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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Nabil Ben Yadir
Dode Hoek (Angle mort)
Sortie le 25 janvier 2017 et le 16 janvier au Ramdam à Tournai
Article mis en ligne le 11 décembre 2016

par Charles De Clercq

Synopsis : Jan Verbeeck est le flic le plus populaire de Flandre. Commissaire de la brigade des stups à Anvers, il a démantelé plusieurs réseaux de trafiquants et beaucoup considèrent que la ville est plus propre grâce à lui. A la surprise générale, il annonce sa démission pour rejoindre les rangs d’un petit parti extrémiste, le VPV. Mais lors de sa dernière sortie en tant que commissaire qui le mène jusqu’à un labo clandestin à Charleroi, son passé refait surface...

Acteurs : David Murgia, Jan Decleir, Peter Van den Begin, Ruth Becquart, Bert Haelvoet, Mathijs Scheepers, Jurgen Delnaet.

Lien vers l’interview audio de Nabil Ben Yadir.

En résumé : Comme ce fut le cas fin 2015 pour Black, le troisième film de Nabil Ben Yadir divisera critiques et spectateurs. J’ai aimé le film qui surfe sur la vague "américaine" du cinéma flamand actuel. J’y ai vu une vraie proposition de cinéma ouvert au grand public, mêlant film noir/policier à des enjeux de société actuels pour l’Occident et en particulier en Belgique avec sa configuration si singulière. Par le biais d’une fiction et le divertissement, le réalisateur nous oblige à ouvrir les yeux sur des dérives racistes et la restriction des libertés individuelles.

Un film qui divise doublement !

Dode Hoek a divisé. Physiquement tout d’abord : le choix était proposé entre la version originale sous-tirée en français et la version doublée en langue française sous le titre "Angle mort". Première surprise donc alors que le réalisateur ne voulait que le titre d’origine (voir son interview par Nicolas Gilson. très intéressante à lire au-delà de ce détail). Bien plus, Nabil Ben Yadir qui est "fan" de versions doublées affirme que c’est un choix volontaire d’avoir proposé une version doublée en français, dont il a géré lui-même l’adaptation songeant à tout son public qui ne regarde les films qu’en version française, lui qui est : "un enfant de la VF. Indiana Jones 1 et Rocky 1, je les regarde en version française. Il y a des films que je ne peux d’ailleurs voir qu’en VF et j’ai des potes qui ne regardent que les versions françaises" (cette citation et les suivantes sont extraites du dossier presse). Première division donc et pas entre critiques néerlandophones et francophones, mais choix pour ces derniers de la version doublée par goût et/où en fonction de leur public cible. Peu importe, cette première division est secondaire. Quoique, à entendre les échos en sortie de salle, ceux-ci sont (très) critiques par rapport au film. Et c’est là une autre division, au sens où le film divise et a des détracteurs, plus nombreux certes chez ceux qui ont vu la version française, mais aussi chez les autres. Il y a certes des critiques enthousiastes alors que d’autres sont plus mitigés et plus ou moins convaincus. Ceux-ci y ont vu un film caricatural, grossièrement raciste, surfant sur de mauvaises thèses actuelles de partis extrémistes.

Mon amour du cinéma flamand

De mon côté j’ai pas mal apprécié le film et si j’avais cinquante ans de moins, je dirais que "j’ai kiffé grave" ! Globalement, malgré certains défauts, j’ai beaucoup aimé le film tant sur la forme que sur le fond et donc les questions qu’il pose. Tout d’abord parce que j’aime le cinéma flamand. En fait, il me faut parler de cinémas au pluriel, tant les genres sont différents, mais peuvent se rassembler en quelques thématiques. Ainsi, le plus plus atypique, ’indépendant’, quasiment arty ou expérimentaux comme Welcome Home de Tom Heene, Terug naar morgen de Lukas Bossuyt, Everybody Happy de Nic Balthazar ou Achter de wolken (Au-delà des nuages) de Cecilia Verheyden. Il y a ensuite un certain cinéma "social", parfois engagé (qui serait le pendant mutatis mutandis des frères Dardenne en Wallonie) avec Marina de Stijn Coninx, Le ciel flamand de Peter Monsaert, Belgica de Felix Van Groeningen ou Het Vonnis de Jan Verheyen. Enfin, il y a un cinéma d’action qui lorgne plus ou moins (et plutôt plus) volontairement vers un certain cinéma américain noir et/ou d’action. Ainsi le remake de The Loft de Erik Van Looy, D’Ardennen de Robin Pront, De Premier d’Erik Van Looy ou Black de Adil El Arbi et Bilall Fallah. Et c’est en particulier à ce dernier que je pense tant les critiques de confrères critiques en sortie de salle en septembre 2015 qu’ensuite en fin d’année dans la presse et les médias sociaux étaient analogues et proches de celles faites à Dode Hoek.

Un mauvais procès !

On fait là un mauvais procès au film et il me semble que ce procès-là n’est pas le bon. Tout comme pour Black il y a deux ans ou plus récemment Nocturama (un film français de Bertrand Bonello). En tout cas pour Black, les critiques se sont radoucies face à l’accueil globalement positif hors de nos frontières (et celles venant de la France qui craignait de le projeter). J’ai été un ardent défenseur de ce cinéma et je ne suis pas un affreux raciste et/ou réactionnaire. La première chose que je retiens de façon antécédente à tout débat d’idées ou de défense d’un thème de société, c’est le plaisir (coupable parfois) cinématographique. Un film peut faire réfléchir, mais pas nécessairement. Il peut aussi ou seulement donner le plaisir d’être vu, comme on peut prendre celui de lire un conte de fée ou un Harry Potter même si cela n’est pas "vrai". De même pour un film de science-fiction. Dans le cas de Dode Hoek dont il est très difficile de dévoiler quelque chose sans nuire à l’intrigue qui joue sur deux fils conducteurs : la vie politique et sociale d’une part et la vie privée, intime et personnelle de l’autre. Sans comparer à l’auguste pièce de Shakespeare, il y a un peu de Macbeth dans ce troisième film de Nabil en Yadir. Sur le plan de la forme, l’intrication des deux fils conducteurs et des sphères privée et sociale nous offre un film noir et policier. Du lien entre le privé et le public (via une photographie) le spectateur aura très rapidement saisi l’enjeu du film et l’implication sur le personnage principal, même si je ne vais pas devancer le plaisir éventuel de la découverte.

De l’intime à l’extime et vice-versa

Le film aborde frontalement le changement de cap d’un homme qui a voué toute sa vie pour son métier et s’engage en politique, au risque réel, assumé ou pas d’une récupération, aux fins de défendre ses idéaux, en gros, famille et patrie, au risque non négligeable de replis identitaires : blanc, catho et flamand ! Le commissaire démissionnaire prouve son ouverture puisqu’un de ses hommes, Dries, d’origine marocaine est son bras droit et a avec lui une relation de type paternel. Celle-ci sera d’importance dans le film, car Dries (Excellent Soufiane Chilah) a "trahi" les siens pour se vouer corps et âme et quelles qu’en soient les conséquences à Jan Verbeeck. C’est en ce lieu (mais pas seulement) que va se précipiter l’action (et j’utilise le verbe également dans son sens chimique, comme un composé qui précipite, dans celui d’accélération aussi et enfin comme l’eau qui tombe au fond d’un puits !). Des questions de fidélité, d’infidélité, de filiation, de paternité, de responsabilité vont se jouer en une nuit et un jour ! Elles ouvriront ou clôtureront l’avenir de certains protagonistes. A terme et au terme du film, l’opportunisme et la réappropriation d’un drame vont conduire à un tableau final qui sonnera pour le spectateur comme un avertissement pour lui et son pays aujourd’hui et demain.

En conclusion

Ce sont de grands acteurs qui sont au service de ce film, parfois à contre-emploi de leurs rôles habituels et l’on voit se confronter deux écoles d’acteurs, flamande et wallonne. A commencer par Peter Van Den Begin (Everybody Happy, D’Ardennen, Waste Land... que de chemin depuis Alles moet weg de Jan Verheyen en 1996 !), Soufiane Chilah (Home, Black) et David Murgia (Les premiers, les derniers, Le tout nouveau testament, Etre, Geronimo, Je te survivrai, Tango Libre, Rundskop). Ajoutons d’excellents seconds rôles : Jan Decleir (Flying Home, Les Barons, Soeur Sourire, De Zaak Alzheimer, Daens) ; Jurgen Delnaet (Halfweg, Marina) et Bert Haelvoet (La danseuse, De Helaasheid der dingen).

Nabil Ben Yadir a fait appel au DoP de Black pour la photographie : "J’avais rencontré Robrecht Heywaert lors des courts métrages de Adil El Arbi et Bilall Fallah. Il a quasi commencé avec eux. J’ai suivi son parcours et je me suis dit que ce mec évoluait super bien. Il a la niaque et cela m’a remis totalement en question. Travailler avec de nouvelles personnes m’a empêché de prendre des facilités, des habitudes. Cela m’a obligé à me reconcentrer et à tout reconstruire".

Enfin, le tournage est inscrit dans sa "belgitude", dans ce que le réalisateur appelle le triangle ABC, soir Antwerpen, Bruxelles et Charleroi. En réalité, il s’agit de Marchienne-au-Pont, dans des lieux plus habitués aux caméras de faits-divers que de cinéma. Ces décors naturels amplifient l’aspect dramatique du film. Et si tout débute à Anvers, tout se termine à Bruxelles. Trois villes différentes, trois visages de la Belgique.

Plusieurs confrères et spectateurs ont relevé certaines invraisemblances dans le scénario. C’est vrai... toutefois, celles-ci ne sont pas fondamentalement différentes de celles qui existent et que l’on voit ou pas dans des films du type Jason Bourne... Dans ces cas, c’est l’action qui prime. Dès lors, que cela ne vous empêche pas de goûter ce film comme un bon cru, qui en plus, ouvre les yeux sur certaines dérives !

Bande-annonce

Dode Hoek : Trailer HD VO st fr
Dode Hoek : Trailer HD VO st fr

Jan Verbeeck est le flic le plus populaire de Flandre. Commissaire de la brigade des stups à Anvers, il a démantelé plusieurs réseaux de trafiquants et beaucoup considèrent que la ville est plus propre grâce...
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