Présentation du BRFF : Sélectionné au dernier Festival de Sundance, A Good Wife met en scène une femme de 50 ans, menant une vie pleine et réussie avec son mari et ses deux grands enfants. Une grande maison, deux voitures, des amis, tout semble parfait dans le meilleur des mondes. Mais comment cette famille serbe a-t-elle réussi à se hisser jusque-là ? Quand le passé militaire du père ressurgit, la réalité devient bien moins brillante. Mirjana Karanovic doit être l’actrice serbe la plus connue, on l’a vue dans plusieurs films de Kusturica (Underground, La Vie est un miracle…), mais cette fois elle brille aussi comme scénariste et réalisatrice. Pour son premier film, elle parvient très habilement à aborder le passé difficile de son pays tout en créant une oeuvre très personnelle.
Acteurs : Mirjana Karanovic, Boris Isakovic, Jasna Djuricic, Bojan Navojec, Hristina Popovic...
Nous avons découvert un chef-d’oeuvre et nous espérons qu’il ne passera pas inaperçu du jury du BRFF 2016 ! Nous sortons de la salle "KO debout", mais également cloué dans le fauteuil par la violence sourde qui sourd de tous les interstices du film par le biais de l’intime d’une famille serbe bourgeoise. Le film s’ouvre sur la poitrine, les seins de Milena, interprétée la très grande actrice serbe (la plus grande ?) Mirjana Karanovic qui réalise ici son premier film. Celui-ci se fermera sur les seins de Milena. Entre-temps, nous l’aurons découverte dans un rôle de mère de famille, d’épouse qui sait et voit des choses. Nous aussi, nous les entendons et voyons, mais c’est la plupart du temps à la marge, aux frontières qui disent un héritage d’une violence extrême. La télévision nous fait entendre à plusieurs reprises des débats sur des faits de guerre contre des civils et nous parle de tribunal de La Haye. Elle est parfois en "bruit de fond", en tapis sonore qui "parlera" plus encore aux Serbes qui entendront donc bien plus que nous.
Cette "bonne femme" assiste quasi impuissante aux tensions qui existent encore (et qui ont une origine bien loin dans la nuit des temps) entre des peuples, des voisins, des proches aux cultures si différentes et peut-être si proches finalement. Tension qui existe au sein même de la famille quand une fille pense et vit différemment, au risque d’être aussi dans le politiquement incorrect ! Ce sont aussi de sordides échanges, des rappels d’un passé trouble, d’une violence et d’une horreur sans nom dont une vidéocassette garde l’effroyable souvenir.
Le cancer, ce n’est pas seulement une affaire d’humain qui peut les toucher dans ce qu’ils ont de plus symbolique, mais qui gangrène aussi une nation et ses habitants. Quel prix faudra-t-il payer et combien de temps encore pour faire l’exérèse d’un tel cancer ? Dans certains cas, il n’y pas de métastases et il suffit d’un peu de chirurgie, pour enlever un poids qui pèse sur la poitrine. Mais le film nous donne à penser que les métastases sont dans le pays, dans les familles. Il faut peut-être un religieux pour rappeler que l’âme vaut plus que tout et qu’il ne faut pas la vendre.
Que voilà un film dont on ne sortira pas indemne parce que le couteau entre dans la chair, parce que les armes tirent à balles réelles, dans le dos, crépitent. Tout cela est "imagé", "mis en images", jusqu’au moment où il n’y a plus de courant dans la batterie.
L’intime d’une famille serbe, "bien sous tous rapports", rejoint ici l’extime d’une nation qui n’arrive pas à exorciser ses démons. C’est un film désespéré, désespérant, probablement sans espoir, mais qui nous donne quelques clés de compréhension d’une violence toujours d’actualité !