Présentation BIFFF : À bout de ressources et désespérément seul sur son île déserte, Hank est sur le point de commettre l’irréparable lorsque, soudain, la mer vomit un cadavre sur la plage. Intrigué, Hank quitte sa corde de pendu et va renifler son nouveau copain qui a la sale habitude de roter de la rondelle. Hank se rend alors compte qu’il peut utiliser ce macchabée aux flatulences intempestives comme d’un jet-ski afin de rejoindre la terre ferme ! Mieux encore, une fois sur le rivage d’en face, Hank découvre que le corps en question commence à récupérer ses facultés cognitives et décide de le baptiser Manny. Commence alors un long voyage dont le but est de retrouver la civilisation où Manny, tel un couteau suisse humain, offrira de façon assez unique la solution aux nombreux obstacles qui se dresseront devant eux…
Véritable bulldozer de festivals et buzz hallucinant à Sundance où – entre les critiques dithyrambiques et les spectateurs outrés – il aura clairement marqué les esprits, Swiss Army Man se pose déjà comme l’un des films les plus originaux de ces dernières années. Bardé d’une dizaine de prix internationaux et autant de nominations, ce premier film des Dans (le duo Daniel Kwan/Daniel Scheinert issu du clip et de la pub) est en équilibre constant entre la vulgarité organique et la poésie existentielle, offrant notamment à Daniel Radcliffe ce qu’il considère être son « meilleur rôle à ce jour ».
Acteurs : Paul Dano, Daniel Radcliffe, Mary Elizabeth Winstead
Je pensais ne plus jamais utiliser l’adjectif improbable que j’avais employé pour le film Je suis resté dans les bois, réalisé par Michaël Bier, Erika Sainte et Vincent Solheid. Improbable ici, non pas dans le cadre du BIFFF... — quoique s’agissant d’un film produit par Netflix alors que la controverse se fait entendre à Cannes du fait de la sélection de films produits par cette plateforme de vidéos à la demande —, mais par le thème abordé et le choix des acteurs (au double sens de choix : ils ont été choisis et ils ont choisis et/ou accepté de tourner). La présentation ci-dessus en dit assez pour comprendre l’intrigue du film qui est en fait plus psychologique que rationnel.
Les interprétations sont probablement multiples, ainsi Manny serait-il un alter ego de Hank dans une folie due à l’isolement (ou pour l’aider à vaincre celle-ci) que cela importe peu. Le film qui se la joue en mode humour de cour de récréation avec Manny un cadavre pétomane ayant de nombreuses et solides érections qui sont aussi des indications sur la voie à suivre. Manny (étonnant Daniel Radcliffe) va servir de couteau suisse à Paul Dano pendant la plus grande partie du film. Paul Dano et Daniel Radcliffe sont d’ailleurs seuls à l’écran pendant septante-huit minutes sur les nonante-deux du film (à l’exception de certains flashbacks où Hank se souvient de Sarah, la femme qu’il a rencontrée sans oser lui avouer son amour).
Après avoir quitté une île déserte dont on ne connait pas la situation géographique (ni non plus comment Hank y est arrivé) il(s) arrive(nt) sur une côte dont on découvrira qu’elle est proche, très proche, en réalité du domicile de Sarah. Mais avant cela, dans les bois - très proches donc - ils vont se créer un havre de paix, de réflexion, d’échange et d’amitié grâce à tout ce qu’ils récupèreront dans les immondices déversées dans le bois. Le GSM de Hank (que Manny croit être le sien) a une importance dans le film, non pas tant comme dans Teo-neol (Tunnel) de Seong-Hun Kim où il faut gérer là aussi l’autonomie du téléphone, mais comme vecteur de l’amour impossible de Hank pour Sarah, qui est déplacé vers Manny (avec toujours force d’érections !). Là, perdus dans ce bois, ils vont y rester pour créer de nombreuses situations et lieux : les souvenirs de Hank mis en scène en autant de jeux de rôles. De là naîtra aussi une bromance - une amitié masculine forte, mais non sexuelle... - même si ici, les deux protagonistes s’embrasseront sur la bouche... sachant que Hank se sera grimé en Sarah (il avait depuis abandonné barbe et moustache... son apparence candide, fine, voire féminine et fragile va aider bien entendu).
Au-delà du film (qui a obtenu le prix du Jury du 7e Parallèle) qui peut sembler vain et inutile, divagation de geeks, c’est surtout sa place dans la carrière des acteurs et tout particulièrement celle de Daniel Radcliffe. En effet, il tente avec succès de sortir de son rôle de jeune sorcier de la saga Harry Potter. Après Horns, il y a eu The Woman in Black (La dame en noir), Kill Your Darlings et What If (Et (beaucoup) plus si affinités) et (le dispensable) Now You See Me : The Second Act (Insaisissable 2). A part ce dernier film, et sans savoir quel sera le plan de carrière de Daniel Radcliffe, on peut aisément affirmer que le jeune sorcier est arrivé à casser tous les codes de genre (et cela aux multiples sens du terme) avec cette improbable bromance dont on lira ici ce qu’en pense un autre électron libre du cinéma, James Franco. Enfin, Netflix se permet un clin d’oeil promotionnel en faisant dialoguer les deux protagonistes principaux sur ce thème. L’on apprendra ainsi que si l’on va au cinéma quand on est toujours en quête de l’âme soeur, quand on l’a trouvée, on reste chez soi et on regarde les films sur Netflix !