Genre : Drame
Durée : 102’
Acteurs : Pierre Deladonchamps, Camélia Jordana, Thomas Mustin, Christelle Cornil, Farida Rahouadj, Yannick Choirat...
Synopsis :
Comment surmonter une tragédie sans sombrer dans la haine et le désespoir ? L’histoire vraie d’Antoine Leiris, qui a perdu Hélène, sa femme bien-aimée, pendant les attentats du Bataclan à Paris, nous montre une voie possible : à la haine des terroristes, Antoine oppose l’amour qu’il porte à son jeune fils et à sa femme disparue.
La critique de Julien
"Vous n’aurez pas ma haine", c’est avant tout le premier roman du journaliste Antoine Leiris, publié en 2016 aux éditions Fayard, dans lequel il racontait son quotidien après la mort de sa femme, Hélène Muyal-Leiris, le 13 novembre 2015, lors de l’attentat du Bataclan à Paris. Titre d’une lettre ouverte qu’il avait publiée sur Facebook aux lendemains de l’attentat, laquelle fut partagée des milliers de fois, ce récit médiatisé à l’époque a même fait l’objet d’un seul-en-scène au théâtre en 2017 (et récompensé aux Molière), mis en scène par Benjamin Guillard, et incarné par Raphaël Personnaz. Pourtant, ce n’est pas ce dernier que l’on retrouve dans le premier rôle de cette adaptation cinématographique, mais bien Pierre Deladonchamps, dans la peau d’un homme qui doit donc surmonter l’impensable, et dès lors créer un nouvel lien avec son fils Melvil (Zoé Iorio), âgé de dix-sept mois...
D’emblée, le livre duquel s’inspire librement ce film décrivait les émotions de son auteur, le manque laissé par sa femme le long de ses dix-sept chapitres et surtout la force avec laquelle il avait surmonté cette épreuve, soit en partie par le processus de création, comme "parenthèse dans le chagrin" (d’après les mots d’Antoine Leiris), permettant dès lors à son esprit de se libérer du drame... Or, "Vous n’Aurez pas ma Haine" se concentre davantage sur le drame psychologie appuyé d’un homme (et père) face à la perte injuste et inconsolable d’un être aimé (Camélia Jordana)...
Troisième film cette année-ci à oser toucher aux attentats de Paris après "Novembre" de Cédric Jimenez et "Revoir Paris" d’Alice Winocour, l’allemand Kilian Riedhof et la productrice Janine Jackowski ont ainsi vu d’un bon œil le fait qu’ils soient allemands, lesquels, en n’étant pas à l’épicentre des événements, pouvaient donc regarder cette histoire "avec la bonne distance". Sauf que ce drame joue la carte du pathos, lequel est terriblement déprimant, et sans aucun éclat de mise en scène. Alors certes, on assiste ici à la transformation intérieure d’un homme, mais ce film intériorise justement trop lesdites émotions, ce qui reflète une atmosphère palpable et assez insoutenable à l’écran, tout en filmant des scènes volontairement déchirantes (tout en ne réussissant pas toujours à l’être), la mise en scène de Kilian Riedhof étant de plus répétitive et peu marquée d’instants de grâce. Pourtant, par le titre de son livre, son auteur évoquait son propre combat personnel contre le drame vécu, lequel refusait ainsi de se laisser happer par la haine contre les responsables, dont il se désintéressait, afin d’affronter la mort et son acceptation, pour lui et son fils. Mais Kilian Riedhof, lui, renvoie cette idée de résilience en second plan...
Ainsi, outre quelques monologues en voix-off du personnage de Pierre Deladonchamps (blondis pour l’occasion), "Vous n’Aurez pas ma Haine" ne se révèle certainement pas aussi subtil et lumineux que le récit initial, alors que l’écriture a de plus été ici volontairement dramatisée, au regard de l’intrigue secondaire avec la famille d’Antoine, afin de "rendre tangible" les propos. On sombre alors en même temps que l’interprète principal dans ces abysses de l’incompréhension et de la morosité, au travers desquelles cet homme s’efface, plutôt que de rebondir. Certes, cela viendra ici, mais tardivement dans le récit, vis-à-vis de la relation paternelle développée, face à un enfant en bas-âge incapable d’autant plus de comprendre cette disparition soudaine, et répétant alors sans cesse "maman" à son père... On ne peut dès lors ici que saluer la prestation de Pierre Deladonchamps, dans un tel rôle, lequel tient sur ses épaules l’ensemble de cette terrible histoire, le spectateur étant alors à l’attention des moindres émotions qui feraient (enfin) avancer son personnage, nous - et le - libérant ainsi d’un poids émotionnel assez lourd, et finalement peu touchant à force de baigner dans les mêmes ressentis, pesant...