Présentation BRFF : En Macédoine, Lazar, jeune délinquant vit de trafics illégaux d’êtres humains vers l’Europe. Sa vie bascule lorsqu’il rencontre Caterina, une jeune étudiante dont il tombe amoureux. Fasciné par le monde de la criminalité, Lazar est tiraillé entre le respect des lois du milieu et l’éveil d’une conscience nouvelle. Une nuit, suite à la mort d’un immigré clandestin, Lazar doit trouver le courage de faire face à un dilemne... Un sujet au coeur d’une actualité européenne brûlante, filmée par un réalisateur au regard très personnel et portée par une mise en scène solide.
Acteurs : Vedran Zivolic, Dejan Lilic, Natasa Petrovis, Goran Najovec.
Il s’agit là de notre premier film macédonien et d’une très heureuse surprise dans le cadre du BRFF 2016. C’est que cette année, l’équipe du Festival (...) a été très marquée par les événements dramatiques qui ont touché la capitale de l’Europe. Et au lieu de baisser les bras et de s’avouer vaincue par la barbarie (...) elle reste convaincue que la culture reste le fondement de la société européenne, et peut servir de rempart contre l’obscurantisme et la violence (d’après le dossier de présentation). Le thème des réfugiés, de leur accueil (ou plus encore de leur rejet) est présent dans de de nombreux films de la programmation.
Lazar, du nom de son protagoniste principal (probablement sans lien direct avec le Lazare de l’évangile attribué à Jean) aborde cette question selon un axe inhabituel. Il nous propose d’être du côté des passeurs et en particulier de l’un d’entre eux, Lazar justement. C’est Vedran Zivolic (ne en 1986) qui interprète brillamment ce rôle (il a un peu le physique, la dégaine et le style de Thomas Coumans - que nous aurions bien vu aussi dans ce rôle... si du moins il parlait le macédonien !). Ce jeune homme est embarqué dans une sorte de mafia locale dont le responsable, Miki (Goran Navojec) a vis-à-vis de lui une attitude paternelle. Tout du moins Lazar qui n’a plus de relation avec son père (qui a quitté le pays pour l’Europe et vivre avec une autre femme) vit-il la relation avec ce chef sur un mode filial et lui est reconnaissant. L’argent vient facilement à la bande. Il coule à flots. Il est dans les poches de Lazar qui se passe même de portefeuille. Il excelle en voiture et donne le change aux policiers. Nous le découvrons dans une activité illégale, peu dangereuse si l’on est prudent, excitante sauf qu’ici il ne s’agit pas de drogue ou de marchandises de contrebande, mais d’humains à faire passer, dans une sorte de go fast !
La question éthique n’est pas présente, l’important c’est de bien vivre et d’avoir de quoi payer ses factures ! Faire des études, travailler c’est bon pour les pédés !, dira Miki à Lazar. Il faut aller vite, passer la marchandise, profitant de ce que celle-ci paie elle-même et est paniquée. Il nous est ainsi donné de voir les préparatifs des passages, de découvrir les liens entre les différents membres de la bande, mais aussi de voir les interactions familiales, en particulier celles de Lazar : sa soeur, son beau-frère, ses parents, son neveu. Comme l’argent est facile, Lazar peut en faire profiter les siens, leur donner des cadeaux qu’ils ne peuvent s’offrir ! Il ira même jusqu’à proposer à son beau-frère d’entrer dans le réseau comme chauffeur/passeur. Celui-ci ira jusqu’à s’endetter (puisque l’argent suivra) pour s’offrir des biens et montrer sa nouvelle puissance à son fiston.
Mais lorsque l’amour cueille Lazar, lorsque celui-ci vient perturber son "travail" (comme ce fut le cas, mais dans d’autres circonstances pour le médecin de Suntan) et qu’il rate une passe (!), que les passeurs sont arrêtés par la police, rien ne va plus. Quelles seront les conséquences sur la relation entre Lazar, Miki et les membres du gang ? Et lorsqu’il faudra changer de méthode de travail et d’itinéraire de passage, dans quelle (més)aventure devront-ils s’embarquer ou plutôt embarquer, débarquer des Arabes, "enculeurs de chameaux", comme les surnomment ces Macédoniens avec un terrifiant mépris ! Et quand la mort est là et qu’elle entraîne la sidération de Lazar et de son frère, que faut-il faire ? Car, Lazar n’est pas revenu de la mort à la vie, Lazar n’est pas sorti du tombeau ! Il a conduit quelqu’un, malgré lui, de la vie à la mort, le faisant passer les portes de la mort dans le sens inverse de son prédécesseur biblique (ce sont nos tropismes qui nous font ajouter ces références !) ! Il ne reste que la fuite. Mais est-ce possible et à quel prix ? Si d’aventure, le passeur devenait le passé, qu’il devait s’inventer une origine pour entrer en Europe, comme s’en sortira-t-il lorsque les enquêteurs l’interrogeront sur son passé ? Et s’il faut revenir au pays, comment regarder dans les yeux la bien-aimée que l’on a délaissée ? Sinon, peut-être, de le vivre, ou de le mourir, comme un coup de poignard dans le dos, par surprise, par traitrise ? Peut-il encore regarder sa belle ? Lazar doit-il mourir à cet amour ou fermer les yeux sur son passé, celui d’un passeur de chair humaine ?
Pour prolonger la réflexion, vous pouvez lire cet article de Cineuropa.