Synopsis : Les fractures mentales des personnes présentant un trouble dissociatif de la personnalité ont longtemps fasciné et échappé à la science, il se dit que certains peuvent également manifester des attributs physiques uniques pour chaque personnalité, un prisme cognitif et physiologique dans un seul être. Kevin a manifesté 23 personnalités devant son psychiatre de longue date, le Dr Fletcher, mais il en reste une, immergée, qui commence à se matérialiser et à dominer toutes les autres. Contraint d’enlever trois adolescentes, dont la volontaire Casey, Kevin se bat pour survivre parmi tous ceux qui évoluent en lui-même – et autour de lui- tandis que les murs entre ses personnalités volent en éclats.
Acteurs : James McAvoy, Haley Lu Richardson, Brad William Henke, Anya Taylor-Joy, Kim Director, Lyne Renée.
Do not talk about Split !
Quelques conseils avant de voir le film en salle et absolument en version originale (sous-titrée bien entendu si vous ne maitrisez pas l’anglais) :
- Ne regardez pas la bande-annonce.
- Ne faites pas de recherches sur Internet et ne vous documentez pas non plus.
- Peut-être vaut-il mieux ne pas lire cette critique et en tout cas les "spoilers" !
- Ouvrez votre esprit à l’inattendu.
- Le film est un thriller psychologique plus qu’un film d’horreur.
- Restez jusque la fin, soit une minute environ après que vous ayez vu l’écran avec Split en caractères blancs sur fond noir.
- Ensuite, ne quittez pas votre siège, pensez à tout cela en vous disant que l’on vient peut-être de vous donner une clé (sur 23 ?)
Difficile d’écrire quelque chose alors que ce n’est pas l’envie qui manque de passer en mode « interprétation » soit donc expliquer au spectateur ce à quoi il doit (ou aurait dû) être attentif et que vous, critique avez vu et compris (ou du moins, le croyez-vous).
We need to talk about Billy Miligan
Tout d’abord, même s’il ne semble pas en être fait mention dans le peu d’information fournies à la presse pour un film déjà sorti en janvier dans plusieurs pays et dès septembre dernier aux USA dans le cadre du Fantastic Fest, l’histoire de cet homme aux multiples personnalités a un substrat « réel » alors même que nulle part n’apparaît la mention « basé sur une histoire vraie ».
Il s’agit de celle de Billy Miligan (1955-2014) qui a fait l’objet de deux romans (attention, si vous cliquez, vous risquez de découvrir des spoilers !) de Daniel Keyes en 1981 et 1986.
L’on peut déjà espérer que vous n’avez pas cédé à la curiosité, mais ce ne serait pas trop grave, car ce n’est somme toute pas beaucoup plus que ce qu’en disent l’affiche et les accroches relatives à la performance de James McAvoy.
Il navigue dans un décor glauque et minimaliste, ce qui semble être un sous-sol avec plusieurs caves dans lesquelles il enferme des jeunes filles qu’il a enlevées, deux amies plus une, Casey Cooke (Anya Taylor-Joy) qui ne l’est pas et qui à un trouble de personnalité. Je n’en dirai pas plus, sinon que celui-ci jouera un rôle dans la confrontation avec l’homme « multiple » que je nommerai du nom de son interprète, James McAvoy, pour ne pas privilégier l’un des égos.
We need to talk about Kevin
De ces caves, l’on ne sortira principalement que pour des rencontres de James McAvoy avec une psychiatre qui échange avec lui, ou plutôt, d’une certaine façon, avec « eux », notamment au sujet d’un certain Kevin (d’où le titre en clin d’œil avec le film homonyme qui n’a rien à voir… quoique !). Une autre sortie, sera une « vue de l’esprit » quand Casey se souvient d’événements traumatisants de son enfance, une sorte de blessure qui fait que sa vie est cassée (et fait peut-être écho à ce qui est brisé, détruit ou cassé chez d’autres). Une troisième se fera par vidéos interposées dont l’une fournira une clé de lecture permettant peut-être de sortir de l’imbroglio des situations. Les échanges avec la psychiatre Karen Fletcher (Betty Buckley) au sujet de Kevin laissent entendre qu’une vingt-quatrième personnalité toute puissante et maléfique, « la bête » serait en train d’advenir. Si la doctoresse en doute, elle développe une théorie auprès de confrères selon laquelle une des personnalités peut advenir sur les composantes physiques et physiologiques du corps hôte. Ainsi l’un pourra être aveugle et l’autre pas, diabétique ou pas, très fort ou fragile...
We Need to Talk About James McAvoy
Si la violence est présente dans le film, la terreur plus encore et surtout psychologique. En cela, l’ambiance, le lieu, la bande sonore sont d’or… 24 carats ! A défaut d’en dire plus au sujet du film au risque de casser tout le suspens, il faut reconnaître que si l’interprétation des acteurs est magistrale, il faut surtout relever celle fascinante, morbide et hallucinante de James McAvoy. Il ne « joue » pas. Il est un certain nombre de ces vingt-trois égos (pas tous, cela aurait été impossible à rendre en un peu plus de deux heures), mais il excelle dans chacun d’eux, certes par des détails d’habillement dans certains cas, mais surtout par les attitudes, la gestuelle, les mimiques, les accents. Ainsi, quand il est une petite fille, il l’est et non pas un adulte bébête ou enfantin ! Si l’écossais McAvoy est aujourd’hui (très) connu, c’est en 2005, dans un rôle pour la télévision britannique, que j’ai vraiment découvert un acteur plein de talent et à l’énorme potentiel. Il s’agissait de Macbeth dans le cadre d’une minisérie ShakespeaRe-Told, qui adaptait des textes de Shakespeare à l’époque contemporaine. Peu de cinéphiles, peu de critiques ont vu cette œuvre, mais tout était déjà là en germe. Il peut ici, dans Split évoquer la tendresse et la terreur dans un même plan en adaptant son visage à la personnalité qu’il « représente ».
Do not talk about the end !
En début d’article j’invitais à visionner la dernière minute du film. Celle-ci est essentielle et fait apparaître un personnage non crédité au générique et qui fait partie de l’univers du réalisateur (la note est un spoiler : [1]). Là, vous aurez l’occasion de discuter avec d’autres fans des liens ou pas avec un autre film, voire d’envisager une suite qui lierait Split à celui-ci ! S’agissant de ne pas dévoiler la fin du film, on peut revenir à son début, son générique d’ouverture, en lettres blanches sur fond noir et qui illustre de manière graphique, la multiplicité des identités. Enfin, et c’est pur clin d’oeil cinéphile et absolument inutile, il y a une scène dans le film où un des protagonistes est pris à bras le corps par un autre qui n’est pas sans analogie, avec une scène aux mêmes conséquences, dans un film d’un tout autre genre Lo chiamavano Jeeg Robot (Gabriele Mainetti, 2015) où Zingaro, un des antagonistes est interprété par Luca Marinelli.