Synopsis : Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, un musicien épris de liberté et une jeune chanteuse passionnée vivent un amour impossible dans une époque impossible.
Acteurs : Tomasz Kot, Joanna Kulig, Agata Kulesza, Borys Szyc.
Nous avions eu un coup de coeur pour Ida le film précédent de Pawel Pawlikowski. Nous retrouvons le même noir et blanc et le même format 1.37 qui offrent des images de toutes beauté dans un cadre oppressant. La beauté des images n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle (un cran au-dessus) d’Ida. C’est que celles-ci sont de Łukasz Żal qui fut l’assistant de Ryszard Lenczewski, surIda, justement. Normal qu’il en ai retenu quelque chose. Le film nous a touché également par le caractère oppressant de cet amour impossible [et le hasard a fait que la projection presse était justement suivie du trop long et imbuvable "Un amour impossible" de Catherine Corsini (d’après la biographie de Christine Angot)].
Nous aurions aimé avoir l’enthousiasme de notre confrère et ami critique Eric Van Cutsem qui concluait son article, rédigé sur le terrain, à Cannes, par ces mots "En définitive, Zimna wojna doit être au palmarès de Cannes cette année ou sinon, il risque d’y avoir une émeute journalistique sur les marches du palais ! Qu’on se le dise !" qui ont probablement placé notre attente sur un piédestal trop haut, d’autant que le film (n’)a obtenu (que) le prix de la mise en scène 2018 !
Là où nous découvrirons plus tard une histoire d’amour impossible d’une durée de deux heures vingt, celle-ci, tout aussi impossible de Wiktor (Tomasz Kot) et de Zula (Joanna Kulig) durant la guerre froide et s’étalant sur une dizaine d’années, nous a semblé trop courte, condensée ou elliptique, mêlant deux destins individuels et l’histoire universelle d’un pays qui se redresse mais reste sous les fourches caudines d’un pouvoir dictatorial.
Entre
- l’histoire d’un musicien qui passe de village en village pour découvrir de nouveaux talents et une chanteuse-danseuse, au caractère entier mais avec une voix d’or ;
- celle du Parti qui prend peu à peu conscience que ces deux-là pourraient et pourront faire le la promotion du régime : les très belles scènes de spectacles (danses et chants), nombreuses mais trop brèves ;
- et celles, nombreuses mais elliptiques, des rencontres/départ/fuites, retraits à la façon "je t’aime moi non plus" de Wiktor et de Zula...
il est difficile de se concentrer, de trouver un point focal et nous avions l’impression (erronée probablement) qu’il aurait été préférable de se concentrer sur un seul thème ou, le cas échéant, de proposer un film plus long, qui se donne le temps de déployer ces choix dissemblables, ces retrouvailles, ces rencontres ratées de peu en les inscrivant dans un contexte politique plus vaste.
Malgré cela qui nous a empêché de rentrer pleinement dans le film où l’amour est plus froid que la mort (cf. Liebe ist kälter als der Tod de Fassbinder), nous avons apprécié la délicatesse de celui-ci, la tendresse du réalisateur pour ses (ces) personnages entiers, condamnés par leurs a priori à des choix déraisonnés. Nous avons cité ici Fassbinder, par analogie, songeons à la conclusion de Pierre Siclier sur le site cinésérie.com "il manque à ce nouveau film de Pawlikowski un brin de chaleur pour emporter entièrement".