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CINECURE
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Roberto Andò
Le confessioni
Sortie le 14 septembre 2016 (25/1/17 en France)
Article mis en ligne le 28 août 2016

par Charles De Clercq

Synopsis : À l’occasion d’un sommet de chefs d’état destiné à éradiquer définitivement la pauvreté dans le monde, un moine est convoqué par Daniel Roché, président du sommet, qui souhaite se confesser. Mais le lendemain de leur rencontre, Roché est retrouvé mort. Protégé par le secret de la confession, le moine refuse de livrer le contenu de ses entretiens avec Roché, malgré la pression exercée par les autorités.

Acteurs : Toni Servillo, Daniel Auteuil, Pierfrancesco Favino, Moritz Bleibtreu, Connie Nielsen, Marie-Josée Croze, Lambert Wilson, Richard Sammel.

Lien vers l’interview audio de Roberto Andò.

Une fable-parabole

Dans Le confessioni, on retrouve un moine et des chefs d’Etat, un grand hôtel (Kempinski Grand Hotel Heiligendamm), un sommet du G8, des oiseaux, un chien et un cadavre. A l’arrivée, c’est une parabole ou une fable. Surréaliste peut-être. Profondément humaine et religieuse, sûrement.

Il y est question d’un meurtre ou d’un suicide, mais ceux qui se concentreraient sur le mode thriller risquent d’être déçus, car il ne s’agit pas d’un film policier. Oh bien sûr, il y a une énigme ou un secret. Là aussi ceux qui attendront son dévoilement risquent d’être insatisfaits ou irrités ! Le film tient donc de la poésie et non de la rigueur mathématique. Il n’est pas possible de mettre son sujet dans une équation. Le mieux est de commencer par le moine. C’est lui que l’on découvre quasiment en premier lieu. Interprété magistralement par Toni Servillo qui avait un double rôle (Enrico Oliveri et Giovanni Ernani) ou un double jeu dans le film précédent de Roberto Andò, Viva la libertà en 2013. Ce moine (littéralement un homme solitaire) achète à l’aéroport un petit enregistreur digital, qu’il déballe tout en gardant le sac en plastique (qui jouera un rôle dans la suite du film).

Anges et oiseaux

A ce moment le moine dicte la première strophe d’un poème de Ferdinando Russo :
Quanno ncielo n’angiulillo nun fa chello c’ha da fà,
’o Signore int’a na cella scura scura ’o fa nzerrà.
 [1]

Il enregistre aussi le chant des oiseaux, comme s’il parlait avec eux ! On pourrait songer à François d’Assises, mais en réalité c’est un Chartreux. Un ordre de solitaires. Et en réalité il ne parle pas aux oiseaux, il les écoute ! Normal, le Chartreux ne parle pas, ou si peu. Il a fait voeu de silence. Celui-ci l’amène à privilégier l’écoute. Et nous verrons que cela est important dans la dynamique du récit.

Huit dans un hôtel

Il y a aussi un grand hôtel, luxueux (celui-là même qui a accueilli le très controversé sommet du G8 du 6 au 8 juin 2007 [2]), sorte de forteresse, à l’abri du regard. Et lorsque le moine s’y déplace, c’est de façon quasi furtive, à pas feutrés, comme il pourrait le faire dans une abbaye. Que vient faire ici, en ce lieu, ce religieux au nom si... parlant, si porteur de sens : Roberto Salus ? Pièce rapportée dans ce monde si secret des hommes et femmes de pouvoir qui régentent le monde et en gèrent les finances (ou plutôt "leurs"), l’économie, les échanges et les flux commerciaux. Ces huit-là (qui semblent être ici des ministres des finances et non des chefs d’Etat) sont interprétés par une belle brochette d’acteurs : Pierfrancesco Favino (Italie), Marie-Josée Croze (Canada), Richard Sammel (Allemagne), Togo Igawa (Japon), Aleksey Guskov (Russie), Stéphane Freiss (France), John Keogh (USA) et Andy de la Tour (Grande-Bretagne). D’autres cependant s’ajoutent ou sont ajoutés par Daniel Roché (Daniel Auteuil), le président du FMI : outre le moine, un chanteur-musicien, Michael Wintzl (Johan Heldenbergh !) et une écrivaine de livres pour enfants, Claire Seth (Connie Nielsen).

Trois intrus

Ces trois-là, invités par Daniel Roché vont bouleverser l’équilibre que voudraient instaurer ces gens au service de la finance et de l’économie. C’est qu’ils ont un plan, secret, qu’eux seuls connaissent pour stabiliser le monde et éviter une débâcle comme en 2008. Le prix à payer : l’austérité (et ici, le message du réalisateur est politique). Le trio, par le biais de conversations, d’échanges, voire par leur simple présence vient rappeler que derrière les plans financiers, les équations et les courbes, il y a des humains, hommes et femmes. Deux logiques s’affrontent, radicalement. C’est la nuit que tout va basculer. Daniel Roché souhaite rencontrer le moine pour se confesser. Le lendemain, on le retrouve mort. La tête dans un sac en plastique (celui du moine !). Suicide ? Assassinat ? Le moine est le dernier à l’avoir vu. Plusieurs perspectives s’ouvrent alors : si c’est un meurtre, qui est coupable et, plus encore, qu’à pu dire Roché à Salus ?

La loi du silence

Toute l’intrigue du film va se concentrer principalement sur ce point. Il y a ce plan secret qui ne peut pas être révélé au risque d’un séisme mondial, plan générateur de sang et de larmes. Le moine serait au courant et il est donc dangereux. Mais il est tenu au secret de la confession. Il ne peut pas parler (règle qui s’ajoute à celle du silence de son ordre). On songe (et le film y fait référence) à I Confess (La loi du silence) d’Alfred Hitchcock (1953). Toutefois, ce n’est qu’un élément secondaire. L’important pour les protagonistes ou les antagonistes de Salus, est de savoir si celui-ci a été informé du plan secret et, plus encore, si Roché ne lui a pas communiqué des informations supplémentaires que les huit ne connaissent pas ! Il faut donc soit le faire parler, soit le faire taire. Façon de parler ! s’agissant d’un homme astreint à la loi du silence. Il y a aussi l’enregistreur du moine qui a disparu. Salus aurait-il enregistré la confession de Roché (à son insu ?).

L’équation biblique ?

Peu à peu, des flashbacks nous permettront d’avoir accès à des éléments de l’échange ou de la confession nocturne. Mais nous comprendrons alors que le secret n’est peut-être pas celui que l’on croit. Celui-ci est peut-être en creux, dans le manque et l’absence, à l’image du moine qui nous a fait penser à la case vide du jeu de taquet. C’est parce qu’il y a cela qui n’est pas que le mouvement est possible. C’est par son silence, fut-il modéré, que le moine va permettre de faire devenir des échanges et de faire comprendre que le monde n’est pas dans une équation (quoiqu’on puisse y mettre, tout ou rien), mais de l’ordre du poème. Le poème au sens de ce qui traverse les récits bibliques (en deçà et au-delà de toute imposition dogmatique, de tout corpus de chose à croire et auxquelles adhérer). C’est ce dont l’apôtre parle en opposant sagesse du monde et folie de la croix. Ou l’intuition des grands prophètes de l’Ancien Testament et le rappel incessant à respecter le pauvre (Voir aussi "Les lamentions de Jérémie"). Ou dans l’évangile qui parle de l’inutilité des richesses. Donne et tu recevras. A quoi te sert-il de thésauriser alors que cette nuit ta vie te sera enlevée ? Ce "secret" caché au creux de l’amour est visible par tous. Tous peuvent l’entendre. Mais ceux qui doivent voir et écouter ont des yeux et ne voient pas et des oreilles et n’entendent pas !

La miséricorde est la seule cause qui vaille de se battre selon Salus. Cet homme n’est pas divin, il est profondément humain, avec des faiblesses (on le voit fumer). Mais face à la loi des banques (des sociétés secrètes, qui comme la Mafia, ne doivent rendre de comptes à personne) une voie de salut est offerte par Salus, le moine, qui prendra la route, une autre route, en solitaire, sauf peut-être accompagné du chant des oiseaux et d’un chien à qui il faudra donner un autre nom !



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