Genre : Drame
Durée : 99’
Acteurs : Vincent Macaigne, Aïssa Maïga, Marie Gillain, Carole Franck, Eric Métayer...
Synopsis :
Yannick est aide-soignant dans une maison de retraite. Entre pression permanente et restrictions budgétaires, il fait face aux manques de moyens avec une bonne humeur contagieuse. Mais lorsqu’on lui impose de partager le réfectoire avec une classe d’enfants, la situation se complique. Leur arrivée ainsi que celle de son animatrice, Aude, va bousculer joyeusement le quotidien de tous...
La critique de Julien
C’est en 2019 qu’est sorti "Les Chatouilles", le premier film du duo formé par Andréa Bescond et Eric Métayer, lesquels sont en couple à la ville, et ont fondé une famille. Adaptée de la pièce de théâtre "Les Chatouilles ou la Danse de la Colère" (2016), interprétée par Andréa Bescond elle-même et mise en scène par Eric Métayer, cette puissante autofiction mettait - surprenamment - en scène l’actrice face à sa propre enfance (jouée alors par Cyrille Mairesse), laquelle fut abusée sexuellement par un ami proche de ses parents à partir de ses huit ans. Véritable acte lumineux et fédérateur de résilience, où elle faisait notamment état de l’amnésie traumatique qu’elle a subie, tandis qu’ils y dénonçaient le délai de prescription allongé, "Les Chatouilles" était un formidable premier film coup-de-poing. Les revoici aujourd’hui avec leur second film, "Quand tu Seras Grand", bien qu’ils aient tourné entre temps le téléfilm "A la Folie" pour M6, diffusé l’année dernière...
Dans ce drame social, le couple met sur le devant de la scène ce qu’il considère comme "deux maillons souvent oubliés de la société : l’enfance et la vieillesse". Et c’est dans un EHPAD qu’ils ont décidé de poser leur caméra, et d’y filmer les conditions de travail de plus en plus difficiles des soignants, et leurs répercussions sur la vie des résidents, alors qu’une classe d’enfants va s’inviter dans le réfectoire de l’établissement, le temps que la cantine de l’école voisine subisse un rafraîchissement. Or, cette situation ne va pas ravir Yannick (Vincent Macaigne), l’un des aides-soignants de la maison, à l’allure de rocker, lequel va mettre en place une pétition pour que les jeunes partent, ainsi que leur animatrice (Aïssa Maïga), avec qui l’ambiance n’est pas au beau-fixe. Parallèlement, le petit Brieuc (Kristen Billon), qui n’est autre qu’un desdits élèves (skateur en herbe), va s’attacher à un couple de pensionnaires (Christian Sinniger et Évelyne Istria), lui qui manque d’affection à la maison...
Film choral très différent de leur premier essai, où ses metteurs en scène posent cette fois-ci leur caméra, tout en restant ambitieux en termes de mise en scène (plans-séquences, énormément de figurants et donc d’interactions, etc.), "Quand tu Seras Grand" n’est pas un plaidoyer contre le manque de moyens hospitaliers, ni même un film à visée politique, mais bien un film humain, pointant du doigt des carences du système, desquelles subsistent cependant l’implication de ceux qui essaient de les surmonter, et de garder un semblant de bienveillance entre eux (ici les soignants), même si c’est loin d’être évident. Mais contrairement au récent film "Un Petit Miracle" de Sophie Boudre, qui passait à côté de son sujet, Andréa Bescond et Eric Métayer offrent à la fois un tendre et intéressé, mais surtout réaliste et immersif regard sur la situation des EHPAD, bien qu’ils y parlent avant tout des relations humaines multigénérationnelles, eux qui donnent à voir la vieillesse et l’enfance oubliées, alors que les adultes, eux, n’ont pas (plus) de temps à consacrer à leurs parents, et enfants. Certes, cette image est ici un peu court-circuitée, mais elle en demeure une triste et inquiétante réalité.
Mais bien que la démarche des réalisateurs et scénaristes soit sincère, et jouée par un casting professionnel et amateur très généreux, on peine cependant à sortir ici d’un canevas déjà entrepris, qui plus est entre une approche fictionnelle et documentaire, finalement assez convenue, prévisible, et avançant avec des œillères vis-à-vis de tout ce qui entoure l’intrigue et ses personnages (partiellement développés), dans le sens où l’on est tout le temps dans l’EHPAD (ou ses extérieurs). Aussi, "Quand tu Seras Grand" tire un brin sur la ficelle du mélo (on se questionne d’ailleurs ici sur le protocole de ménage peu scrupuleux des soignants), ses protagonistes finissant également par tous s’entendre et s’apprécier (voire s’aimer), malgré les nombreux cris, situations électriques et coups de gueule qui parcourent le récit, portés alors par la bande-originale éclectique et expérimentale (synthétiseur, flûte, instruments celtiques, etc.) de ROB. Mais le film n’a d’autre ambition que celle de traiter des interactions de la vie, à tout âge, elle qui en déborde, même si la mort s’y invite aussi, sans scrupule, alors que la descendance, elle, va se mettre à se disputer (et au mieux se partager) l’héritage (moins les dettes), entre regrets, secrets, et deuil. En témoigne une forte - bien que brève - scène où la coréalisatrice Andréa Bescond joue la petite fille - dont on ignore tout - d’une défunte, qui semblait alors ne pas savoir que sa grand-mère était laissée-pour-compte dans cet établissement par sa propre fille. Car c’est bien aussi tout ça, la vie. Or, qui sera encore là pour nous, "quand on sera grand", pour faire naître d’autres étoiles dans nos yeux, et perdurer nos valeurs ? Espérons que cet honnête petit film éveille les consciences et invite à prendre soin de nos proches, lui qui parle d’ailleurs à toutes les générations...