➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 09 mai 2018
Signe(s) particulier(s) :
– représentant islandais pour le meilleur film en langue étrangère à la 90e cérémonie des Oscars ;
– scénariste et réalisateur islandais, il s’agit du troisième film d’Hafsteinn Gunnar Sigurðsson, après notamment des études à l’université Columbia à New York ;
– le film a remporté sept des douze Edda Awards (meilleur film, directeur, scénario...) pour lesquels il était nommé cette année, c’est-à-dire les équivalents islandais des César en France, ou des Oscars aux États-Unis.
Résumé : Agnes oblige son mari Atli de quitter le domicile conjugal et l’empêche de voir sa fille Asa. Il retourne vivre chez ses parents, qui sont impliqués dans un conflit de voisinage acharné à propos d’un grand et bel arbre qui, selon les voisins, fait trop d’ombre à leur jardin. Tandis que Atli met tout en œuvre pour revoir sa fille, la querelle entre voisins devient de plus en plus violente : des biens sont détruits, des animaux domestiques disparaissent mystérieusement, et des caméras de surveillance sont installées...
La critique
"Under the Tree" souffle dans les salles belges comme un vent glacial venu tout droit d’Islande. Dans cette querelle de voisinage autour d’un arbre qui fait de l’ombre dans un jardin, avec en filigrane une douloureuse séparation de couple, le réalisateur dresse aussi bien le constat des conséquences de la fatalité de la vie, que celui de bêtes accidents domestiques, capables de détruire bien plus qu’on ne le pense, en commençant par les autres. Enraciné dans une terre stérile, l’arbre en question est spectateur de ce qui semble être une quête irréversible de l’esprit humain dans ses retranchements les plus pessimistes, et rédhibitoires. Parions d’ailleurs un krónur (monnaie officielle islandaise) que vous ressortirez totalement planté comme un arbre de cette expérience, qui vaut donc le détour.
Alors qu’un couple âgé de la banlieue de Reykjavík est meurtri par la disparition de l’un de leur deux fils, voilà qu’ils doivent aussi faire face à la séparation amoureuse de l’autre, et père d’une petite fille. Mais c’est sans compter sur la nouvelle compagne du voisin, qui rouspète poliment de leur arbre, la gênant, et l’empêchant notamment de faire bronzette... Après tout, rien de plus normal de tailler un minimum son arbre s’il dépasse de la propriété, et entrave ainsi celle du voisin... Sauf que la mère endeuillée, complètement aigrie, dépressive, et particulièrement morfonde et jalouse, voit d’un très mauvais œil que cette femme vienne mettre son grain de sel dans son petit univers vital, voyant sa demande comme une attaque la frappant involontairement de nouveau en plein cœur, au regard de la disparition de son aîné.
Le réalisateur Hafsteinn Gunnar Sigurðsson installe ainsi le spectateur dans une atmosphère qui annonce très vite la saveur amère de cette relation, qui ne peut déboucher sur un dénouement positif.
Ce qu’on savoure dans ce drame, c’est l’intelligence de son écriture, qui ne pointe aucun responsable initial des méfaits, ni n’en montre. Mise à part quelques insultes infondées sortant tout droit de la bouche d’un des personnages, le réalisateur offre sur un plateau d’argent un mélange de situations aussi bien banales, que volontairement causées par on ne sait qui, et ayant l’effet d’un couteau enfoncé dans la plaie, et prenant ainsi, dans le contexte relationnel et psychologique pré-établi, des proportions dramatiques. Le récit élabore un schéma narratif où l’ensemble des personnages sont victimes de ce qui leur arrive, eux qui agissent dès lors par instinct, et soupçon. Laissant le spectateur dans le doute, jusqu’au retournement de situation final qui nous fait ravaler deux fois de suite notre salive, sans pour autant éviter les racines du problème initial, "Under the Tree" joue avec le caractère parfois inéluctable de la vie, tout en soulignant son côté non-prémonitoire.
D’autres qualités viennent embellir ce film, en commençant par son casting islandais, savoureux par son jeu déchiré par la douleur, l’incompréhension et l’amertume. Aussi, la photographie est d’une froideur à vous dresser les poils, allant de pair avec les propos. Tout comme la musique d’ailleurs, qui accompagne la palette de moments intensément cyniques et féroces que nous présente le scénario.