Synopsis : Une femme, victime d’un kidnapping, contacte les urgences de la police. La ligne est coupée brutalement. Pour la retrouver, le policier qui a reçu l’appel ne peut compter que sur son intuition, son imagination et son téléphone.
Acteurs : Jakob Cedergren, Jessica Dinnage, Johan Olsen, Omar Shargawi, Jacob Lohmann.
Le film se joue en huis clos dans une unité de lieu, de temps et d’action. Il a quelques ressemblances avec Locke. Toutefois si ce dernier se déroule en temps réel (la durée du film étant celle de l’action) le film danois lui se déroule depuis la fin de journée jusqu’au lendemain matin, soit de 15 minutes avant la fin du travail de l’équipe de jour jusqu’à l’arrivée de l’équipe du matin le lendemain. Nous avons découvert un excellent film, sombre, noir où beaucoup de choses se trouvent hors champ.
Le réalisateur danois, dont c’est ici le premier long-métrage, écrit : « Je crois que les images les plus fortes d’un film sont celles que l’on ne voit pas.
L’idée m’est venue quand j’ai été témoin d’un appel au 112 d’une femme kidnappée. Elle était en voiture, assise à côté de son kidnappeur, elle parlait donc en langage codé. Au début, j’ai été intrigué par le suspense de l’appel, comme l’aurait été tout auditeur. Ensuite, j’ai réfléchi à ce qui le rendait si intrigant. Même si j’avais simplement entendu l’appel, c’était comme si j’avais pu voir les images. Je voyais la femme, la voiture dans laquelle elle était, la route sur laquelle roulait la voiture et même le kidnappeur assis à côté d’elle. J’ai compris que chaque personne écoutant cet enregistrement verrait des images différentes : une femme différente, un kidnappeur différent, etc. C’est là que je me suis dit : et si on utilisait cette idée d’images mentales dans un film ? Au cinéma, on peut créer tout un univers à l’intérieur d’une seule pièce. Avec ’The Guilty’ j’espère avoir réalisé un thriller haletant, qui offre à chaque spectateur une expérience qui lui est propre. »
Nous nous retrouvons donc enfermés dans un centre qui reçoit des appels d’urgence et dont les acteurs n’entendent que des voix dont il faut décider et arbitrer l’urgence en fonction de l’expérience personnelle et de la compétence des écoutants. L’un d’eux, ici Asger Holm (Jakob Cedergren, excellent) est de tous les plans du film (la majorité des autres acteurs sont quasiment en mode figuration et dans un flou d’arrière-plan). Oscillant entre gros plans et plans larges le réalisateur ajoute à l’image des sons et des voix. Sons d’ambiances, en particulier divers types de pluies, et d’actions - disons en jouant sur les mots ’sous-entendues" mais aussi de voix, essentiellement Iben (Jessica Dinnage), la femme dont Asger reçoit et interprète l’appel, Michael (Johan Olsen) le mari de celle-ci et Rashid (Omar Shargawi), un collègue d’Asger qui est aussi son témoin à décharge dans une affaire qui le concerne. C’est que le lendemain il sera interrogé au tribunal suite à une action policière qui a conduit à la mort d’un suspect et dont il faudra déterminer s’il y a ou pas légitime défense. C’est par bribes que les infos parviendront au spectateur qui prendra conscience que cette affaire-là peut influencer ses prises de décisions qui l’amèneront aux frontières des règles professionnelles et régir les actions d’Asger.
Chaque voix, chaque parole a sa densité qui permet de compléter un puzzle dont on vous laisse la surprise de la résolution. C’est qu’un tableau d’ensemble apparaitra à la fin d’un film dont les images sombres rendent les situations plus dramatiques encore et mettent en valeur la noirceur de certaines situations de ce huis clos dramatique qui a été "tourné de façon chronologique, sur treize jours, avec trois caméras. Le centre d’appels a été construit dans un immeuble de bureaux abandonnés, où on a reproduit presque à l’identique un centre d’appels qu’on avait visité".
Nous avons donc eu un coup de coeur pour ce premier film dont l’interprète principal est remarquable à l’écran alors que trois voix, avec chacune sa personnalité, voire aspérité, ajoute de la tension dramatique pour arriver à une résolution qui oblige à (re)penser à ce que l’on entend, à comprendre qu’entendre n’équivaut peut-être pas à écouter. Enfin, que tout ce film tient à l’interprétation d’Asger (Jakob Cedergren).