➡ Vu au cinéma Caméo des Grignoux - Sortie du film le 12 septembre 2018
Signe(s) particulier(s) :
– quatrième long-métrage du réalisateur et scénariste français Thomas Lilti, lui qui est aussi médecin généraliste dans la vraie vie ;
– seconde fois que Vincent Lacoste et Thomas Lilti refont équipe après "Hippocrate" en 2014.
Résumé : Antoine entame sa première année de médecine pour la troisième fois. Benjamin arrive directement du lycée, mais il réalise rapidement que cette année ne sera pas une promenade de santé. Dans un environnement compétitif violent, avec des journées de cours ardues et des nuits dédiées aux révisions plutôt qu’à la fête, les deux étudiants devront s’acharner et trouver un juste équilibre entre les épreuves aujourd’hui et les espérances de demain.
La critique
Après "Hippocrate" (2014) qui suivait le début de carrière houleux d’un jeune médecin (Vincent Lacoste) dans le service que dirigeait son père, et "Médecin de Campagne" (2016) dans lequel l’un d’eux (François Cluzet) ne vivait que pour son travail (malgré la maladie), Thomas Lilti poursuit au cinéma son exploitation de la thématique de la médecine, et nous dévoile aujourd’hui l’envers du décor de sa première année d’étude à l’université, à Paris. Et c’est tant mieux, car on sent le cinéaste investi, et surtout connaisseur des propos qu’il raconte, lui qui évite ainsi les pièges de la caricature du monde estudiantin, et propose même de vivre de belles émotions, portées par un beau jeu de partenaires.
"Première Année", c’est donc le récit quotidien, et étalé sur une année, de deux étudiants débutant une première année de médecine à l’université. Alors qu’Antoine entame sa première année pour la troisième fois (malgré toutes les chances qu’il se donne pour réussir), il rencontre Benjamin, sortant tout droit sortant du lycée, lui qui est fils de médecin, et qui, au contraire d’Antoine, se lance sans grande conviction dans ces études, davantage motivé par la figure paternelle...
Bien plus qu’il ne parle des difficultés que représente cette première année, et des sacrifices à réaliser, ce film reflète le monde de requins dans lequel évoluent les jeunes d’aujourd’hui, tandis que la société ne fait rien pour les aider, si ce n’est les embarquer dans un système de compétitivité absolue, de rendement, et de classement, et cela dès leur majorité. Le film le montre surtout par la relation amicale naissante entre ces deux jeunes, mais qui va très pourtant battre de l’aile suite à la jalousie, l’incompréhension, et surtout la fatigue. C’est que le film rend particulièrement bien des capacités de tout un chacun, et des conséquences parfois destructives qu’elles peuvent engendrer au sein d’une relation de confiance préexistante. Et qu’on le veuille ou non, cette approche est récurrente, car il y en a toujours un pour manger l’autre, tandis que tous n’auront pas la chance de réussir (ce sur quoi le film insiste pas mal). C’est ainsi que fonctionne le monde d’aujourd’hui...
"Première Année" reflète également avec justesse l’inégalité sociale qui empoisonne et empêche le système éducatif actuel d’être équitable vis-à-vis des différentes classes sociales, et des obstacles de chacun, malgré toute la bonne volonté du monde pour les surpasser. Car on peut avoir beau mettre toutes les chances de son côté, mais quand ça ne va pas, ça n’ira peut-être jamais... Les contes de fées, ça n’existe que dans les films ! D’ailleurs, à cet égard, "Première Année" diffère d’un long-métrage classique.
Thomas Lilti a en effet fourni un travail quasi-journalistique auprès des jeunes qui passent aujourd’hui le concours, lui qui l’a passé il y a plus de vingt ans. En allant à leur rencontre, le cinéaste nous livre ainsi une approche parfois documentaliste de la vie d’un étudiant en médecine, tandis qu’il se rend compte que ce qu’il a vécu à l’époque s’est aggravé depuis (manque de place, de profs, etc.). En filmant ainsi les amphithéâtres bondés, la bibliothèque, et surtout le centre d’épreuve de Villepinte, le réalisateur met le doigt sur la réalité du terrain, au travers de l’histoire de ces deux jeunes personnages.
En parlant d’eux, Vincent Lacoste et William Lebghil sont très bons dans leur rôle, tandis que le dernier ouvre de plus en plus son jeu d’acteur, lui qu’on n’avait pas encore eu l’habitude de voir dans un autre registre que celui de la comédie. Et puis, le spectateur ne devrait pas avoir trop de mal à se retrouver dans l’un des deux personnages (dans leurs jeunes années ou peut-être encore aujourd’hui), tant ils sont plutôt bien écrits.
Une fois de plus, Thomas Lilti réussit à nous montrer une nouvelle facette du monde de la médecine, lui qui parvient à dynamiser son récit estudiantin, alors porté par un duo d’acteurs incarnés, et desquels se dégage une dimension humaine qui contraste avec émotion la brutalité du milieu en question.