➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 07 mars 2018
Signe(s) particulier(s) :
– premier long-métrage du producteur et réalisateur bruxellois Samuel Tilman, lui qui a remporté le Magritte du meilleur court-métrage de fiction en 2011 pour "Nuit Blanche" ;
– premier rôle au cinéma pour Baptiste Lalieu, alias Saule.
Résumé : David est un jeune père de famille comblé : une femme qu’il aime, deux jeunes enfants adorables, une bande de potes soudée avec laquelle ils partent en vacances en tribu. Mais au retour de leur dernier séjour dans les Vosges, David est interrogé par la police dans le cadre d’un meurtre. Rapidement, l’enquête établit que David, sous des dehors irréprochables, n’avait pas une vie aussi lisse que ce qu’il prétendait. Même si Noël, son meilleur ami et Marco, son avocat, le soutiennent sans conditions, le doute se propage et des clans se forment.
La critique
Après avoir notamment été le co-auteur et co-metteur en scène de deux seuls-en-scène de Fabrizio Rongione, Samuel Tilman le dirige aujourd’hui dans son premier long, faisant la part belle à la notion de soupçon envers autrui. Ici, il est question d’un père de famille, et époux comblé, qui se retrouve, malgré lui, au cœur d’une enquête policière le pressentant comme responsable potentiel d’un meurtre...
Fabrizio Rongione est parfait dans son rôle, lui qui entretient une ambiguïté constante autour de son personnage, tout en faisant valoriser son innocence tout le long du récit, tandis que le reste du casting joue de l’interrogation et de la suspicion envers lui au travers de confrontations de plus en plus suspicieuses et vénéneuses, malgré les rapports, de prime abord, intimes, qui les liaient.
"Une Part d’Ombre" est un thriller noir qui s’intéresse aux répercussions psychologiques (plutôt de médiatiques) d’une telle accusation portée sur un tiers, et cela, au niveau de son entourage (familles, amis). Le scénario de Samuel Tilman dissèque au peigne fin la question de la confiance que l’on porte envers quelqu’un et des limites de celle-ci, au fur et à mesure que pèsent des accusations et preuves contre lui. Aidée d’hors-champs et d’une caméra fuyante, la mise en scène, lugubre, joue ici sur deux tableaux, avec d’une part l’avancement de l’enquête au jour le jour et les rapports sociaux du suspect qui en découlent, et d’autre part le soir du meurtre, que l’on revit en progression de l’enquête, par flash-back, dans cette forêt sombre vosgienne. En rejouant cette soirée où tout a basculé, le réalisateur laisse planer le doute sur le responsable du crime, jusqu’au final, en jouant intelligemment des apparences, c’est-à-dire en cachant les visages, au profit d’ombres...
Alors que l’avancement de l’enquête manque d’entrain et de véritables indices pour nous satisfaire, le film met davantage en images la destruction de la réputation d’un individu, peu importe les liens tissés avec ce dernier. C’est dans ces moments-là que les préjugés infondés (re)sortent, et que les jeux de regards s’intensifient. D’ailleurs, il ne suffit que d’assister à ce dernier échange entre mari et femme, au tribunal, pour comprendre alors toute l’ampleur dévastatrice et irréversible du soupçon porté sur quelqu’un.