Synopsis : Dans l’Argentine du début des années quatre-vingt, un clan machiavélique, auteur de kidnappings et de meurtres, vit dans un quartier tranquille de Buenos Aires sous l’apparence d’une famille ordinaire.Arquimedes, le patriarche, dirige et planifie les opérations. Il contraint Alejandro, son fils aîné et star du rugby, à lui fournir des candidats au kidnapping. Alejandro évolue au prestigieux club LE CASI et dans la mythique équipe nationale, LOS PUMAS. Il est ainsi, par sa popularité, protégé de tous soupçons.
Acteurs : Guillermo Francella, Peter Lanzani, Lili Popovich, Giselle Motta.
Ce film (destiné aux plus de 16 ans) s’inspire de faits réels. Il s’agit de l’affaire Puccio (voir les informations historiques et illustrations d’époque en fin d’article) qui a marqué l’Argentine ce qui explique aussi en partie le succès du film dans son pays. Cette affaire est peu, voire pas connue par le grand public en Europe. Les premiers plans du film nous montrent ce qui semble être une intervention policière dans une maison bourgeoise, une descente dans la cave de celle-ci et la découverte d’une femme hagarde que l’on tente de rassurer. Nous retournons alors quelques années dans le passé. Ce plan, ainsi que d’autres, est horodaté ce qui permet de découvrir l’évolution du récit dans le temps et d’accentuer l’ancrage historique.
Tout est quasiment dit dans le synopsis et l’intérêt n’est pas tant dans l’évolution de l’intrigue, d’autant que débutant avec l’intervention policière, le spectateur connait ou croit connaître le dénouement "heureux" de l’affaire. C’est que la fin du film nous fera découvrir les événements qui succèdent à l’intervention relatée au début et le passage par la case justice. Des inserts à la fin du film nous donneront les indications sur le suivi de l’affaire et le destin des protagonistes.
Le génie du réalisateur est de nous faire découvrir une famille bien sous tous rapports, des personnes aimées et respectées qui eurent jadis de l’influence, mais aussi un rugbyman national de talent. Cette famille et la belle-famille forment un clan. Ils sont heureux, ils s’aiment, mangent, font du sport... Tout au plus pourra-t-on rapprocher au père (qui balaie constamment son trottoir) d’être un maniaque de la propreté ! Mais le père est un ancien membre des services de renseignements argentins (SIDE) dont les pratiques furent plus que douteuses.
Cette famille est soudée dans le crime. Certes, le fils sportif rechigne-t-il au début à participer à l’enlèvement d’un de ses amis, membre de la même équipe... mais comme il ne s’agit que d’une affaire financière et qu’il y a un impératif à aimer les siens et son père en particulier, il mettra le doigt dans un engrange fatal... pour son compagnon de sport. C’est que, dès la rançon versée, le jeune homme sera exécuté froidement. Désormais la vie du sportif ne sera plus jamais comme avant. Les uns et les autres seront soudés dans le crime.
C’est une sorte de Janus bifrons qu’il nous est donné à voir : quelques messieurs et dames très et trop tranquilles qui mènent leurs exactions comme au temps de la dictature. Et c’est là un des autres aspects fondamentaux d’El Can ! C’est que tout cela ne serait pas possible sans une complicité passive (au moins) des anciens compagnons des temps maudits (et probablement regrettés). Les amis au pouvoir, ceux qui ont échappé aux mailles du filet sont là pour fermer les yeux à défaut d’aider. Mais tout cela n’aura qu’un temps, car lentement mais surement la démocratie se met en place...
Comment en arrive-t-on pour un sportif de haut niveau à un tel estompement de la norme ? Il ne s’agit donc pas ici de dopage ou de matches truqués, mais d’entreprises criminelles. Quelle est l’influence du père et des images patriarcales, non seulement sur le fils ainé, mais sur les autres fils, sur l’épouse et la belle famille ? Conjonction ici d’un universel politique (la dictature argentine qui gangrène tout un pays à de nombreux échelons du pouvoir) et d’une cellule familiale gangrénée par le mal. Et tous se sentent bien, non coupables. On ne peut manquer de songer à ce qui s’est passé de sinistre mémoire dans l’Allemagne nazie. A tel point que nous nous dit pendant la projection que l’on comprenait que l’Argentine était un pays où les anciens nazis se sentaient vraiment à l’aise !
S’il y avait un bémol à placer - qui ne doit surtout pas empêcher d’aller voir le film - ce serait le regard trop clinique du réalisateur. A ce point respectueux des faits (il s’est basé sur le dossier d’instruction) il prend parfois une certaine distance qui fait que nous n’avons aucune empathie ni pour cette famille criminelle (et c’est normal) ni pour les victimes !
L’affaire Puccio
(extrait du dossier presse)
La fin de la dictature
El Clan revient sur quatre enlèvements retentissants, commis à Buenos Aires entre 1982 et 1985, s’inscrivant dans le cadre de ce qui deviendra « l’affaire Puccio ». Cette série d’enlèvements crapuleux, suivis de l’assassinat des victimes malgré le paiement des rançons est le fait d’un patriarche, Arquimedes Puccio, avec la complicité directe ou tacite de toute sa famille.
Alors que l’Argentine expérimente la démocratie après avoir subi de 1976 à 1983, une dictature militaire, le père, ancien homme de main des services de renseignement militaire, est mis en « chômage technique » par la fin de la dictature. Il intensifie alors ses activités parallèles de droit commun et planifie des enlèvements, ciblant deux chefs d’entreprise et deux connaissances de son fils aîné, Alejandro.
L’effet de choc
Celui-ci, célèbre rugbyman qui porte les couleurs d’un club emblématique, le Club Atletico San Isidro (CASI) et joue pour l’équipe nationale d’Argentine, participe aux forfaits, ce qui accroit l’effet de choc lorsque la police vient arrêter toute la famille dans leur maison de San Isidro, une banlieue chic et résidentielle de la capitale argentine. La plupart de ses camarades de rugby ont mis des années à admettre sa culpabilité, alors même qu’une des premières victimes des Puccio avait été un autre jeune rugbyman du CASI.
Daniel, son frère cadet, collabore aussi. Epifania, la mère, quant à elle, affiche une attitude passive et complice, allant jusqu’à rappeler à l’ordre Alejandro, quand il manifeste le désir de rompre avec la vie criminelle. Deux amis du père complètent l’organisation criminelle.
Au centre du film
La manipulation du fils aîné par son psychopathe de père et ses tentatives pour échapper à son emprise sont au centre du film qui rappelle en guise d’épilogue que Puccio père fut condamné mais n’avoua jamais. Pendant ses longues années de prison il étudia le droit et à sa sortie devint… avocat ! Il mourut à 84 ans, bien après ses victimes et la plupart des membres de sa famille.
Alejandro passera plus de vingt ans en prison avant de mourir peu après sa libération en 2008.
Bande-annonce :