➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 17 janvier 2018
Signe(s) particulier(s) :
- les accessoires caractéristiques de Churchill sont bien présents dans le film, de son cigare à sa montre, en passant par sa bague, lunettes, chapeaux, et pour lesquels la production est remontée à la source, excepté pour le bottier, étant donné qu’il n’est plus en activité ;
- c’est la seconde fois qu’un film reçoit l’autorisation de déposer ses caméras au palais de Westminster, ainsi qu’à la résidence et lieu de travail de Churchill, au 10 Downing Street ;
- Ronald Pickup interprète Neville Chamberlain dans le film, à la place de feu John Hurt, décédé avant le tournage.
Résumé : Homme politique brillant et plein d’esprit, Winston Churchill est un des piliers du Parlement du Royaume-Uni, mais à 65 ans déjà, il est un candidat improbable au poste de Premier Ministre. Il y est cependant nommé d’urgence le 10 mai 1940, après la démission de Neville Chamberlain, et dans un contexte européen dramatique marqué par les défaites successives des Alliés face aux troupes nazies et par l’armée britannique dans l’incapacité d’être évacuée de Dunkerque. Alors que plane la menace d’une invasion du Royaume- Uni par Hitler et que 200 000 soldats britanniques sont piégés à Dunkerque, Churchill découvre que son propre parti complote contre lui et que même son roi, George VI, se montre fort sceptique quant à son aptitude à assurer la lourde tâche qui lui incombe. Churchill doit prendre une décision fatidique : négocier un traité de paix avec l’Allemagne nazie et épargner à ce terrible prix le peuple britannique ou mobiliser le pays et se battre envers et contre tout.
Avec le soutien de Clémentine, celle qu’il a épousée 31 ans auparavant, il se tourne vers le peuple britannique pour trouver la force de tenir et de se battre pour défendre les idéaux de son pays, sa liberté et son indépendance. Avec le pouvoir des mots comme ultime recours, et avec l’aide de son infatigable secrétaire, Winston Churchill doit composer et prononcer les discours qui rallieront son pays. Traversant, comme l’Europe entière, ses heures les plus sombres, il est en marche pour changer à jamais le cours de l’Histoire.
La critique
"Les Heures Sombres" nous emmène dans les coulisses du pouvoir des premiers jours où Winston Churchill fut élu, par défaut, Premier ministre de Grande-Bretagne, au détriment de la grande majorité du Parlement, ne croyant plus en ses priorités politiques, lui qui préférerait combattre que de négocier pour une quelconque idée de paix. De la veille de sa nomination jusqu’au premier jour de l’évacuation de Dunkerque (où il n’y a que 17 jours d’écart), le film nous plonge dans l’enfer historico-politique avec lequel il a dû jongler, alors qu’Hitler était aux portes de la Grande-Bretagne, après n’avoir fait qu’une bouchée de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas.
Faisant globalement impasse sur la carrière qui précéda son rôle de Premier ministre (si ce n’est via des dialogues contredisant sa nomination ou favorisant sa destitution), le film de Joe Wright impressionne par l’intérêt qu’il soulève à travers la course effrénée que Churchill qu’il a dû mettre en place pour résonner son peuple, ce dernier étant alors prêt à capituler avec les puissances de l’Axe pour permettre à leur pays de conserver son indépendance (mais à quel(s) prix ?).
Bon parleur (comme bon buveur), ses discours et ses paroles ont marqué le peuple britannique et les forces alliées, leur donnant la force de combattre, d’aller chercher la victoire, et sauver (plus de) trois-cents mille vies prises au piège à Dunkerque, grâce à l’opération "Dynamo", initiée par Winston Churchill, et qui mobilisera la marine marchande, des flottes de pêche et de plaisance, ainsi que des canots de la Royal National Lifeboat Institution.
Le film rend à ce passage déterminant de la Second Guerre mondiale toute sa dimension politique complexe, entre complot, manipulation et idéologie. "Les Heures Sombres" est un film historiquement intéressant, qui nous rappelle par la même occasion que l’avenir qui se jouait à l’époque s’est dessiné et décidé dans un mouchoir de poche. Coulisses de la naissance de l’opération "Dynamo", "Les Heures Sombres" est un peu le penchant plus cérébral et terre-à-terre du "Dunkerque" de Christopher Nolan, sorti l’été dernier.
Ce film, c’est aussi l’opportunité pour un acteur d’entrer dans la peau d’une personne ayant foisonné la politique britannique, et même européenne, et inscrit au panthéon de celles qui ont contribué au monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. C’est Gary Oldman qui interprète ici Churchill, lui qui a accepté de supporter près de trois heures trente de maquillage par jour pour le bien de la ressemblance. Il a ainsi travaillé sa voix, sa démarche corporelle, tandis que maquilleur Kazuhiro Tsuji s’est occupé de lui créer un moulage en silicone qui lui fut appliqué, mais auquel il fallait encore ajouter une bonne dose de maquillage, ainsi que la coiffure, pour achever la transformation. Près de six mois de travail ont été nécessaires pour réaliser cet ensemble de prothèses, qui pesait la moitié du poids de l’acteur. Et finalement, Oldman livre une très belle interprétation, à hauteur de l’extraordinaire métamorphose réalisée, lui qui mérite donc toute la reconnaissance du cinéma pour son rôle. Dommage qu’à côté du personnage principal, le reste de la galerie peine à soulever les foules. Ainsi, on regrettera un manque flagrant de la place de la femme dans l’intrigue, et ce n’est pas le rôle tenu par Lily James (la dactylographe de Churchill), ni celui de Kristin Scott Thomas (l’épouse), qui vont changer la donne.
En termes de divertissement, "Les Heures Sombres" tisse davantage sa toile dans le discours et l’éloquence, plutôt que dans le film de guerre. Il est bien entendu question ici d’un portrait humain en proie à d’énormes responsabilités, et aux répercussions qui dépassent tout entendement. Heureusement, sa mise en scène (classique dans le genre) ne manque pas de rythme, ni de tension, malgré l’histoire que nous connaissons tous. De plus, la musique de compositeur Dario Marianelli permet à l’ensemble de vibrer d’autant plus, au-delà des mots et de l’intonation.