Synopsis : Elizabeth Sloane (Jessica Chastain) est une lobbyiste impitoyable réputée pour ses relations, son talent hors pair et sa capacité à toujours avoir un coup d’avance sur ses adversaires. Elle est prête à tout pour gagner jusqu’au jour où elle se trouve confrontée au lobby des armes. Un ennemi puissant et sans scrupules qui dispose de budgets qui semblent presque intarissables.
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Acteurs : Jessica Chastain, Mark Strong, John Lithgow, Gugu Mbatha-Raw, Michael Stuhlbarg, Jake Lacy.
Si Miss Sloane est un film assez classique, à l’américaine, sous la forme de film de procès (ce qu’il n’est pas, cependant) il doit beaucoup à l’interprétation prodigieuse de l’excellente Jessica Chastain, aussi flamboyante à l’écran que sa chevelure ! Si le dernier long métrage de John Madden (Shakespeare in Love, The Debt, The Best Exotic Marigold Hotel...) nécessite des clés de lecture américaine (commission d’enquête sénatoriale, deuxième et cinquième amendements) pour être pleinement compris, il est suffisamment clair pour en comprendre les enjeux.
Le scénario lorgne sur deux axes, ceux que l’on retrouve dans Erin Brockovich (Erin Brockovich, seule contre tous) (Soderbergh, 2000), pour le combat d’une femme seule pour une cause juste et Le Maître du jeu (Le Maître du jeu) (Gary Fleder, 2003) pour ce qui a trait au lobby des armes et les retournements de situation. Et l’on peut dire que non seulement l’itinéraire de la lobbyiste est intéressant et passionnant, mais qu’il arrive à nous surprendre jusque dans des retournements de situation. Et l’on se rend compte cependant que, pour peu que l’on soit attentif à la façon dont le scénario se déploie, chacun de ses éléments s’inscrit dans une prodigieuse logique. Et c’est avec plaisir que se rejoignent la performance des acteurs (premiers et seconds rôles) - et l’on sent une excellente préparation bien documentée en amont - et leur "inscription" dans le récit (le travail sur les costumes et vêtements est remarquable).
Et s’il y a la performance d’une actrice au top est éblouissante, le scénario l’est tout autant. C’est que l’histoire tient en haleine, notamment en se basant sur les amendements à la Constitution des USA déjà cités, à savoir le deuxième relatif au droit de porter des armes et au cinquième qui permet au citoyen de ne pas témoigner contre lui-même. Si le deuxième amendement est bien connu outre-Atlantique à cause de ses effets pervers et meurtriers qui font régulièrement la Une des journaux, en revanche, nous sommes moins au fait du cinquième et de son utilisation. Tout au plus y est-on sensible dans certains films "de procès" (ceux-là mêmes où retentit régulièrement une expression inconnue devant nos cours : "Objection, votre Honneur !"). On peut donc refuser de témoigner contre soi-même et revendiquer le silence. C’est ce que fera Miss Sloane. Tout va bien jusqu’à ce qu’elle répète consciencieusement la phrase dictée par son défenseur. En revanche, si elle ouvre la bouche, elle perd le droit à revendiquer cet amendement. Et devinez quoi, à un moment donné cette femme qui est une battante, qui sait ce qu’elle veut ne peut plus se taire ! Le problème est que le parjure est très grave aux USA... et que refuser de parler est une offense à la Cour ou, ici, à la commission sénatoriale. Ce traitement du cinquième amendement fait l’objet d’un dialogue intéressant dans le film The Front (Le prête-nom) réalisé par Martin Ritt en 1976, avec Woody Allen dans le rôle principal de ce film qu’il situe son action dans le début des années 50 en abordant la question de la "Blacklist". Les scénaristes blacklistés conseillent à Howard Prince d’invoquer le 5e amendement. Ils précisent que s’il répond à une seule question, il sera obligé de parler sous peine d’offense à la Cour. C’est exactement l’application de cet amendement qui est un des ressorts du film de John Madden.
Miss Sloane, le film, joue habillement de ces "jeux de cours" sur fond de corruption. A la fin de celui-ci dont on vous laisse le plaisir de découvrir l’épilogue, l’on comprendra que toute l’intrigue s’est déroulée comme un jeu d’échecs et que tous les pions ont été placés dès le départ sur l’échiquier et que l’un des joueurs a utilisé le jeu de son adversaire pour faire avancer les siens. Difficile d’en dire plus, sinon que certains désireront revoir le film, pour Jessica d’abord et ensuite, pour revoir la façon dont John Madden a mis en images le scénario de Jonathan Perera.
Mise à jour (8/3/17) : Pour pondérer notre enthousiasme, n’hésitez pas à lire la critique passablement négative (et c’est un euphémisme) de critikat.com.
Bande-annonce :