Synopsis : Lorsque John retourne chez son père après avoir purgé sa peine de prison, il aspire à prendre un nouveau départ. Mais son crime reste présent dans les mémoires des habitants de la commune et semble impardonnable.
Acteurs : Ulrik Munther, Mats Blomgren, Alexander Nordgren, Wieslaw Komasa, Loa Ek, Ellen Jelinek, Oliver Heilmann, Felix Goransson.
Un jeune réalisateur de talent
Il n’y a pas de lendemains qui chantent dans le premier long métrage de Magnus von Horn ! Celui-ci en a également écrit le scénario. Né en 1983 à Göteborg en Suède, il a suivi son cursus de réalisateur au Polish International Film School à Lódz, de 2009 à 2013. Il écrit et réalise quatre courts-métrages (un documentaire, Radek, que l’on trouvera en version originale au bas de cet article, et trois fictions) de 2007 à 2011.
Ces courts ont déjà reçu plusieurs prix, de même que Efterskalv, ce qui nous paraît très légitime. Toutefois nous pouvons comprendre qu’il sera difficile à certains d’entrer dans la démarche proposée par le réalisateur et qui lui reprocheront alors un certain académisme, une froideur dans le traitement et une trop grande prise de distance par rapport à son ou ses protagonistes. Or ce sont justement ces différents éléments (et d’autres) qui nous ont enthousiasmé chez Magnus von Horn, partagé entre deux cultures : polonaise et suédoise. Son cœur et sa tête sont dans l’une et l’autre sans jamais totalement s’y identifier, trouvant le meilleur et le pire de chacune. Un réalisateur claudiquant d’un pays à l’autre, sans cesse en équilibre/déséquilibre qui nous offre ainsi un film qui se situe sur les crêtes, toujours proche du gouffre sans jamais y tomber.
Un fait divers...
Au départ, il n’y a pas un roman, mais une histoire vraie, de l’ordre de ce que l’on appelle un fait divers. Celui-ci concerne un jeune suédois, placé en centre de détention pour un acte commis à l’âge de 15 ans.
Les actes judiciaires étant ouverts au public en Suède, le réalisateur a pris connaissance des septante pages d’audition du jeune homme. Il s’est reconnu en lui. Un adolescent sans problème, jusqu’à ce que l’irrémédiable arrive. Un ange qui chute ! Il se dit que lui aussi aurait pu agir de même, verser dans une violence inattendue et imprévisible. Lui aussi et d’autres nous dit-il !
C’est ce jeune que von Horn met en scène lors de sa sortie du centre. Il va nous narrer celle-ci, mais aussi son retour. Car John revient dans la commune où il habitait, où les faits ont été commis et aussi dans le même établissement scolaire.
Les axes du film
L’option du réalisateur est de ne pas informer immédiatement les spectateurs de ce que le jeune John a fait. Ceux-ci ne sont donc pas omniscients. Dans le film, tous connaissent son passé ! En effet, le fait de ne pas savoir contribue au mystère et aide à nous laisser prendre par une tension première, celle qui imprègne les divers protagonistes. Toutefois cette information n’est pas du tout l’objet du film. En ce sens, The Here After est différent de We Need to Talk About Kevin réalisé par Lynne Ramsay en 2011.
En premier lieu, une famille dont les femmes sont absentes. Celle de John : son père, son grand-père, sénile et dépendant, son petit frère qui tente de trouver autonomie et identité.
Ensuite, quelques femmes. Tout d’abord, la mère de la victime de John qui le rencontre par hasard dans un grand magasin. Cela ne se fera pas sans violence, mais ce sera quasiment la seule qui soit féminine. Ensuite une jeune fille qui réside dans la maison voisine de cette maman. Un peu bricoleuse, elle s’amourache ou du moins s’intéresse à John jusqu’à lui demander de mimer sur elle son geste fou. Occasion de nous informer alors du pourquoi et du comment de l’irrémédiable qu’il a commis. Nous sommes environ à la moitié du film et nous découvrons alors que ce « savoir » est second (pas secondaire !). Enfin, une autre femme qui a son importance, le proviseur du lycée. Nouvellement arrivée, elle veut laisser sa chance à John, comme cela est d’ailleurs prévu par la loi. Mineur au moment des faits, à 18 ans, il a « payé » sa dette à la société.
En troisième instance viennent les condisciples de John. La majorité de ceux-ci vont manifester leur rejet et condamnation. John n’est pas le bienvenu ! Nonante pour cent des trois cents étudiants vont signer une pétition pour qu’il ne soit plus accueilli dans l’école. Et c’est là qu’arrive le cœur même du film. Ce rejet se traduit pour certains par une violence quasi explosive. Les mots, les gestes et les attitudes sont là pour dire l’ostracisme. Celui-ci ira jusqu’à son paroxysme pour certains qui feront payer chèrement son passé à John.
Distance et miroir !
La prise de distance du réalisateur lui permet à la fois une identification et de ne pas prendre position. Il nous tend un miroir. Comme lui, nous aurions tous pu être ce jeune criminel. Mais nous pourrions tout aussi bien être chacun des agresseurs, jusqu’au plus violent. La violence sociétale et l’impossibilité d’offrir une possible rédemption sont au cœur du film. Le cinéma et la télévision ont déjà traité de ces thèmes et l’actualité nous en donne d’être témoins.
C’est la violence masculine qui est en jeu. Chacun peut être violent, tant John que ceux qui vont l’agresser violemment. La bascule peut arriver n’importe quand. Pour John c’est quelque chose d’individuel, fruit de situations totalement contingentes. Rien ne le prédestinait à cela. Il ressemblait à un ange blond timide et souriant, mais aussi un peu replié sur lui-même. Quant à ceux qui l’ostracisent, le rejettent et/ou le tabassent, ils sont emportés dans un mouvement de masse qui se nourrit de lui-même par l’action (ou l’inaction) des uns et des autres.
Le miroir que Magnus von Horn tend est aussi dirigé vers la société suédoise, policée, ouverte à de nouvelles chances à offrir « légalement », mais dont les individus sont psychorigides et figés dans des comportements ataviques. Il est aussi tendu aux familles, ici à ces différents mâles de la cellule de John. Tant les jeunes que les aînés doivent gérer leurs relations, leur rapport au monde, y compris animal, à la violence et leur autonomie à gagner (pour le petit frère) ou perdue (pour le grand-père).
Et pour finir ?
Les atouts...
Le réalisateur a de nombreux atouts dans son jeu : son chef opérateur, Lukasz Zal qui avait travaillé sur Ida ; la quasi-totalité de son équipe qui est polonaise et ses acteurs qui sont essentiellement suédois et majoritairement non-professionnels. Ajoutons que le rôle-titre (qui nous a fait penser parfois à Rod Paradot dans La tête haute d’Emmanuelle Bercot, 2015) revient à un jeune chanteur suédois Ulrik Munter qui est ici dans son premier rôle. Celui-ci est ici en total contre-emploi (physique et psychologique) de ce que ses fans connaissent. Alors qu’Ulrik est également musicien, le réalisateur a fait le choix de ne pas utiliser de musique pour son film se contentant des sons naturels et diégétiques.