Synopsis : On mérite tous une première grande histoire d’amour. Pourtant pour Simon, c’est compliqué. Il a une vie normale, dans une famille qu’il adore et entouré d’amis extraordinaires, mais il garde pour lui un grand secret : personne ne sait qu’il est gay et il ne connait pas l’identité de son premier coup de cœur, avec qui il communique en ligne. Alors que son secret est menacé d’être révélé, la vie de Simon bascule dans une aventure aussi drôle que bouleversante... Ses amis prendront alors une place essentielle pour l’aider à changer sa vie et découvrir le premier amour.
Acteurs : Nick Robinson, Katherine Langford, Alexandra Shipp
En phase de sortie de convalescence, il n’était pas question de rattraper les nombreux films que nous n’avons pas vu en projection presse de février à fin juin de cette année. Durant cette période, Julien, dont nous hébergeons les critiques a alimenté ce site avec ses critiques que nous apprécions souvent. Celles-ci viennent cependant après la sortie publique du film puisqu’il est engagé professionnellement dans l’enseignement et ne peut donc assister aux projections pour la presse. C’est en publiant une de ses critiques en fin juin que nous avons été intrigué par celle de Love Simon. Il terminait son regard sur le film par ces mots : "À l’heure où les producteurs d’un gros blockbuster avec des dinosaures viennent de retirer toutes insinuations relatives à l’homosexualité de l’un de ses personnages, Love, Simon sonne d’autant plus comme un souffle qui s’est fait attendre, et dont l’existence sera, à n’en pas douter, inspirante pour d’innombrables jeunes aussi courageux que Simon. Sans révolutionner le genre, mais bien ses possibilités, voilà un film qui fait du bien, et qui s’ouvre aux autres, et surtout à un monde tolérant. Et rien que pour ça, il mérite un point supplémentaire. Bref, courez à la rencontre de Simon !". Une course qui se concluait par une cote de 15/20.
Nous avons donc pris le chemin d’une salle avec du vrai public le 25 juin dernier, en même temps que nous mettions la critique de Julien en ligne. Nous n’irons probablement pas aussi loin que lui dans son enthousiasme, mais il nous faut cependant mettre ce film en avant.
Le film était annoncé comme une "teen-romance" et il nous semblait bien que le film fût destiné aux adolescents. En ce sens, la cible était bien présente puisqu’un lundi après-midi, sur une soixantaine de personnes étaient dans la salle dont une immense majorité de jeunes de 15 à 17 ans, la plupart du temps en couples (hétérosexuels, il faut ici le préciser vu le thème du film). Si j’étais le plus âgé et de loin il y avait quand même une maman, avec son fils adolescent, probablement concerné par le thème. Et comme souvent, ce qui nous fait éviter les salles de cinéma, il y avait un bruit de fond dans la salle pendant la projection. Le même que des professeurs entendent jour après jour dans leurs classes. Cependant, après une quinzaine de minutes, le silence s’est établi et le public semblait conquis par l’histoire qui se déroulait sous leurs yeux.
Celle-ci se trouve bien condensée dans le synopsis et l’on n’en dira pas plus sur l’intrigue puisqu’un des enjeux de la quête de Simon est de trouver l’identité de Blue. Toutefois, nous avons failli quitter la salle à plusieurs reprises. Non pas pour le thème qui serait tabou aux yeux d’un code éthique religieux qui certes ne condamne pas les personnes, mais leurs actes (en ce domaine). Mais parce que le film était ou semblait très, trop convenu, sans aspérité, comme un conte de fées. Et en matière de conte, c’est de façon bien plus aboutie au plan cinématographique de Tom Gustafson aborde la question homosexuelle dans un lycée, avec son film Were the World Mine en 2008, en transposant Le Songe d’une nuit d’été. C’est que Simon, à part son "secret" n’a pas de problème : des copains et copines de classe qui sont cools, des parents qui le sont plus encore et un happy end pour conclure le tout. C’est bien trop beau pour être vrai. C’est que, dans la vraie vie, les choses ne sont pas aussi simples, notamment dans d’autres cultures (mais pas que, loin de là). Ainsi, parmi de nombreux exemples, on ne peut que conseiller la vision du court-métrage malien, Dix-sept de Fasséry Kamissoko.
Finalement, nous sommes resté jusqu’au bout de la projection. C’est que ce film, malgré ses défauts, notamment celui d’être trop beau pour être vrai et où même les méchants ne le sont pas vraiment a le mérite d’exister. A commencer par le fait qu’une major du cinéma mette une telle histoire en valeur (sans compter sa réception globalement positive). Mais c’est surtout le thème du "coming out" qui est ici essentiel. Tout d’abord parce qu’un hétéro ne doit pas faire de coming out (ainsi que le montre a contrario une scène jubilatoire du film) mis que l’intéressé, Simon, en l’occurrence, veut être maître de son affirmation de soi, de son identité, et non être "outé" de force. Ce serait donc positif si le film pouvait aider des jeunes "LGBTQ" à s’identifier, en jouant ici sur la pluralité de sens du terme (et relevons ici que nous pensons que de telles étiquettes qui visent à "normer" les individus nous semblent inopportunes ce qui apparait très bien dans le court-métrage Morning After de Patricia Chica).
Pour conclure, il faut reconnaître que le film navigue sur l’air du temps en voulant offrir de nouveaux regards sur la réalité de la société même si c’est de manière très soft, à l’image d’un court baiser gay pour lequel MTV Movie & TV Awards 2018 à accorder le prix du Meilleur baiser (attention spoiler : [1]). Cela n’est pas novateur... Au début des années 2000, dans la série typiquement adolescente Dawson Creek, le personnage Jack McPhee (se) révélait être gay et on le montre embrassant un garçon. A noter (signe de la difficulté d’interpréter ce genre de rôle qui met certains acteurs mal à l’aise [2]) que Kerr Smith avait demandé par contrat de ne pas avoir plus d’un baiser gay par saison (voir ici sur ce site qui semble à l’abandon). Aujourd’hui, le monde des séries est bien moins frileux. Ainsi la série canadienne Degrassi aborde ces questions dès l’entame de sa nouvelle déclinaison, Degrassi : Next Class. L’univers Degrassi est une franchise télévisuelle canadienne déclinée depuis 1979. Des adolescents sont ouvertement gays ou lesbiens au vu et au su de leurs condisciples et dès avant l’affaire Weinstein, les notions de respect de la femme et de son consentement sont abordées avec beaucoup de franchise, parfois même en chansons. Mais il s’agit-là d’une série diffusée sur Netflix, une chaine payante. A noter que celle-ci la réserve aux plus de 16 ans, non pour les questions liées à la sexualité mais à la drogue. Toujours sur Netflix, les adolescents ont droit depuis 2016 à Shadowhunters qui développe en axe narratif secondaire une relation entre le shadowhunter Alexander « Alec » Lightwood et le sorcier Magnus Bane. Mais, de nouveau, il s’agit d’une chaine à péage !
Nous ne pouvons donc que recommander la vision de ce film "grand public", malgré ses nombreux défauts, car il pourra permettre la libération de la parole, pour les intéressé-e-s, leurs proches et ceux qui voudraient les rejeter. Il reviendra ensuite aux adultes, avec ces jeunes, de (se) parler, d’échanger. Car l’homophobie avec son lot de violences quotidiennes, parfois mortelles en certains lieux est encore largement présente. Et puisque nous sommes colorés religieusement, il faut bien reconnaître que les religions chrétiennes (dont la nôtre) on aussi une part de responsabilité. Et il est, dans les communautés chrétiennes, des femmes et des hommes, engagés au service des autres et qui doivent taire leur identité, qui doivent garder leur secret, non comme un trésor, mais comme une malédiction, enfermés parfois dans un placard dont ils n’imaginent même pas parfois qu’il existe une porte pour (s’)en sortir.