Synopsis : Pour lutter contre la surpopulation, des scientifiques mettent au point un processus permettant de réduire les humains à une taille d’environ 12 cm : le ‘downsizing’. Chacun réalise que réduire sa taille est surtout une bonne occasion d’augmenter de façon considérable son niveau de vie. Cette promesse d’un avenir meilleur décide Paul Safranek et sa femme à abandonner le stress de leur quotidien à Omaha (Nebraska), pour se lancer dans une aventure qui changera leur vie pour toujours.
Acteurs : Matt Damon, Kristen Wiig, Christoph Waltz, Hong Chau, Laura Dern, Jason Sudeikis, Alec Baldwin, Neil Patrick Harris, Margo Martindale, Kerri Kenney
Alexander Payne est un réalisateur dont nous avions apprécié The Descendants (2011) et Nebraska (2013). C’est donc sans appréhension que nous avons visionné Downsizing, une comédie dramatique. L’on pourrait même écrire "satirique". Autant dire que nous avons été séduit sur le fond du film (il y a un mais, voire plusieurs, sur le(s)quel(s) nous reviendrons). Le réalisateur aborde en sous-texte des questions essentielles relatives à notre impact sur la planète terre : la surpopulation, le réchauffement climatique, l’empreinte carbone, la quantité de déchets que nous produisons. Il propose une solution de taille, si l’on peut se permettre : réduire la taille des humains à 5 pouces (12,7 cm) et les intégrer dans un univers clos où les "petites personnes" (small individuals) seront à l’abri des prédateurs et en même temps vivront en univers clos, entre eux, et à leur(s) mesure(s). Les avantages sont nombreux : moins de déchets et surtout beaucoup plus de biens (adaptés en taille bien sûr) en fonction des richesses que l’on possédait avant de se faire rétrécir (opération irréversible).
Tout l’intérêt du film qui devrait faire sourire, voire rire, à plusieurs reprises est de poser une société qui est une copie conforme de celles actuelles et réelles. Nous n’allons pas spoiler (mais, au besoin, l’intrigue complète du film est dévoilée sur Wikipedia en anglais) mais signaler que rien ne change dans les travers des uns et des autres, dans la répartition des richesses, l’exploitation des pauvres. En somme, chaque ville a, d’une certaine façon ses bidonvilles et ses laissés-pour-compte. La question du droit de vote est également posée avec quelques éléments qui donnent à penser. Il ya aussi l’idée d’un repli dans un lieu totalement clos à l’abri du monde externe. En cela Dowsizing est plus une satire sociale qu’une réflexion approfondie sur l’avenir de l’humanité. Pour intéressante qu’elle soit, l’invention dont il est ici question (un sérum qui permet de réduire la taille des êtres vivants, sauf certains poissons et crustacés) est fictive, improbable et impossible et nous ne pouvons envisager d’autres solutions que le malthusianisme dont nous avons fait état à propos du documentaire Walk With Me de Marc Francis et Max Pugh et surtout dans un autre documentaire, Mais qu’est-ce qu’on attend, de Marie-Monique Robin. La question du malthusianisme est d’ailleurs au coeur de l’intrigue de la fiction Inferno de Ron Howard. Et si son film est une daube, il n’empêche qu’il fait découvrir par l’absurde les enjeux, voire les dangers du malthusianisme. Mais ne poursuivons pas ce débat parce que si le film aborde des questions éminemment d’actualité, il le fait aussi en usant des codes de l’anticipation ou de la science-fiction. A noter que nous sommes dans un univers proche du nôtre au plan temporel (il suffit de voir les objets présents dans cet univers qui sont contemporains du nôtre). Dès lors, ce qui se situe "quinze ans plus tard" dans le film l’est pas rapport à quinze ans plus tôt, ainsi début des années 2000 ou avant, pour ce qui est de la découverte inaugurale du sérum.
Si les questions "existentielles" sont importantes et ne peuvent être évacuées et sont le fil rouge du film, celui-ci est aussi occasion de jouer avec des arguments de... tailles et avec les effets spéciaux. Ce n’est pas la première fois que cela est utilisé au cinéma et nous ne citerons que trois longs métrages : Innerspace (L’aventure intérieure) de Joe Dante en 1987 ; Honey, I Shrunk the Kids (Chérie, j’ai rétréci les gosses) de Joe Johnston en 1989 et, plus récemment Ant-Man de Peyton Reed (2015). Dans chacun de ces films et toutes proportions gardées si l’on nous autorise cette expression, c’est une "machine" extérieure qui permet de réduire humains, vêtements et objets. Ici il n’en est rien puisque c’est une injection préalable dans le corps (d’une souris au début, d’humains ensuite) qui permet la réduction de taille à l’aide d’un appareil (une chambre close) dont on ne saura d’ailleurs rien de plus. Et c’est là que tout tourne à la foire et que cela foire pour nous qui sommes geeks des univers de science-fiction depuis notre adolescence. Autant dire que les univers parallèles, les concepts improbables sont des choses qui ne nous posent aucun problème sauf... Car il y a un mais... écrivions-nous plus haut !
Nous pouvons accepter les univers que l’on propose et nous jouons le jeu même s’ils sont improbables, par exemple l’invisibilité ou le voyage dans le temps. En revanche, il faut qu’il y ait une cohérence dans le monde alternatif qui nous est donné à croire. Il faut donc que dans l’hypothétique, fût-il absurde, le critère de vraisemblance et/ou de cohérence soit respecté. Et autant écrire qu’ici nous en sommes vraiment loin. L’on pourrait se dire que cela n’a pas beaucoup d’importance, qu’il faut jouer le jeu, accepter les conventions. Certes oui, sauf si, comme ici, le réalisateur donne au critique fan de SF le bâton pour le battre ! En effet, le scénario insiste beaucoup, images à l’appui, sur le fait que le rétrécissement ne concerne pas l’ensemble des tissus : ainsi pas questions de rétrécir si l’on a une prothèse, pas question de partir avec dents, cheveux, cils, sourcils, poils aux bras, aux jambes et même au pubis... toutes choses qui donneront lieu à quelques scènes cocasses à défaut d’être d’anthologie. Et puisque le réalisateur montre tout cela, c’est qu’il veut donner une ossature "scientifique" à son intrigue (en acceptant bien entendu le postulat de départ).
Voici donc dans le désordre quelques incohérences et non des moindres. Qu’en est-il des os et des ongles ? Du sabot des animaux, de leur pelage ? Mais plus encore de la flore ? Comment la rétrécit-on puisqu’il y a des plantes dans les nouvelles cités ? Comment ont été fabriqués les maisons, le mobilier, les objets, téléviseurs, caméras, les vêtements, etc. Les aliments, les boissons qui ne sont que les copies de celles du monde des grands ! Et encore, pourquoi les petits ont-ils besoin de micro pour parler aux grands et puis parlent normalement (sans parler des questions de fréquence vocale). Au début Paul a une somptueuse maison unifamiliale et puis il est dans un appartement avec un voisin au-dessus ! Il y a aussi un sérieux problème de taille lorsque l’on se trouve en Norvège ! L’on a oublié d’agrandir les montagnes à l’image et elles sont homothétiques à des humains de taille normale. De même lorsque les petits hommes sont face au fjord si l’on tient compte du fait qu’ils sont rétrécis, alors la "plage" fait à peine quelques mètres de large ! L’on nous permettra d’enfoncer le clou (de la fin) au sujet d’une vieille bible. C’est celle confiée par Ngoc Lan Tran à Paul. Celle qui lui vient de son pays, avant d’être réduite en "punition" de son militantisme. Mais là où la Bible devrait être plus grande que la grande rose jaune dans l’appartement de Paul (et pour cause, elle vient de l’extérieur !)... ici, elle tient dans la main du petit Paul... Comment la Bible a-t-elle été réduite ?