Synopsis : Samuele, 12 ans, vit sur une île de la Méditerranée. Comme tous les garçons de son âge, il aime s’amuser, grimper sur les rochers ou traîner au port. Mais son île n’est pas comme les autres îles. C’est Lampedusa, devenue la destination d’hommes, de femmes et d’enfants qui traversent la Méditerranée pour rejoindre l’Europe sur des bateaux trop petits et délabrés. Alors qu’ils recherchent la paix,la liberté ou simplement le bonheur, c’est souvent leurs corps qu’on repêche à la mer. Chaque jour, les habitants sont les témoins de l’une des plus grandes tragédies humaines de notre époque (ci-contre, le réalisateur).
Primé lors des des 29e European Film Awards 2016
Notre enthousiasme était grand avant la vision du film. Nous pensions non seulement lui faire les honneurs de nos émissions (après tout le sujet est bien dans les thèmes que nous pouvons mettre en avant sur les ondes de RCF), mais également lui consacrer une page dans l’hebdomadaire catholique Dimanche. C’est que le film avait obtenu le samedi 20 février dernier, l’Ours d’or du meilleur documentaire de la 66e Berlinale (lire ici l’article de Thomas Sotinel dans Le Monde). Nous sortons très déçu de la projection et autant dire que cette déception est avant tout cinématographique et que cela peut paraître terriblement futile, politiquement incorrect aussi par rapport aux enjeux soulevés par le réalisateur.
Nicolas Gilson, un critique de nos amis a apprécié le film ; un autre, en revanche, nous avait dit ne pas avoir aimé du tout.
Nous nous demandions tout au long (très long) déroulement du film où le réalisateur voulait en venir. Dans notre tête, on se disait bien qu’il mettait en relief Lampedusa et la terrible et inhumaine question des réfugiés dont l’exergue du film nous précisait le nombre de ceux qui avaient quitté leur patrie et surtout le nombre de ceux qui avaient péri. Ce sont plusieurs facettes et habitants d’une île qui nous sont montrés : deux jeunes enfants, presque adolescents, dans leurs jeux parfois futiles, parfois "jeux de sales gosses" qui canardent des oiseaux au lance-pierre ou, moindre mal ?, des cactus. C’est un médecin qui face à son écran soliloque (enfin s’adresse au micro du réalisateur pour que nous l’entendions) les tragédies dont il a eu connaissance et dont il a été témoin. C’est aussi un animateur radio qui gère l’émission consacrée aux dédicaces (aux "disques demandés" comme on disait jadis). Egalement un pêcheur - le père de l’un des deux gamins - sa vie sur sa barque de travail, mais aussi son épouse, son quotidien, la radio qu’elle écoute et les disques qu’elle dédicace. C’est surtout le terrible travail quotidien - et souvent nocturne - de ceux qui vont au secours de trop nombreux naufragés, vivants, survivants et parfois décédés, laissés pour solde de tous comptes. Naufragés, réfugiés qui crient et chantent leur détresse ; qui disent ou chantent même les pays qu’ils ont fuis, qu’ils ont craints, et le prix à payer, financier d’abord, mais surtout humain ou plutôt inhumain. C’est l’effroyable qui est donné à voir jour après jour. Enfin pas vraiment, car nombre d’images, de scènes - celles dont nous faisons état ci-dessus, nous semblaient de trop, à la marge, à la périphérie et venaient parasiter le récit de ces horreurs.
A la sortie de la salle, une consoeur nous rappelle que le réalisateur [1] était celui qui avait réalisé un film documentaire sur la banlieue de Rome. Nous nous sommes souvenu alors que nous avions fait les mêmes remarques à ce sujet. Il s’agit de Sacro GRA. Nous venons de relire notre brève critique et nous pourrions reprendre quasiment mot pour mot pour Fuocoammare ce que nous écrivions pour Sacro GRA, y compris pour le travail de "(re)construction" du documentaire.
S’agissant de ce thème, un court métrage de Morgan Knibbe, Shipwreck, réalisé en 2014, d’une durée de 15 minutes en dit beaucoup plus, beaucoup mieux et de façon bien plus dense sur un sujet analogue. Il se consacre à la mort de trois cent soixante réfugiés érythréens qui se noient au large des côtes de Lampedusa. Le 3 octobre 2013, un bateau transportant 500 réfugiés érythréens sombre au large de Lampedusa. Plus de 360 personnes se sont noyées. Abraham, un des survivants, se promène dans un cimetière d’épaves et se souvient de cette expérience cauchemardesque (source du synopsis). Pendant ce temps, au port, des centaines de cercueils sont chargés sur un navire militaire. Nous découvrons l’effervescence et la désolation dans le port, tandis que des centaines de cercueils sont chargés sur un navire militaire. Vous trouverez en fin d’article la bande-annonce de ce court-métrage.
Voilà, c’est écrit à contrecoeur, mais nous ne pouvons dire que notre ressenti. Notre raison et notre coeur nous poussent cependant à vous rappeler avec insistance que d’autres y ont vu bien plus et bien mieux que nous, comme ce fut le cas à Berlin. N’hésitez donc à lire et relire la critique très positive de Nicolas Gilson.
Bande-annonce :
Bande-annonce de Shipwreck de Morgan Knibbe