Synopsis : Melody, une jeune femme de vingt-huit ans, décide de devenir mère porteuse contre une grosse somme d’argent qui lui permettra d’acheter le salon de coiffure dont elle rêve. Emily, la mère commanditaire, une riche Anglaise de 48 ans qui ne peut plus avoir d’enfant, fait venir Melody chez elle : elle veut pouvoir contrôler le bon déroulement de la grossesse.
Si tout les sépare au départ, les deux femmes finissent cependant par s’adopter : Melody, née sous X, trouve en Emily la mère qu’elle n’a jamais eue, et Emily reconnaît en Melody la fille qu’elle aurait pu avoir.
Mais pourront-elles mener à bien cette aventure qui les unira à jamais ?
Ce deuxième long-métrage du namurois Bernard Bellefroid (après La Régate) a concouru sur ses propres terres à l’occasion du Festival International du Film francophone à Namur en 2014. Le film est sorti en Belgique le 25 mars dernier.
Il sera projeté dans les salles française dès le 6 mai, occasion de réactualiser cet article.
Durant la vision, il me semblait que le titre n’était pas approprié car il focalisait sur une des protagonistes du film pour en faire le noyau autour duquel graviteraient les autres personnages, comme dans un système solaire. Et, pour utiliser la même métaphore sidérale, j’userais volontiers de l’expression d’un système à double étoile (et je joue également sur le mot étoile utilisé pour parler d’une grande actrice au cinéma !). Et justement, le film - qui aurait pu s’appeler Two Mothers si le titre n’avait déjà été utilisé pour un long métrage d’Anne Fontaine - abonde en références binaires : deux femmes, deux mères (j’y reviendrai), deux pays : la France et l’Angleterre, deux questions éthiques : la naissance sous X et la gestation pour autrui !
La maternité est au centre du film : celle d’une mère qui ne fait que prêter son corps pour porter un corps étranger qu’il lui sera bien difficile d’abandonner à une autre. celle-ci ne pouvant plus donner vie ne peut, à son corps défendant, qu’utiliser celui d’une autre dont elle devra séquestrer le corps pour ne pas perdre le fruit de ses entrailles. Qui est la mère : celle qui a fourni l’ovule ? Celle qui nidifie ? Celle qui veut se transmettre ? Celle qui adopte l’enfant en son sein alors qu’elle même est en quête d’une mère ? Je joue ici volontiers sur les mots pour évoquer ces questions de filiations abordées autrement dans d’autres films, qu’il s’agisse dans le registre de la comédie de La vie est un long fleuve tranquille (Étienne Chatiliez, 1988) ou, sur le versant dramatique et dans une autre culture de Tel père, tel fils (Hirokazu Koreeda, 2013) !
Ces deux femmes se confronteront, se jugeront, se jaugeront, se découvriront tout au long de ce métrage où deux cultures : française et anglaise se rejoignent et s’interpellent à travers aussi les différences juridiques dans les questions éthiques liées à l’accouchement sous X et surtout à la gestation pour autrui qui oblige à passer à l’Est pour s’accommoder d’autres législations plus souples en la matière.
Le film ne nous enferme ni dans ces questions éthiques ni dans les domaines sociaux et/ou religieux mais nous invite à porter un regard humain sur des situations qui elles ne sont pas en noir et blanc, en tout ou rien...
Melody, le film, ne peut que remporter l’adhésion et il y a pourtant un bémol car le regard que pose le réalisateur sur Melody (la jeune coiffeuse interprétée par Lucie Debay) et sur Emily (la chef d’entreprise, interprétée par Rachael Blake) paraît extérieur (malgré les gros plans) et quasi documentaire. N’oublions pas que justement, à l’origine, Bellefroid est un documentariste et que ceci joue probablement (fut-ce inconsciemment) sur la réalisation. Dès lors, comme d’autres journalistes, il m’a parfois été difficile d’être en totale empathie avec les personnages du film.
Cette réserve formulée, Melody reste un très beau film qui invite à la réflexion. Au Festival International du Film Francophone de Namur, Melody a remporté deux prix : le Prix du public de la ville de Namur et le Prix Cinevox. Il a également obtenu le Prix d’interprétation pour Rachael Blake et Lucie Debay ainsi qu’une Mention spéciale du jury œcuménique au Festival des Films du Monde de Montréal 2014. On ne peut donc que lui souhaiter, dans la foulée de ces prix, un grand succès lors de sa sortie en salles (chronique rédigée début octobre 2014).