Synopsis : L’histoire des Chandler, une famille de classe ouvrière, du Massachusetts. Après le décès soudain de son frère Joe, Lee est désigné comme le tuteur de son neveu Patrick. Il se retrouve confronté à un passé tragique qui l’a séparé de sa femme Randi et de la communauté où il est né et a grandi.
Acteurs : Casey Affleck, Michelle Williams, Kyle Chandler, Lucas Hedges.
Kenneth Lonergan est le réalisateur et scénariste d’un film sorti en France en fin d’année 2016 et qui a séduit ceux qui l’ont visionné, notamment les cinéphiles, à tel point que le forum du site tout aussi cinéphile dvdclassik.com a vu ses contributeurs le placer quasiment en tête du podium, détrônant Carol qui a longtemps été le premier (le film a également obtenu le prix de la critique de l’UCC - mais il n’était pas en concurrence avec Manchester by the Sea qui ne sort en Belgique que fin janvier). Si, dans les derniers jours, la première place a été ravie par Voyage à travers le cinéma français de Bertrand Tavernier on se dira (le débat a d’ailleurs eu lieu sur le forum) qu’il s’agit-là d’un documentaire qui a sa place sur le podium, tout en ajoutant que le troisième film de Lonergan obtient la première place dans le cinéma de fiction ! Et là, il s’agit d’une place largement méritée. Après You can count on me (Tu peux compter sur moi) en 2000 et Margaret en 2011, où il est également scénariste (il était aussi à l’écriture, notamment de Gangs of New York) le dramaturge américain offre un drame tout en pudeur et émotion d’une durée de deux heures quinze d’une densité telle que rien ne doit être enlevé !
L’action se situe à Manchester-by-the-Sea (ville américaine dans le comté d’Essex qui portait le nom de Manchester jusque début 1990) et il est impossible d’en dire beaucoup plus que le synopsis sur l’intrigue tant tout l’intérêt, la beauté et le tragique du film sont de la découvrir progressivement, en particulier grâce aux flashbacks. Certes, l’on se rend compte qu’un drame a marqué Joe et que le fait de devenir tuteur de son neveu suite au décès de son frère le confrontera aux enjeux de la paternité. Le reste est à découvrir à l’écran avec un Casey Affleck extraordinaire, transcendant suscitant émotion et empathie ainsi qu’une Michelle Williams tout en émotion et souffrance contenue et qui illumine l’écran malgré le peu de scènes où elle est donnée à voir (notamment avec Casey Affleck). Il faut aussi souligner la présence de Lucas Hedges (Moonrise Kingdom, The Zero Theorem, The Grand Budapest Hotel) dans le rôle du neveu Patrick (interprété enfant par le tout jeune Ben O’Brien). C’est que ce neveu, avec ses deux petites amies à gérer, est en contraste total avec son oncle tout en sensibilité contenue, en pudeur désarmante, mais aussi en refus d’engagement de responsabilité et de "paternité". C’est que Lee qui s’est retiré dans sa tanière lugubre et sans avenir, comme un animal blessé qui panse ses plaies ne veut pas de ce neveu encombrant, bousculant et encore moins sortir de son antre pour revenir sur la terre de ses origines, mais aussi de ses souffrances, de son passé, de ceux qui le connaissent lui et celui-ci.
Il est des scènes accroche-coeur, ainsi lors d’une rencontre fortuite entre Lee et son ex-femme, au détour d’une rue. Tant pour cette scène que pour les autres, le cadre, la composition, la palette de couleurs, mais aussi la bande musicale sont au service d’une émotion belle et pure, presque un mélodrame qui ne vise pas à l’emphase ou au trop-plein. Difficile souvent de trouver le ton juste et ici, Lesley Barber y excelle et dès les premières notes du film, la musique nous emporte sur des vagues qui nous conduiront jusqu’à l’épilogue, toujours au bord des larmes, en totale empathie avec chacun des protagonistes. En cela les nombreux prix obtenus pour le film et ses acteurs Casey Affleck et Michelle Williams sont amplement mérités pour un film qui montre le meilleur du cinéma indépendant américain sans tomber dans aucun de ses travers !
Bande-annonce :