Synopsis : Howard Wakefield est avocat et père d’une petite famille modèle de banlieue résidentielle. Victime d’une violente dépression, aussi soudaine que sourde dans son déclenchement, le voilà quittant sa famille pour vivre en ermite… dans le grenier de sa propre maison. D’une petite fenêtre, il regarde sa femme (Jennifer Garner) et ses enfants réagir à sa disparition, comme on imagine parfois la réaction de ses proches à ses hypothétiques funérailles. À mesure que son sort grandit en proportion, il en commente les conséquences.
Acteurs : Bryan Cranston, Jennifer Garner, Jason O’Mara, Beverly D’Angelo.
Wakefield est le deuxième film de la scénariste Robin Swicord. Epouse de Nicholas Kazan, fils d’Elia Kazan, elle avait réalisé en 2007 The Jane Austen Book Club, qu’elle adaptait du livre éponyme écrit en 2004 par Karen Joy Fowler. Dix ans plus tard, elle s’attaque à une nouvelle adaptation, mais d’une nouvelle cette fois-ci. En réalité, il s’agit de l’adaptation d’une autre nouvelle. Au départ, Nathaniel Hawthorne publie, en 1835, dans The New-England Magazine l’histoire de Wakefield. Ou plutôt, un narrateur raconte l’histoire de cet homme qui décide de quitter un jour sa femme et son foyer. Il n’y reviendra que vingt ans plus tard, sans qu’aucune raison précise soit donnée à son retrait du monde. L’intérêt de cette nouvelle réside dans le narrateur qui sert d’interface entre Wakefield et le lecteur à qui il tente de faire comprendre les raisons qui lui ont fait tout lâcher. Bien plus, le narrateur devient un des protagonistes de la vie de Wakefield, l’interrogeant, comme si l’on brisait l’équivalent du quatrième mur au cinéma. Allia, l’éditeur français de la nouvelle (une quarantaine de pages en gros caractères en format 9*14 cm !) use d’un artifice pour jouer avec ces interactions en diminuant la taille de la police au fur et à mesure de l’avancée du récit. Mais ce n’est pas la nouvelle de Nathaniel Hawthorne qu’adapte Robin Swicord mais son actualisation par le romancier Edgar Lawrence Doctorow (que nous n’avons pas lue). Celui-ci transpose la nouvelle initiale aux USA et au XXIe siècle.
A l’arrivée, tout cela forme un film assez décevant. Le thème de l’histoire et sa forme singulière pouvaient donner libre cours à une expression cinématographique riche et dense. Ce n’est pas le cas et l’on comprend que le film sorte directement en DVD en France début septembre avant même la projection en Belgique. Point de narrateur ici, mais la voix off de Bryan Cranston qui devient rapidement envahissante.
Certes Bryan Cranston arrive à donner corps à un homme exécrable, détestable, qui se retire du monde sur un coup de tête et observe son épouse et sa famille via une "fenêtre sur salon" ! L’exode ne durera ici qu’une année environ au lieu des vingt ans de la nouvelle. Le drame du film est qu’il joue mal sur deux tableaux. Le premier, c’est l’histoire d’un homme qui se clochardise en quelque sorte pour subvenir à ses besoins, pillant les poubelles, se les disputant avec les animaux ou des bandes organisées. L’acteur a beau avoir une barbe mal taillée, habiter son personnage, qu’il est très lourd et ne suscite aucune empathie, d’autant que, il faut vraiment le préciser, celui-ci est vraiment un sale type (c’est que la relation avec sa femme repose quand même sur un fameux coup tordu que vous découvrirez à l’écran). Et c’est le deuxième volet du film, aussi mal traité que le premier. C’est le volet psychologique et/ou relationnel de Wakefield. Son introspection, via la voix off, les flashbacks sur sa vie, les mises en images de réactions potentielles à ses actions. Mais cela ne va pas bien loin, malgré la rencontre attendrissante avec des enfants trisomiques hébergés par le voisin, sauf peut-être à ajouter un peu de suspens. Quant à la fin, s’ouvrant mentalement sur deux possibles... mais se clôturant sur une porte ouverte et une solution totalement boiteuse vu le passé du personnage.