Synopsis : Un « casus belli » c’est, littéralement, un motif de guerre. Ce motif peut être essentiel ou futile, et le feu qu’il allume une guerre mondiale ou une querelle de voisinage. Certaines étapes se retrouvent quelle que soit la taille du conflit : incompréhension - interprétations de signes, actes ou paroles - dénigrement - insultes franches ou voilées - escalade. Le feu est plus facile à allumer qu’à éteindre ! Ce film s’intéresse au difficile travail de ramener les humains en discorde à une paix relative. Deux métiers et deux lieux sont explorés : le médiateur de quartier, qui écoute, s’abstient de tout conseil, tâche de faire émerger la solution des parties elles-mêmes et le juge de paix, qui tantôt tranche, tantôt s’efforce de dégager un accord – parfois au forceps.
Devant eux, le théâtre de l’humanité, avec ses ruses, ses fanfaronnades, ses manœuvres de séduction, et sa sincérité. (extrait du dossier presse).
"Vivre ensemble" : l’expression couvre de tels enjeux de société qu’elle en devient substantif : "Le vivre-ensemble". Immeubles, copropriétés, voisinage... les relations s’enveniment et les antagonistes continuent de cohabiter. Anne Lévy-Morelle observe un juge de paix, ses greffiers et des médiateurs de quartiers bruxellois. Leur fonction : désamorcer des situations explosives, éventuellement triviales vues de l’extérieur mais insupportables pour ceux qu’elles accablent au quotidien.
Attention, il n’y aura que 12 séances (à Bruxelles : Flagey) pour ce documentaire très intéressant sur l’importance de la parole dans les Justice de paix et les maisons de médiation.
NB : Les deux parties suivantes sont extraites du dossier presse.
In principio... (au départ)
Je crois que tout a commencé parce que j’étais agacée par le mot d’ordre « Indignez vous ! » J’ai la conviction – et d’ailleurs Stéphane Hessel l’a reconnu lui-même – que ce n’est pas l’indignation qui génère les changements profonds, mais bien l’engagement. L’indignation est une position, un jugement moral. Personne n’a jamais arrêté une guerre en se positionnant de cette façon. Il est très facile d’être « pour » ou « contre » quelque chose d’emblée, mais en prenant le temps, en écoutant d’autres voix, on se rend compte que les choses ne sont jamais aussi simples qu’on le pensait, qu’il faut sans cesse réviser son jugement, le suspendre. Qu’on acquiert ainsi une profondeur plus intéressante.
Facebook et tous les forums aujourd’hui permettent à tout le monde de donner une opinion sur tout ! C’est une vraie manie, et ça ne me semble pas du tout productif de quoi que ce soit d’intéressant... En partant filmer deux endroits où l’on écoute, un bureau de médiation et un tribunal de justice de paix, je voulais peut-être tricoter une sorte d’antidote à ça.
In situ (sur le lieu même)
J’ai filmé deux lieux différents et j’ai opéré un aller-retour entre l’un à l’autre durant tout le film : le centre de médiation d’Ixelles (avec les médiateurs Eléonore Stevens et Jean De Lathouwer), et le tribunal de justice de paix de Saint-Gilles (avec le juge Guy Rommel). Ce sont deux endroits à la fois proches, et très différents.
En médiation, la démarche est totalement volontaire. Personne ne peut obliger quelqu’un à se présenter à l’invitation pour régler un conflit de voisinage ou un conflit familial. Les médiateurs sont là pour accoucher la parole et aider les gens à construire leur solution eux-mêmes.
Un juge de paix, lui, tranche entre les parties, mais il est aussi chargé de faire des conciliations et dans ce cas, c’est également un acte volontaire. Contrairement aux médiateurs, le juge trouve une solution, pèse de son poids d’autorité pour faire adopter l’accord... parfois aux forceps.
Ici, le juge siège dans ce très beau tribunal de Saint-Gilles qui a gardé son aspect théâtral, son cachet du passé. C’était le contrepoint idéal face au bureau de médiation où là, on se retrouve plongé dans la culture du XXIe siècle, égalitaire, sans hiérarchie.
J’ai donc filmé ces deux lieux, ces deux métiers. Aussi différents soient-ils, leur point commun reste l’attitude de suspension du jugement. Ça peut paraître paradoxal, mais un juge, pour bien faire son travail, doit se positionner hors du jugement.
Accepter de se laisser filmer !
J’ai découvert ce film qui m’a touché, à la fois parce que la parole qui libère est difficile et longue pour advenir face à l’autre, mais surtout parce que des personnes, parfois en situation difficile, parfois en faute, peu importe somme toute car qui a tort, qui a raison ? ont accepté de se laisser filmer. J’ai demandé à l’attachée presse comment cela avait été géré. La réponse, plus complète, se trouve également dans le dossier presse que je reproduis ci-après.
Conditio sine qua non (condition absolument nécessaire)
Il y a eu deux dispositifs complètement différents. Au centre de médiation, j’étais seule. J’ai fini par faire partie des meubles avec le temps. Ella van den Hove (Image) avait installé un éclairage et Jean-Jacques Quinet (montage son-mixage) avait suspendu des micros que j’orientais selon les besoins de chaque rencontre. On a mis la caméra sur un pied à roulettes pour que je puisse me déplacer facilement dans le bureau. J’avais mes ruses pour que les gens s’asseyent où je voulais. La première fois qu’on se rencontrait, j’expliquais mon projet. Je leur disais que la matière était confidentielle et que dans quelques temps, je les recontacterais pour leur demander l’autorisation d’utiliser les images dans le film.
Pour le tribunal, c’était tout à fait autre chose. La justice de paix, ça va à toute allure ! On était à deux caméras. Moi, je cadrais le juge, et Ella cadrait les justiciables, les visages ou les mains selon l’accord obtenu. Le juge et le greffier portaient chacun un micro émetteur, et une perche prenait le son des justiciables. C’était complexe. Les gens arrivaient sur le palier, et ils entraient tous en même temps dans la salle d’audience, anxieux de ce qui allait se passer avec le juge... Nous avons donc installé un assistant et deux stagiaires sur le palier pour prévenir les gens, expliquer ce qu’on voulait faire. Les gens qui ne voulaient pas être filmés portaient deux gommettes rouges, comme ça, nous, derrière la caméra, nous savions immédiatement qu’on ne pouvait pas les filmer sans pour autant perturber le bon déroulement de la séance. Les gens qui voulaient bien être entendus sans être vus portaient une seule gommette. Ceux qui acceptaient ne portaient rien. À la sortie, les gens confirmaient leur autorisation (ou pas !) et signaient un accord.