Synopsis : Marina et Orlando, de vingt ans son aîné, s’aiment loin des regards et se projettent vers l’avenir. Lorsqu’il meurt soudainement, Marina subit l’hostilité des proches d’Orlando : une "sainte famille" qui rejette tout ce qu’elle représente. Marina va se battre, avec la même énergie que celle dépensée depuis toujours pour devenir la femme qu’elle est : une femme forte, courageuse, digne ... une femme fantastique !
Acteurs : Daniela Vega, Francisco Reyes, Luis Gnecco, Aline Kuppenheim, Amparo Noguera.
Le film commence par un plan sur les célèbres Chutes d’Iguazú, celles-là même qui sont au coeur de Happy Together de Wong Kar-wai (1977). La caméra nous introduit ensuite dans un sauna où un homme âgé se fait masser. Il revient au bureau cherche une enveloppe blanche - sans succès - et écrit quelque chose sur une feuille de papier qu’il glisse dans une enveloppe. Plus tard, nous le voyons en présence d’une femme, belle, plus jeune que lui. Le spectateur les découvre amants, amoureux, elle Marina, lui, Orlando. Lui. Elle !? A elle, il lui remet l’enveloppe qu’elle ouvre. A l’intérieur, un bon à valoir pour un voyage vers les chutes d’Iguazú (en attendant de retrouver les billets). Elle se rend dans la salle de bain tandis que lui reste au lit et il a un malaise, sérieux. Un peu comme dans Even Lovers Get the Blues où la mort d’un des protagonistes sera un des moteurs de l’action. C’est que, arrivée à l’hôpital, Marina le quitte après avoir appris qu’Orlando était mort. La question se pose déjà de connaître son statut à elle. Celle-ci sort de l’hôpital, téléphone avec le GSM d’Orlando a quelqu’un qui lui demande de n’avertir personne et qu’il se chargera de tout. N’allons pas plus loin dans le dévoilement du film qui sera aussi un dévoilement identitaire... quoique, dévoilement serait plutôt voilement aux yeux du spectateur. C’est que celui-ci aura compris que "elle" était "lui" ou, du moins, que les "apparences" sont trompeuses. Ainsi la police veut l’interroger, surprise de son départ précipité de la clinique. Elle veut ses papiers qui disent "Daniel", donc "lui" et pas "elle". Elle/lui si jeune avec un homme âgé. Pourquoi ? Elle est suspecte à tel point qu’il faut dévoiler son identité, la photographier de face. Le haut, bien sûr. Mais surtout le bas (hors champ pour le spectateur) que la policière et le médecin obligent à dévoiler pour la photo. Suspect(e) d’un amour hors des genres et des conventions, par le fait de l’âge et du sexe. Alors que Marina veut simplement rendre hommage à Orlando qu’elle aimait et qui se donne encore à voir à elle de façon onirique au-delà de la mort, la famille s’y oppose catégoriquement. Ses tentatives seront vaines tant au culte rendu à l’église qu’au cimetière. Une scène du film, intense, dramatique la rendra mutique. Sa parole interdite à elle que l’on prend pour un pédé. Pénible confusion de genre. Bêtise et méchanceté se côtoient ici avec la violence et la haine tournée contre "l’homosexuel". Double rejet : ni femme ni homme. "Pédé", l’insulte suprême pour contester ce qui vient mettre en doute la masculinité de ceux qui la professent. Il s’agit d’un des moments forts et difficiles du film. Elle, à qui on promet un peu de cendres du défunt, donnant/donnant pour qu’elle ne se montre pas aux funérailles, à la famille et aux proches, pour qu’elle ne contrevienne pas aux codes sacrés de la virilité chilienne, elle donc pourra rejoindre le crématorium à l’insu de la famille et, devant le four, avoir une dernière pensée et un geste de tendresse pour la dépouille de celui qu’elle aimait.
Une des clés du récit sera donnée à la fin, dans un sauna, où Marina dévoilera le haut pour mieux cacher le bas et découvrir le trésor enfermé qui lui était destiné. Enfin, le spectateur qui s’interrogerait sur ce qui lui est caché de l’actrice Daniela Vega [1] n’aura en retour qu’un miroir qui permet à Marina [2] de cacher ce qu’il serait obscène pour le spectateur de chercher. Il découvrira alors une femme forte et magnifique ! Une femme fantastique.