Synopsis : Au sein de la famille Arnault, Dany, un adolescent, disparaît. François Visconti, commandant de police usé et désillusionné, est mis sur l’affaire. L’homme part à la recherche de l’adolescent alors qu’il rechigne à s’occuper de son propre fils, Denis, seize ans, qui semble mêlé à un trafic de drogue. Lorsque Yan Bellaile, professeur particulier de Dany, apprend la disparition de son ancien élève, il s’intéresse de très près à l’enquête, et propose ses services au commandant.
Acteurs : Vincent Cassel, Romain Duris, Sandrine Kiberlain, Elodie Bouchez, Charles Berling
Erick Zonca adapte avec beaucoup d’intelligence Tik Ne’edar le premier roman de Dror Mishani. Publié à 26 ans par un auteur qui inaugure ainsi une série de romans policiers dans une série consacrée aux enquêtes du commandant Avraham. Le livre a été traduit en français sous le titre "Une disparition inquiétante" en 2014 (il a notamment obtenu le Grand Prix du Meilleur Polar des lecteurs de Points") et nous aimerions dire que le spectateur aura intérêt à ne pas lire le livre avant la vision du film (mais bien après). C’est que le dénouement de l’intrigue est en lui-même un moment intense qui conclut un récit admirablement construit. Celui ou celle qui a lu le livre israélien ne doit cependant pas bouder le film parce que celui-ci tient beaucoup du jeu de ses acteurs principaux, Vincent Cassel et Romain Duris, mais pas seulement, nous y reviendrons. C’est d’autant plus vrai qu’en transposant l’intrigue d’Israël en France, Erick Zonca [qui est également coscénariste avec Lou de Fanget Signolet (une première adaptation pour cette inconnue au cinéma) et, bien entendu, Dror Mishani, l’auteur du roman] - dont c’est le premier long métrage pour le cinéma (il y avait eu auparavant, Soldat blanc pour la télévision) resserre le scénario, l’épure et en particulier le policier. Exit sa fascination pour les séries télévisées ou les liens avec la Belgique).
On comprendra que l’on ne peut rien dire de l’histoire, de son évolution et encore moins de sa résolution. En revanche, les deux acteurs principaux sont au top de leur forme et incarnent, chacun à leur manière et leur mesure, deux personnages antagonistes. Et si l’un est confronté à la difficile communication avec son fils, empêtré dans un trafic de drogue, l’autre, l’écrivain est fascinant. Romain Duris excelle à donner corps à un personnage proprement ambigu. Dès sa première apparition, il sonne faux, à tel point que l’on pourrait un instant penser que l’acteur joue mal, que son personnage est en décalage. L’on comprendra au fil du récit ce qui le meut, le motive, l’habite, en découvrant son écriture, le lieu où il enseigne en privé, ce qu’il fait, observe, joue, pense, interprète. Est-il coupable et de quoi ? sera la question que se poseront maints spectateurs, tout comme le policier, tout en aspérités, joué fabuleusement par Vincent Cassel.
Outre ces deux personnages masculins et leur évolution complexe, il faut noter le jeu de Sandrine Kimberlain dans le rôle de Solange Arnault, mère engagée et qui veut porter la cause de Dany son fils disparu. Une autre femme, plus en retrait, c’est l’épouse du professeur/écrivain, madame Lola Bellaile, dont le rôle est tenu par Elodie Bouchez. Enfin, il y a aussi l’interprétation juste et jusqu’au malaise de Lauréna Thellier dans le rôle de Marie, la soeur de Dany. Agée de 19 ans, elle a débuté sa carrière à 16 ans en jouant dans Ma Loute de Bruno Dumont et ensuite celui d’une jeune fille qui se laisse séduire et emporter par l’islamisme radical dans Le Ciel Attendra de Marie-Castille Mention Schaar. Elle joue ici le rôle de cette jeune fille handicapée mentale et elle est à ce point parfaite qu’elle a mis Vincent Cassel mal à l’aise dans certaines scènes [1].
Pour conclure, Fleuve noir est un véritable coup de coeur. Vous avez lu Une disparition inquiétante ? Concentrez-vous sur le jeu des acteurs et la façon dont le réalisateur peaufine et adapte le roman. Vous ne l’avez pas lu ? Allez voir le film, laissez-vous surprendre et envouter par lui. Lisez ensuite le roman et, le cas échéant, allez revoir le film. C’est tout le bien que l’on peut souhaiter au spectateur, cinéphile ou pas !