Synopsis : Kairouan en Tunisie, peu après le printemps arabe. Hedi est un jeune homme sage et réservé. Passionné de dessin, il travaille sans enthousiasme comme commercial. Bien que son pays soit en pleine mutation, il reste soumis aux conventions sociales et laisse sa famille prendre les décisions à sa place. Alors que sa mère prépare activement son mariage, son patron l’envoie à Mahdia à la recherche de nouveaux clients. Hedi y rencontre Rim, animatrice dans un hôtel local, femme indépendante dont la liberté le séduit. Pour la première fois, il est tenté de prendre sa vie en main.
Acteurs : Majd Mastoura, Rym Ben Messaoud, Sabah Bouzouita
Si les participants du Festival du Film Francophone d’Angoulême découvrent ce film ce 24 août, d’autres ont eu la chance de le voir lors du Berlin International Film Festival, le 12 février dernier, un mois avant la projection dans son pays. Il y avait plus de vingt ans qu’un film "arabe" n’avait plus été projeté à Berlin. Premier film de Mohamed Ben Attia (hormis Romantisme une comédie au format court, soit 20 minutes, réalisé en 2004). Ici, pour Inhebbek Hedi le réalisateur scénarise également son film.
Et ce premier film, d’une durée de 88 minutes, est une heureuse surprise. Certes, il n’est pas sans défauts. Le plus évident et non des moindres est assez paradoxal : sa longueur subjective. Le film paraît plus long, en particulier à son début. On comprend plus tard que cela était nécessaire. Il fallait "asseoir" le personnage de Hedi, interprété de façon magistrale par Majd Mastouraqui joue ici dans son tout premier film (comme c’est le cas pour la quasi-totalité des rôles). On a beau avoir vécu le "printemps arabe", la culture ne disparait pas, comme cela. Et celle-ci pourrait se résumer : le poids des (mots de) femmes et celui des cultures !
Hedi, notre jeune adulte est un fils obéissant. Etonnante découverte d’un pays, d’un monde où nous pensons que la femme est soumise et la pression du religieux prégnante. Mais il nous faut laisser de côté nos a prioris et préjugés que nous étendons à d’immenses territoires et cultures sans les différencier. Déjà, Mustang nous avait fait découvrir le poids de la culture dans le rapport aux femmes et la quasi-absence du fait religieux. Mais aussi que la codification du mariage est rigide, que la femme (et probablement l’homme) avait peu à dire et, plus encore, que les femmes transmettaient ces schémas culturels qui les réduisaient au statut de marchandise ou d’objet de consommation, de bien à préserver. Ici, les thèmes sont certes différents, mais il apparaît bien que les mariages s’arrangent par-dessus la tête des intéressés. Ils ont beau se connaître - et pas "bibliquement" semble-t-il - cette connaissance se réduit à quelques rencontres à la sauvette dans une voiture. Tout est prêt pour un mariage conventionnel et très convenu. L’amour est-il présent ? Hedi veut-il ce mariage ? Il n’en sait trop rien. Il ne sait rien de son désir. Sa mère régit sa vie et il est un fils obéissant. Il est conforme et se conforme à ce que l’on attend de lui : se marier ou travailler pour son patron à la prospection pour la vente de voitures.
C’est au cours d’une prospection que Hedi va faire une rencontre surprenante dans une ville voisine. L’animation y est importante, les femmes joyeuses et souriantes, dansantes aussi. La femme y est ou y paraît libérée. L’une d’elle, Rim, va le toucher et il va entamer une relation avec elle. Tel un janus biffons, le visage d’Hedi change du tout au tout et laisse advenir un autre homme, totalement épanoui. Le film est alors l’occasion de nous montrer l’évolution d’Hedi, mais aussi celle de sa relation avec sa famille, particulièrement sa mère et son frère, et sa future épouse. Comment transformer ses rêves en projet (notamment voir ses dessins publiés et devenir dessinateur) comme le lui fait comprendre sa dulcinée ?
Ce qui nous paraît essentiel dans ce film, c’est le déplacement du focus de la femme sur l’homme. Bien souvent - et avec à propos - nous sommes sensibilisés et éveillés à la place (ou plutôt son absence) de la femme, reléguée à l’espace privé, à la maison, au service du mari. Ici, nous découvrons ce qu’il en est de l’homme. Alors que nous l’imaginons seigneur et maître nous le découvrons inféodé à et quasiment broyé par des traditions qui l’écrasent. Et cela est transmis par la culture, essentiellement par les femmes (épouses, mères, soeurs). Ici, les hommes ont peu à dire. Ils subissent et c’est peut-être la relation fraternelle qui peut ouvrir un espace de liberté...
Quelles seront les implications de cela sur Hedi ? C’est à découvrir à l’écran, mais nous sommes gré au réalisateur de ne pas avoir cédé à un banal happy end, mais d’ouvrir son film à un avenir à construire. Un projet ? Ou continuer à rêver ?
Bande-annonce :