Synopsis : Connaît-on vraiment ses parents ? Anouk, 14 ans, découvre brutalement un autre visage de sa mère, à la faveur de l’incontournable stage d’observation de troisième qu’elle effectue dans la compagnie d’assurances où celle-ci travaille. Une semaine d’immersion dans le monde adulte de l’entreprise, avec ses petits arrangements et ses grandes lâchetés, qui bientôt scelle son jeune destin. Entre parcours initiatique, fêlure et premières responsabilités assumées, une forme d’adieu à l’enfance.
Acteurs : Emilie Dequenne, Jeanne Jestin, Annie Grégorio, Jean-François Cayrey, Camille Chamoux, Stéphane Bissot, Sabrina Ouazani.
Cinq jours de vies !
L’histoire du film se déroule sur une semaine ! Non pas une semaine de sept jours, mais de cinq jours, les jours "ouvrés" comme on dit, soit des jours consacrés à l’oeuvre, au "travail". Ces cinq jours qui adviennent au récit suite à la faille, la faillite d’un père qui ne peut assumer ni assurer la promesse d’un stage pour sa fille vont permettre à une mère de découvrir sa fille et vice-versa. Une vie de mère, une vie de fille, une vie d’entreprise, des vies de patrons et de subalternes... Cinq jours de "vies" à découvrir à l’écran dans un film qui fait se confronter des thèmes que ne renieraient pas les Dardenne ou un Ken Loach. Ne nous leurrons pas, Marc Fitoussi n’a pas la carrure et l’expérience de ceux-ci. Son film n’est pas sans défauts : outre des problèmes de raccords, il traite de plusieurs thèmes au risque de donner l’impression de trop embrasser et mal étreindre ! C’est en effet un long métrage qui aborde les questions de l’adolescence, des relations entre une mère et sa fille, mais aussi entre collègues de bureau, entre cadres supérieurs et employés, mais également le primat de la rentabilité sur l’humanité. Cela fait donc beaucoup, un peu de trop probablement. Toutefois, l’irritation que l’on peut en ressentir se trouvera largement atténuée par l’interpellation que lance le film et le miroir qu’il tend à la société.
Les fêlures de l’assurance
Nous entrons dans le monde de l’assurance. Un concept éminemment solidaire... sauf que cela ne fonctionne pas sur ce principe. En effet, celui qui régit et régule cet univers, c’est celui de la rentabilité. Autrement dit, récolter le maximum de primes et indemniser le moins possible ! Première fêlure, voire fracture dans un contrat social. Il y a aussi d’autres "fêlures de l’assurance" : celle d’un couple où chacun est sûr de son bon droit et se partage la garde de leur fille ; celle des cadres, sûr de leurs règles de travail et confrontés à ceux et celles qui sont sous les "ordres", celle des collègues de bureau, sûr(e)s de leur bon droit d’ancienneté et trouvent leur identité dans le mépris de l’autre. La fille est également sûre d’elle-même lorsqu’elle va mener une enquête sur un dossier que sa mère promet de traiter après avoir rencontré la veuve d’un assuré. Le film prend là les allures d’un suspens pour découvrir d’autres failles, d’autres fêlures : celles d’une employée-cadre confrontée à l’estompement de la norme, voire, tout simplement à l’illégalité. Dans ce cas, tout le monde n’a pas la carrure d’être un "lanceur d’alerte" ! Comment une jeune adolescente peut-elle réagir lorsqu’elle découvre les fragilités, les failles et les fêlures d’une mère ? Que faire lorsque celle-ci tombe de son piédestal ? Confrontée au monde des adultes, à leurs visages "bifrons", à leurs failles et compromissions, comment une jeune fille pourra-t-elle avancer vers ce monde et cet univers désenchantés ? Il lui faudra perdre les certitudes de l’adolescence, les fantasmes qu’elle porte sur le monde du travail et découvrir les fêlures qui se trouvent derrière les façades du monde des adultes... C’est donc sur le mode de la comédie que Marc Fitoussi va traiter de questions d’adultes, de rapports humains et de travail, de société aussi. Pour conclure, la reprise ici d’une question posée au réalisateur (et a réponse) dans le dossier presse et relative à la tendresse posée sur les personnages :
Mais vous portez ce regard tendre sur tous vos personnages, y compris les plus noirs comme Blanchard, le supérieur de Cyrielle…
Absolument. Quand on le voit quitter l’entreprise le vendredi soir, je l’imagine rentrer seul chez lui, se commandant une pizza et s’affalant devant un match diffusé par une chaîne de sport. Je crois que ce film dresse au passage le portrait de beaucoup de solitudes. Construit autour de cette relation mère-fille, il résonne au final comme un film choral, avec une galerie assez large de personnages, saisis dans leur environnement professionnel, mais dont on devine en filigrane les existences ténues.
Les acteurs et en particulier les deux actrices principales, l’adulte Emilie Dequenne et la jeune Jeanne Jestin (13 ans au moment du tournage) sont au service de ce récit et rendent compte de toutes ces fragilités...