➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 31 janvier 2018
Signe(s) particulier(s) :
- adaptation de "La Douleur" de Marguerite Duras, publié en 1985, et reprenant les deux premiers chapitres, le premier relatant l’attente du retour de son mari déporté et le second, sa relation ambiguë avec un agent français de la Gestapo afin d’obtenir des informations sur son mari ;
- le réalisateur a revu le film "Monsieur Klein" pour son travail de reconstitution du Paris de 1944.
Résumé : Juin 1944, la France est toujours sous l’Occupation allemande. L’écrivain Robert Antelme, figure majeure de la Résistance, est arrêté et déporté. Sa jeune épouse Marguerite, écrivain et résistante, est tiraillée par l’angoisse de ne pas avoir de ses nouvelles et sa liaison secrète avec son camarade Dyonis. Elle rencontre un agent français de la Gestapo, Rabier, et, prête à tout pour retrouver son mari, se met à l’épreuve d’une relation ambiguë avec cet homme trouble, seul à pouvoir l’aider. La fin de la guerre et le retour des camps annoncent à Marguerite le début d’une insoutenable attente, une agonie lente et silencieuse au milieu du chaos de la Libération de Paris.
La critique
"La Douleur" est tout droit inspiré du roman écrit par Marguerite Duras, publié en 1985, relatant une période de sa vie dans les grandes lignes, en partie autobiographiques, en partie inventées. Et c’est précisément de l’attente douloureuse de son mari, alors prisonnier des camps de concentration, dont il est ici question.
D’emblée, cette adaptation reflète parfaitement son titre, non pas qu’elle soit mauvaise, mais bien que l’on ne prenne pas plaisir à la regarder. Ainsi, le réalisateur Emmanuel Finkiel filme cette terrible histoire d’attente à la manière d’un feu qui s’éteint progressivement, de là à ce que s’éteigne aussi la dernière flamme qui permette encore de garder espoir.
Et c’est Mélanie Thiery qui porte magnifiquement la marque de son ressenti sur son visage face à cette situation, tandis que sommeille en elle une peine immense, l’isolant de ce monde, sous l’Occupation, et sous laquelle le peuple fermait encore bien trop les yeux sur la réalité des camps de concentration. De cette retranscription durassienne, l’écriture en devient parfois trop exiguë, et use beaucoup trop de monologues en voix-off, décalquant la torpeur progressive de Marguerite. Certes, c’est d’un beau langage, littéraire et romanesque, mais ça en devient, à la longue, lourdement répétitif, et moins délicat que le roman.
Du point de vue de l’authenticité, le travail de reconstitution est soigné, tandis que les décors de Pascal le Guellec illustrent les propos de Duras avec profondeur et pertinence. La caméra du réalisateur, elle, filme Paris dans le reflet de l’Occupation, c’est-à-dire dans la noirceur, la méfiance, l’ignorance, et se permet même certains plans pour le moins troublants, notamment celui dans lequel notre anti-héroïne se promène en vélo dans la capitale française vide, ou celui où elle scrute le ciel à la vue des avions ennemis. À bien trop de reprises, pourtant, l’image se voit floutée, et gêne la vision du spectateur, et sa profondeur et manière d’interprétation. Mais là où "La Douleur" risque aussi de mettre tout le monde d’accord (que le contraire), c’est dans sa mise en scène, qui s’adonne à son sujet, soit la longue et étouffante attente d’un amour.