➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film 06 juin 2018
Signe(s) particulier(s) :
– le titre original du film "Hva Vil Folk Si" signifie en urdu "Que Vont Dire les Gens", en référence à la culture pakistanaise dont elle est issue, obsédée par l’avis des autres, la tradition et le devoir de l’honneur ;
– le film s’inspire directement du parcours de la réalisatrice qui, à l’instar de son héroïne, a été kidnappé par ses parents pour être envoyée au Pakistan à l’âge de quatorze ans...
Résumé : Nisha est une jeune fille de seize ans qui mène une double vie. À la maison avec sa famille, elle est la parfaite petite fille pakistanaise. Dehors, avec ses amis, c’est une adolescente norvégienne ordinaire. Lorsque son père la surprend dans sa chambre avec son petit ami norvégien, la vie de Nisha dérape.
La critique
Difficile d’imaginer qu’une telle histoire est inspirée de faits réels. Pourtant, la réalisatrice norvégienne Iram Haq raconte ici son histoire, au travers de celle de Nisha, une jeune Norvégienne d’origine pakistanaise, vivant dans la banlieue d’Oslo, dans une famille très à cheval sur les traditions. Partageant les exigences de sa culture lorsqu’elle est à la maison, Nisha se conduit alors comme une fille ordinaire, de son âge, une fois à l’extérieur, avec ses amis. Mais tout son petit monde est terrassé le jour où son père la découvre en cachette dans sa chambre avec son petit copain... De fil en aiguille, son père l’enverra de force dans sa propre famille au Pakistan, afin de lui apprendre les bonnes manières, et de ne plus trahir sa famille, désormais en proie aux regards des autres, dans une culture très sensible à l’image, et à l’honneur envers ses origines.
"What Will People Say" est un film à la fois éprouvant et lumineux. Éprouvant, tout d’abord, dans le sens où ce récit met le doigt sur le dilemme qui anime depuis la nuit des temps le poids des traditions dans un monde en perpétuel changement, en quête d’identité, et de liberté. Entre les questions pertinentes et nécessaires qu’il soulève, le film nous montre la dure réalité dont sont victimes d’innombrables individus, nés dans une famille autoritaire, mais élevés dans une société totalement différente. Dès lors, il illustre avec force deux générations qui s’affrontent sur une vision différente d’un même monde. Dans sa description de la situation, Iram Haq n’hésite pas à montrer l’humain dans ses pires retranchements face à ses peurs et offenses les plus extrêmes. En résulte des moments entre père et fille qui peuvent paraître difficile, mais aussi bien pour l’un que pour l’autre, car tout n’est pas aussi simple que ça en a l’air...
À ne pas se méprendre, c’est aussi un film lumineux. En effet, l’une de ses autres forces, c’est de ne pas diaboliser le personnage du père, mais plutôt d’ouvrir, lentement mais surement, le dialogue, même si ce n’est que par le regard. En faisant prendre conscience au personnage du père de sa part de responsabilité dans cette situation, la réalisatrice exorcise ici en quelque sorte celle qu’elle a entretenue avec son propre père, qu’elle n’a revu que peu avant sa mort. Et puis, la scène finale, assez symbolique, nous permet de comprendre énormément de choses sur la vie qui attend Nisha, et des possibilités qui lui sont offertes.
Ce drame n’est pas du genre à laisser le spectateur indifférent, tant il porte en lui une signature authentique, et surtout une histoire poignante. Mais dommage que certaines parties fictives du récit tendent à mettre (injustement) encore plus de bâtons dans les rues de son héroïne, appuyant dès lors son malheur à son paroxysme, et son image de monstre aux yeux de sa famille, ce qu’elle n’est évidemment pas.