Présentation BRFF 2016 : Jesus est un jeune homme discret qui rêve d’un jour briller sous les feux des projecteurs alors qu’il travaille en tant que coiffeur dans un café-concert pour travestis à La Havane. Sous la tutelle de Mama, il monte à son tour sur scène et se transcende à travers le personnage de Viva. Mais le bonheur ne dure pas. Son père malade réapparait après une longue incarcération et lui interdit formellement de se travestir. Jesus doit alors choisir entre l’amour de la scène et celui de son père, pétri par de sombres préjugés. Viva nous plonge dans l’univers des transformistes et dans l’ambiance d’une ville aussi attachante que délabrée. Coup de chapeau au jeune acteur et à la réalisation vibrante et sensible laissant transparaître la beauté des lieux et la sensibilité des gens.
Acteurs : Jorge Perugorría, Luis Alberto García, Héctor Medina.
Nous ne sommes pas surpris par le fait que ce film irlando-cubain ait reçu deux prix, celui du public et celui de la critique à Dublin. C’est en début mars que Viva obtient le Prix du public au Festival international du film de Dublin et celui du meilleur film irlandais lors des Prix du Cercle des critiques de cinéma de Dublin organisés par le même festival.Mais il est probable que les motivations des uns et des autres soient différentes. Nous supposons (et notamment après avoir échangé entre critiques en sortie de vision de presse) que le public aura été sensible à l’émotion suscitée par le film tandis que les critiques auront relevé l’importance des thèmes abordés et surtout la prestation des acteurs et tout particulièrement de l’interprète principal.
De fait, plusieurs parmi nous relevaient que ce film jouait (trop) sur les émotions, amenait les spectateurs sur des rails et que donc le scénario était très prévisible, y compris une fin en forme de happy end très consensuel. Une majorité relevait l’étonnante et extraordinaire performance de Héctor Medina dont c’est le premier rôle au cinéma dans un long métrage. Héctor Medina avait joué auparavant le rôle de Raidel dans le court-métrage cubain Camionero (que l’on peut découvrir ici en VO sous-titrée en anglais) de Sebastián Miló en 2012 (Il n’a réalisé que deux courts ; celui-ci est le second). Camionero avait été remarqué à Cuba par le regard qu’il jette sur la violence et la pédagogique révolutionnaire (lire éventuellement cet article en espagnol publié sur le site Diaro de Cuba). Quoiqu’il en soit, ce court permettait de découvrir le talent de ce jeune acteur, talent qu’il déploie à merveille dans ce rôle d’un adolescent homosexuel qui se prostitue pour (sur)vivre et qui rêve de se travestir sur la scène d’un cabaret cubain et d’y chanter (NB : en playback).
Le film doit beaucoup également à son scénariste, Mark O’Halloran qui avait écrit auparavant des films de Lenny Abrahamson : Adam & Paul (2004) et Garage (2007). Egalement acteur, il joue le rôle de Ray dans Viva qui traite principalement de la rencontre d’un fils avec son père qu’il n’a plus vu depuis longtemps. Celui-ci, macho jusqu’au bout des doigts, meurtrier qui sort de prison où il était enfermé depuis quinze ans, a des idées bien arrêtées sur la masculinité et la virilité. Alors un fils "pédé" et qui en plus se travestit, cela ne passe pas. Cette rencontre est brutale et amènera l’un et l’autre à revoir leurs conceptions. Mais nous n’en révélerons pas plus, même si les destins semblent écrits dès le début du film. Viva est moins tragique que Strella (2009) de Panos H. Koutras (qui nous est venu à l’esprit durant la projection). Son film se déroulait à Athènes et racontait une histoire depuis le point de vue du père, Yiorgos qui sort de prison après quatorze ans. Dans un hôtel, il va rencontrer une chanteuse. Celle-ci est en réalité transsexuelle et se prostitue pour arrondir ses fins de mois. Yiorgos va se prendre d’une passion enflammée poru celle-ci. Mais elle est en réalité son fils, ce qu’il ne sait pas. Et ce genre d’histoire renvoie alors aux plus lointains mythes et tragédies grecs. Et l’on se doute que là, il n’y a pas de happy end !
Nous avons vu aussi des analogies avec le cinéma du Philippin Brillante Mendoza (même si, comme le disait un confrère, ce dernier est plus "fin"). C’est que Viva c’est aussi un regard jeté sur une société cubaine, sur certains quartiers pauvres, des bas-fonds, la prostitution pour survivre, la seule "solution" possible. C’est La Havane "authentique" (pas la nouvelle version pour les touristes) d’aujourd’hui que Paddy Breathnach filme, en "décors naturels", sans autorisation donc ! Les gens dans les rues, les passagers dans les bus ne sont ni acteurs ni figurants, si ce n’est à leur corps défendant ! Malgré certaines facilités du film, le réalisateur irlandais tente de rendre à l’écran des atmosphères, grâce à un tournage court (22 jours) et dans une langue qu’il ne maitrise pas. A ce sujet, son film est, semble-t-il, destiné à un public non hispanophone. En effet, nous reprochions au réalisateur de ne pas avoir sous-titré les chansons des drag-queens. Il nous semblait que cela aurait apporté un surcroit de sens au film. Renseignements pris, c’est un choix du réalisateur qui désirait que le spectateur soit prix et envouté par ce qu’il voit et non distrait par ce qui est dit. En ce sens, le voir et le paraître seraient alors essentiels. Et c’est bien ce qui est en "jeu" sur la scène : un spectacle du vrai-faux-semblant pour les yeux, grâce aux corps qui se donnent à voir tandis que la voix serait non seulement seconde, mais secondaire, ne venant finalement que des artistes d’origine par le biais des haut-parleurs (NB : s’il s’agit bien de playback !).
Tous comptes faits, nous avons beaucoup aimé le film parce qu’il fait droit à l’émotion et que l’on aime aussi les films qui se terminent bien, ou du moins pas trop mal. Nous aurions donc évité les quelques clichés de la fin, mais cela ne nous empêche pas de vibrer, d’avoir le coeur chaud et les larmes aux yeux pour ce film très humain. Il ne devrait pas sortir en Belgique. Aussi, si vous êtes durant cet été dans l’Hexagone, n’hésitez pas : il sort en France à partir du 6 juillet.