Signe(s) particulier(s) :
– biopic centré sur la fin de carrière de l’un des duos comiques et légendaires les plus connus de tout l’histoire du cinéma, Stan Laurel et Oliver Hardy, eux qui se sont produits dans pas moins de 107 films, et qui ont débuté avant l’avènement du cinéma parlant, et brillamment réussi la transposition au cinéma sonore ;
– scénario inspiré par le livre "Laurel & Hardy : the British Tours" de AJ Marriott.
Résumé : 1953. Laurel et Hardy, le plus grand duo comique de tous les temps, se lancent dans une tournée à travers l’Angleterre.
Désormais vieillissants et oubliés des plus jeunes, ils peinent à faire salle comble. Mais leurs capacités à se faire rire mutuellement et à se réinventer vont leur permettre de reconquérir le public, et renouer avec le succès.
Même si le spectre du passé et de nouvelles épreuves ébranlent la solidité de leur duo, cette tournée est l’occasion unique de réaliser à quel point, humainement, ils comptent l’un pour l’autre...
La critique de Julien
Étonnement, on n’avait pas encore vu de films consacrés aux deux monstres sacrés du cinéma que sont Stan Laurel et Oliver Hardy, alias le duo "Laurel et Hardy". Alors que les deux hommes affichaient déjà une importante carrière au cinéma, et qu’ils approchaient chacun la quarantaine, c’est véritablement en 1927 qu’ils tourneront ensemble pour la première fois dans le film "Maison à Louer" ("Duck Soup") de Fred Guiol. La suite, on la connaît dans les grandes lignes, puisqu’ils ont formé un tandem comique riche d’une carrière de plus de cent films, pendant près de vingt-cinq ans, et récompensé en 1932 par l’Oscar du meilleur sujet de court-métrage de comédie pour "Livreurs, Sachez Livrer !" ("The Music Box") de James Parrott. Aujourd’hui, le cinéaste Jon S. Baird (principalement reconnu comme réalisateur - d’épisodes - de série) leur consacre son dernier film. Sauf qu’il ne le fait pas dans les règles de l’art d’un biopic classique, étant donné qu’il cible ici l’intrigue du film autour des dernières années de carrière du duo, en adaptant le scénario écrit par le Britannique Jeff Pope (co-scénariste du "Philomena" de Stephen Frears), d’après un livre relatant leur dernière tournée en Angleterre.
S’ouvrant en 1937, sur un long et ambitieux travelling de six minutes amenant Laurel et Hardy, depuis les coulisses, au plateau de tournage du film "Laurel et Hardy au Far West" (James W. Horne), "Stan & Ollie" débute par ce qui sonnera comme un frein (fictif) parmi d’autre dans l’histoire du tandem. Alors que Laurel écrit les scénarios, supervise la mise en scène et le montage de leurs films, et que Hardy se borne à son métier de comédien (et à jouer au golf ou aux paris dans les courses de chevaux quand il n’est pas sur les plateaux de tournage), le premier ressentira l’envie de réaliser son propre film (ce qu’il avait déjà avant la naissance du tandem), et de rompre leur contrat avec Hal Roach Production. Sauf que leur producteur n’est pas du tout de cet avis, et menacera de le remercier, à une époque où les vedettes de cinéma commencent à pulluler. De plus, la paternité du duo ne cessera d’être disputée, étant donné qu’ils ont tourné la très grande majorité de leurs films pour les studios Hal Roach... Puis, seize ans plus tard, après leur dernier film tourné ensemble "Atoll K" (1951), le récit nous embarque à l’aube de leur dernière tournée, alors qu’ils n’ont plus vraiment la côte à Hollywood, et qu’Hardy semble assez malade...
"Stan & Ollie" est magistralement interprété par Steve Coogan (Laurel) et John C. Reilly (Hardy), lesquels ont subi une transformation physique sans précédent, faite de maquillage et de prothèses. Leur ressemblance est ainsi frappante, tandis que leur jeu est très fidèle à celui de leurs modèles. Ainsi, de leurs mimiques, en passant par leurs postures, on reconnaît définitivement bien là les célèbres personnages. Les acteurs servent donc cet hommage sensible et intime au duo, étant donné le parti-pris de l’histoire de se centrer sur la relation parfois tumultueuse qu’ils entretenaient. D’ailleurs, Laurel et Hardy n’étaient pas de grands amis à la vie, eux qui se sont alors considérablement rapprochés lors de cette fameuse tournée. Si le film s’intitule ainsi "Stan & Ollie", et non pas "Laurel et Hardy", c’est d’ailleurs pour chercher à cerner ce qu’il y avait derrière la légende. Alors même si Hardy s’imposait, de par sa corpulence, comme le chef de l’association dans leurs films et sketchs, c’est finalement Laurel qui tenait grandement les reines dans la vraie vie, et qui décidait des choses importantes pour l’unisson.
Dédié à la fille de Stan, Lois Laurel, décédée en 2017, le film fait référence dans sa mise en scène à de grands moments de leur carrière, tels que la danse dans le décor de saloon dans le film "Laurel et Hardy au Far West", ou encore à la séquence du piano acheminé en haut d’un escalier dans "Livreurs, Sachez Livrer !". On aime ainsi ces petits clins d’œil succins à leur œuvre, tout comme on apprécie aussi la reconstitution d’époque, et les costumes. Par contre, la mise en scène, si elle est inspirée par leur travail, est assez simpliste, voire banale, et ne permet dès lors pas au film de voler plus haut que l’évocation, alors touchée par la complicité du tandem. De plus, une grande partie du film est un peu trop bavarde dans sa démarche de recontextualisation des événements. Mais qu’importe, puisque grâce à ce filon, le film nous apporte un regard méconnu de leur histoire, et plus largement sur la notion de duo, et les joies, les peines, les compromis, ou encore les évidences qui vont avec.