvre, c’est au niveau de sa mise en scène. Étant donné que la moitié de l’intrigue se déroule hors-champ, la majorité du suspense repose sur le son. En l’occurrence, plusieurs d’entre eux ont été enregistrés sur les lieux de l’action, comme à l’intérieur d’une voiture de police, dans une fourgonnette une autoroute, ou encore sur un pont. Lors des différents appels, le travail sonore réalisé nous permet ainsi de représenter visuellement, et presque distinctement, la situation spatiale dans laquelle la personne répondant se trouve. C’est peu dire s’y on s’y croirait tant c’est immersif. Ainsi, à mesure que l’intrigue avance, et que l’étau se resserre, Gustav Möller réussit à installer dans son film une véritable tension.