Il m’arrive de revoir des films, une fois, deux fois, parfois beaucoup plus. En revanche, faire deux critiques : non. Et pourtant, j’ai fait une expérience troublante en participant à l’avant-première aux Galeries à Bruxelles de Je suis resté dans les bois et ensuite à l’exposition de Vincent Solheid.
J’avais beaucoup aimé ce film dont je disais qu’il était "improbable, inclassable, et qu’il jouait sur les imaginaires et une relecture du passé". J’avais été marqué à tel point que j’ai reçu à l’antenne pour deux interviews Michaël Bier et Vincent Solheid (Erika Sainte était en tournage à ce moment-là) (podcasts ici : partie 1 et partie 2). Le hasard a fait que j’ai pu m’arranger pour me rendre aux Galeries pour l’AP. Et ce fut un plaisir pour la tête, le coeur et les yeux de revoir ce film. C’est que sa structure, sa construction et sa conception méritent largement une deuxième vision (au moins). Si j’attendais - sans surprise - les tableaux, connaissant ce que l’on pourrait appeler l’intrigue dans un film conventionnel, je pouvais aussi les recevoir, les admirer, les déguster et aussi en saisir plus encore le sens (les sens et l’essence, pour vraiment jouer sur les mots comme un enfant de choeur dans une église). Le public était acquis : acteurs, participants, équipe technique, et aussi ceux qui avaient soutenu le projet pour le porter à sa concrétisation, et également ceux qui y ont apporté une aide financière à leur mesure. Ce public... qui est resté jusqu’à la dernière ligne du générique apportait une densité supplémentaire à la vision.
Toutefois, le must fut la découverte de l’exposition de Vincent Solheid qui n’a pas spécialement les atours pour plaire si l’on est amateur de photographies. C’est que les clichés sont retravaillés et l’on n’aura pas des images noir et blanc léchées, ciselées, burinées d’un contraste de mine de charbon. Nous sommes plutôt dans des images brumeuses comme si elles étaient voilées, comme si le passé était filtré par la mémoire et par la reconstruction du ou des souvenirs. Par ailleurs, il y avait plus que les neuf tableaux du film (je ne les avais pas comptés la première fois, ni d’ailleurs celle-ci, et c’est une information qui m’a été donnée peu avant d’entre dans l’exposition). Car on y entre comme si l’on faisait un travail d’hypnose pour faire advenir à la mémoire des choses cachées, oubliées, des peurs, des blessures, du mal parfois. Comme cela, pour rien. Simplement parce que l’on est gosse et que l’on ne sait pas.
Et c’est tout l’art de cette exposition : ces souvenirs sont écrits en commentaire des tableaux. On découvre les groupes de photos, on lit le texte, on revoit les photos, on relit l’histoire et on la relie au film ! Passionnant et bouleversant. Un des tableaux (non inclus dans le film) m’a touché à titre personnel (et il en sera de même je suppose pour d’autres visiteurs et tableaux) : l’histoire d’une petite souris. J’y ai senti la culpabilité de la mise à mort d’une souris par un enfant qui avait peur autant que la pauvre bête. Elle m’a renvoyé de plein fouet mes propres culpabilités lorsque pas encore adolescent j’avais martyrisé un chat, salle gosse que j’étais sans le savoir. KO debout pour quelques lignes mises en images et en abime d’une vie d’adulte qui revisite son passé. Culpabilité qui n’est pas indemne probablement de la culture judéo-chrétienne... qui a marqué aussi Vincent... mais c’est une autre histoire.
Je ne puis donc que recommander de voir le film ET l’exposition... si possible à la suite et dans cet ordre. Si en plus vous pouvez voir l’expo dans la foulée du film, immédiatement ou dans les jours qui suivent, c’est un must !
Voici déjà les prochaines dates :
- à la brasserie du cinéma Sauvenière à Liège à partir du vendredi 21 avril
- Une autre sélection sera présentée à partir du mercredi 26 avril, jour de la sortie en salle, au cinéma Galeries à Bruxelles.