Présentation BRFF 2016 : Karen et John vivent dans un trou, en pleine forêt, perdus au milieu des Pyrénées. Ils évitent soigneusement tout contact avec le village voisin, mais, lorsque Karen tombe gravement malade et a besoin de soins, John croise le chemin d’André, un paysan du coin. Les deux hommes se lient d’amitié et John reprend petit à petit goût à la civilisation, au grand désarroi de Karen, bien décidée à ne jamais quitter la forêt et leur douloureux secret… Le réalisateur flamand filme bibliquement ses deux protagonistes comme s’il s’agissait d’Adam et Eve des temps moderne où le retour à la vie primale et sauvage n’est qu’une fuite et non un retour aux valeurs fondamentales de la vie. L’expérience est intense et on n’en ressort pas indemne, mais plein de questionnements.
Acteurs : Kate Dickie, Paul Higgins, Jérôme Kircher, Corinne Masiero.
Le film est curieusement nommé Sauvages pour la France ce qui donne une coloration au film qui n’est peut-être pas la plus pertinente. Certes il nous est donné de découvrir un couple en pleine nature. Nous sommes dans les Baronnies des Pyrénées (là même où fut tourné Le pacte des loups) qui sont également un des "personnages" du film. Certes le choix de cette région est lié aux coopérations financières entre régions et nations pour la production des films (analogue au tax shelter en Belgique), mais son intégration dans le scénario sera heureuse ! Le film a obtenu trois prix : l’Hitchcock d’or, le Prix du scénario et le Prix du public au Festival du film britannique de Dinard en 2015. Nous pouvons comprendre ces prix, malgré quelques faiblesses du film qui aurait gagné à être présenté dans un format moyen métrage. C’est qu’il est long et que ses 105 minutes en paraissent subjectivement beaucoup plus !
Il s’agit ici du premier long métrage pour le cinéma de Tom Geens (il avait réalisé Menteur en 2009, pour la télévision, en collaboration avec Arte et avec un budget très restreint. Ce téléfilm est accessible sur la plate-forme VIMEO) Deux axes traversent le film. Le premier est celui de la vie de ce couple, apparemment de la classe moyenne anglaise, qui vit à l’état sauvage dans la forêt. Le second concerne le pourquoi de ce retour, les causes, l’origine de ce couple et ses liens avec un autre, français, des fermiers, proches du village. Même si on devine assez rapidement les raisons profondes, il est difficile d’être trop explicite au risque de casser le (dé)plaisir de le découvrir à la vision du film.
En réalité, plus que d’un retour à l’état sauvage, il s’agit plutôt d’un repli du couple, d’une sorte de retour à une matrice originelle, tout particulièrement pour la femme, Karen. Quasiment repliée dans une position foetale, tributaire de son mari John pour (sur)vivre grâce à la nourriture : gibier, insectes, larves, plantes qu’il lui ramène. Ce qui lui veut ? On ne le sait pas trop au départ et on vous en laisse la surprise, mais on peut dire que symboliquement il essaie de la faire sortir de ce trou, une sorte de tombeau où la mort est présente. Il veut l’en sortir, la relever, la mettre debout : on dirait, symboliquement, la ressusciter et, jouant sur les mots et ses maux, la re-susciter !
A elle seule, cette partie était intéressante. Cet enfermement dans la nature est prenant. Les conditions de tournage furent d’ailleurs éprouvantes : blessure à la jambe de l’acteur principal qui a retardé le tournage de deux mois, attaque d’un sanglier, etc. Ajoutons la préparation physique du couple d’acteurs qui durent perdre plusieurs kilos pour apparaître crédibles dans ce film en préparation déjà depuis plusieurs années. L’homme peut-il vivre en communion avec la nature et peut-il se passer de sa culture ? Cette vie de couple sent la mort et ne serait pas possible sans la mort d’un être cher. Comment faire le deuil ? Comment réécrire le patchwork d’une existence à jamais perdue ? Jusqu’où faut-il régresser pour en prendre conscience ? A quelle flamme faut-il consumer ses souvenirs pour les faire monter dans les cieux en holocauste ? Quel bûcher funéraire faut-il dresser et quel prix faut-il payer pour que l’animal rejoigne l’humain et vice-versa ?
Le deuxième axe n’apparaît qu’à partir du premier tiers du film lorsqu’un incident oblige John a aller vers le village. Avec celui-ci apparaissent des tiers insoupçonnés jusque là. Le champ visuel et celui de l’intrigue s’élargissent et ouvrent à d’autres dimensions. Ces deux solitaires ne sont pas seuls, ils sont intégrés dans quelque chose qui dépasse le cadre de leur forêt et de leur tanière. En relation sans l’être, le film va peu à peu (re)tisser des liens, une sorte de toile d’araignée qui (re)lie les uns aux autres. Sur ce point les attitudes, besoins et attentes du couple anglais sont opposés. Mais il y a un autre couple qui vit, tait, cèle et scelle un passé qui a conduit les uns et les autres là où ils sont. L’occasion sera donnée de lever le secret, de le dire, confesser sur fond de violence. Nous découvrons alors combien les actes peuvent avoir des conséquences imprévisibles. En ce lieu, est-il encore possible d’avoir une possibilité de pardon ?
Nous vous proposons pour conclure, le point de vue de Tom Geens (cliquez ci-après pour lire un texte traduit du dossier presse, éventuellement après avoir vu le film si vous n’aimez pas les spoilers !).
Diaporama
Bande-annonce :