Présentation BRFF 2016 : Kostis, la quarantaine, débarque à Noël comme seul médecin de la petite île d’Antiparos en Grèce. En hiver, c’est le désert et la solitude, mais dès les beaux jours, la horde de touristes débarque sur les plages naturistes. Kostis rencontre Anna, 19 ans et sa bande de copains. Soleil, alcool, sexe libre, Kostis s’initie à un monde qui lui est inconnu et l’attirance pour Anna ne cesse de le hanter. Leur histoire prend des allures de tragi-comédie où l’amour, la tension sexuelle et le désespoir se côtoient jusqu’à la folie. Le cinéaste grec parvient à rendre palpable cette terrible axiome : certains bronzent pendant que d’autres se brulent les ailes, tout en peignant le portrait en filigrane d’une île sans âme qui a vendu son âme à l’industrie touristique.
Acteurs : Makis Papadimitriou, Elli Tringou, Milou Van Groesen, Dimi Hart.
C’est un film grec, mais nous ne sommes pas dans la lignée d’un cinéma décalé, presque expérimental, comme celui de Yórgos Lánthimos. Ce n’est pas non plus un film sur la crise grecque. Et si crise il y a, elle est plutôt existentielle. Et si le film aurait gagné à être un peu plus court - un format de 90 minutes lui aurait convenu plus que 104’ - il mérite amplement d’être vu. C’est que vous n’aurez probablement pas d’autres occasions de le voir, d’une part (il n’est annoncé ni en Belgique ni en France), mais aussi parce qu’il met à nu, d’une certaine façon, nos comportements et nos sentiments (et pas que !). Dans un certain sens, Suntan aurait quelques cousinages avec L’inconnu du lac !
C’est que s’il s’agit-là d’un lac, c’est ici une île. Un lac, c’est de l’eau entourée de terre et, un île, c’est l’inverse ! Il y est question de sexe et de drague (certes pas homosexuelle, quoique !) de nudité et aussi d’une certaine violence. Patrick d’Assumçao était un peu l’homme tranquille autour du lac, Makis Papadimitriou (crédité au générique comme Efthymis Papadimitriou), dans le rôle de Kostis, lui, est un peu l’homme tranquille dans le village ! Certes, Kostis a la quarantaine tandis qu’Henri était plus âgé, mais ces deux protagonistes ont pour eux d’être bien dans leur peau, fut-elle flasque et pas dans les canons de l’esthétique voulue par la société et la mode (qu’elle soit gay ou hétéro). Mais si Henri restera égal à lui-même, bien que transformé par sa rencontre avec des jeunes gens autour d’un lac, en revanche, Kostis, lui sera radicalement transformé par celle avec d’autres jeunes gens et filles en villégiature sur l’île.
Une île qui vit selon deux rythmes : l’hiver tout est calme et il y a peu de travail pour notre bon docteur face à ses quatre cents habitants. Mais après l’hiver... et le printemps, lui qui n’a découvert ce pauvre village qu’au moment de Noël, va être confronté un autre univers. Ce sont ceux et celles qui sont en villégiature sur cette île. Ils sont libres de corps et d’esprit et fréquentent une plage mixe où "textiles" et nudistes se côtoient sans gêne, sans honte... Ils entrent et sortent du cadre de vision de Kostis (et du nôtre) - observateur neutre, comme Henry, dans L’Inconnu du lac, et au moins au début - dans une dynamique des corps, du jeu, de l’amitié qui est aux antipodes du cadre culturel et affectif de Kostis.
Il rencontre certains villageois, désoeuvrés, qui ne vivent que pour ce temps hors du temps où l’on ne pense qu’à la ch*tte et à baiser ! Il constate aussi - mais sans en prendre la mesure - la suractivité de l’été, jusque dans son cabinet qu’il gère au même rythme d’ouverture que durant l’hiver. Alors même qu’il ne prend pas encore conscience de cette gestion différente du travail et du temps dans l’île, il va se laisser happer par quelque chose qui le touche en plein coeur. Véritable confusion des sentiments de ce quadragénaire qui se prend à rêver que le sexe d’un jour, voire de quelques minutes peut conduire à l’amour ! Mais ce qui était possible dans le dernier film réalisé par Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Théo et Hugo dans le même bateau), à savoir passer du sexe à l’amour, l’est-il sur cette île, finalement loin d’être paradisiaque ?
Confusion des sentiments, mais aussi du sexe, des genres et des normes. Quand ces jeunes peuvent s’embrasser entre filles, entre garçons et entre filles et garçons, sans malice, Kostis est plus que troublé, dégouté presque. Ces codes-là ne sont pas les siens et lorsque ces jeunes qu’il croit être ses amis commencent à blaguer sur un Glory hole, l’un d’eux demandant qui était de l’autre côté de la paroi : fille ou garçon ? Gay ou pas gay ? Peu importe, répond-il, je ne voyais rien, il y avait une cloison qui nous séparait. Kostis n’a toujours pas compris alors même que ces jeunes vont dévier la conversation sur une reprise en choeur du refrain d’un chant religieux, Glory Glory Hallelujah qui sonne donc bien étrangement dans la bouche de ces jeunes et que Kostis reprendra donc en toute innocence.
Confusion de l’amour, des jeux, des sentiments, du temps, du travail et des loisirs, du devoir, de l’amour et du sexe, voilà notre antihéros complètement chamboulé. Embarqué dans des fêtes où il danse et boit plus que de raison, Kostis va s’enfoncer peu à peu dans une relation cauchemardesque. Son corps et plus encore son visage trahiront peu à peu les conflits auxquels il est confronté. Nous vous laissons découvrir cette évolution et cette transformation durant la vision du film. Makis Papadimitriou est au service de ce rôle, difficile, et donne une dimension hallucinante à son personnage, aidé d’une part par quelques acteurs grecs connus qui interprètent des villageois mais d’autre part, aussi par les jeunes gens (dont Elli Tringou dans le rôle d’Anna) dont c’est le premier rôle pour la majorité. Vêtus ou pas, ils sont criants de vérité tant dans leurs relations entre eux que dans leurs interactions avec Kostis.
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