Présentation BRFF 2016 : Dans la province basque, deux jeunes trentenaires, Gorka et Ane, vivent l’un et l’autre chez leurs parents. Ils cherchent un « pikadero », un endroit pour se rencontrer qui serait bien moins cher qu’un hôtel. Mais le poids des traditions familiales, l’absence de perspectives d’emploi les mènent dans une impasse qui semble exclure toute possibilité de vie commune. L’histoire, portée par un humour décalé, procède par un enchaînement de situations plus absurdes les unes que les autres. Le montage et les cadrages très réfléchis apportent un soutien continuel au récit au point de donner l’impressoin par moment de se trouver face à un tableau d’Edward Hopper qui aurait croisé Kaurismaki. Certaines scènes font même penser au cinéma muet américain. Rien n’est laissé au hasard. Tout est signifiant et maîtrisé. Composé avec un humour sec et laconique, Ben Sharrock est parvenu à aborder la crise économique en Espagne de façon originale, drôle et très, très cinématographique.
Acteurs : Bárbara Goenaga, Zorion Eguileor, Lander Otaola, Joseba Usabiaga.
Ce film espagnol ou plutôt basque ne semble pas annoncé dans nos pays francophones. Lors de la vision presse nous nous sommes fait la réflexion : "c’est typiquement un film de festival !".
Il ne s’agit pas de démolir ou d’encenser le film, mais de constater que certains films sont si conscients de leurs effets de style qu’ils paraissent réalisés pour correspondre à un langage qui parlera à des cinéphiles. La présentation du BRFF 2016 en dit largement sur le film, son synopsis et les choix du réalisateur et il est bien possible que Pikadero puisse remporter l’un ou l’autre prix, même prestigieux de ce 14e festival. Et l’on comprend donc que ce film ait été nominé à huit reprises et primé six fois !
Il s’agit ici du premier long métrage de Ben Sharrock qui réunit à l’écran dans les rôles principaux, un acteur débutant Joseba Usabiaga (Gorka) et deux autres qui ont déjà une longue carrière, notamment à la télévision (Bárbara Goenaga, Ane ; et Lander Otaola, Iñaki). Si le fil conducteur du film consiste à l’impossibilité pour Gorka et Ane de trouver un endroit tranquille et idéal pour avoir une relation sexuelle (la première pour Gorka, que l’on pourrait résumer par "trente ans et toujours puceau") il en est un autre, en filigrane, celui de la crise économique. Il semble bien que le coeur du film pointe vers cela. Ainsi un plan sur des ouvriers désoeuvrés dans une usine de tournevis, marteaux, boulons... alors qu’un haut-parleur annonce la visite d’une délégation asiatique qui va reprendre l’usine. Une consigne est donnée : soyez souriants et montrer que vous travaillez ! Et les ouvriers restent là, tout aussi désoeuvrés. Une autre scène où Ane partie en Ecosse, sans celui qui voulait "faire l’amour" avec elle, lui écrit qu’en achetant un tournevis pour aménager son appartement pensait que c’était lui Gorka qui l’avait fabriqué... jusqu’à ce qu’elle lise "made in China". C’est dans ces éléments que se trouve la force corrosive du film. La question est de savoir si la forme est au service de la force !
Un confrère néerlandophone nous a dit y avoir vu le meilleur de Buster Keaton tandis qu’un autre y voyait une sorte d’hommage à Jacques Tati sans avoir la richesse et pertinence de celui-ci. Alors oui, il y a une tonalité absurde qui est présente durant tout le film. Il y a des plans répétitifs, notamment sur un quai de gare. Les formes géométriques et les couleurs donnent un cachet et un caractère au film auquel se greffent des saynètes avec des personnages secondaires ou des accessoires décalés. Nous voulons croire qu’il y a là une poésie ou à tout le moins une volonté de réaliser un film qui utilise un métalangage pour nous dire quelque chose de fondamental. Il y aurait comme une parabole, ou de multiples paraboles qui via l’absurde des situations veulent faire sens. Le film utilise une belle bande musicale qui émeut et tente de prendre aux tripes et aux sentiments. Ce n’était peut-être pas notre jour et nous avons raté le train ! Nous sommes restés sur le quai, comme Gorka, aussi nous nous abstiendrons de coter ce film qui mérite probablement mieux que notre regard très subjectif !
Trailer en VO :