Synopsis : Deux amis d’enfance s’embrassent pour les besoins d’un court métrage amateur. Suite à ce baiser d’apparence anodine, un doute récurrent s’installe, confrontant les deux garçons à leurs préférences, bouleversant l’équilibre de leur cercle social et, bientôt, leurs existences.
Acteurs : Gabriel D’Almeida Freitas, Xavier Dolan, Anne Dorval, Pier-Luc Funk, Samuel Gauthier
Dolan : le huitième film !
Matthias et Maxime est le septième film du génial canadien que nous voyons [1] et le huitième de ce réalisateur qui va bientôt toiser la trentaine. Xavier Dolan, une fois encore, multiplie les casquettes : réalisateur, scénariste, monteur... et acteur. L’on pourrait écrire, qu’il revient à ses premières amours. Certainement cinématographiques car l’on retrouve une sorte de Tom à la ferme mâtiné de J’ai tué ma mère, mais probablement personnelles car il traite d’une relation affective à tout le moins homosensuelle. Enfin, en sous-texte, il sera question d’une autre identité, linguistique celle-là, parfois conflictuelle entre l’emploi des langues française et anglaise.
Un film de potes !
Matthias et Maxime est un film de potes, à la fois parce qu’il suit une tranche de vie d’un groupe de potes/amis et de deux d’entre eux en particulier, mais également parce que la plupart des acteurs sont des proches et amis de Xavier Dolan. Et autant dire que cela se ressent, chacun et chacune étant au service du récit que nous narre Dolan. Si l’on retrouve bien sûr Anne Dorval dans le rôle de la mère (de Dolan/Maxime) il y a l’humoriste québécois - d’origine portugaise - Gabriel D’Almeida Freitas, dans le rôle de Matthias (rôle-titre - en jouant sur le terme - car le nom de Maxime est en deuxième position dans le titre) et qui est remarquable de présence sensuelle et de quête d’identité. S’agissant d’identité Matthias et Maxime reste vague sur l’objet de désir des personnages masculins, si l’on peut comprendre que l’un ou l’autre est gay cela n’est pas dit explicitement et participe d’ailleurs aux troubles relationnels. L’identité affective n’est pas... encore... une question.
Une tache et un baiser !
Au cœur du dernier film de Xavier Dolan, il y a
- une tache que l’on montre mais dont personne ne parle.
- et un baiser (de cinéma) que l’on ne montre pas mais qui structure toute l’intrigue
En contrepoint, - une tache qui fera accéder le refoulé à la parole et que l’on aura occultée dans un miroir
- il y aura un autre baiser que l’on montrera et qui amènera à (se) parler...
En effet, la première chose que le spectateur découvre avec l’apparition de Maxime est une tâche de naissance qui lui couvre la partie droite du visage. De cette tache, personne n’en parle, comme si elle était invisible. Elle sera citée à une seule reprise qu’on vous laisse découvrir dans une scène qui dit beaucoup le refoulé et qui trouvera un écho, en miroir en quelque sorte, où la tâche disparaît l’espace d’une seconde !
L’autre élément essentiel se trouve dans le synopsis et la bande annonce est un baiser de cinéma. Au cour d’une réunion entre amis, la sœur de l’un d’eux sollicite l’aide de ces jeunes qui avancent vers la trentaine, pour que deux d’entre eux jouent une scène dans son court-métrage. Maxime accepte de suite tandis que Matthias y sera contraint à la suite d’un pari perdu. Aucun d’eux n’a d’indication sur la scène à tourner... jusqu’à ce qu’ils apprennent qu’il s’agit d’un baiser de cinéma entre gars. Ils ne se sont jamais embrassés (sauf peut-être durant leur enfance), n’ont probablement jamais embrassé un homme et les voilà confrontés à devoir le faire. Le moment semble crucial et le génie du réalisateur est ici de faire une ellipse au noir en ne montrant pas ce baiser. En revanche, l’on montrera, plus tard, un baiser qui ne sera pas de cinéma et qui troublera l’un des protagonistes.
En quête d’identité !
Comme le dit Dolan, ouvertement gay, ses œuvres peuvent traiter ou pas de l’homosexualité et il ne revendique pas de réaliser de tels films. Et c’est bien le cas de celui-ci. Certes la dimension homosexuelle, ou plutôt homophile/homosensuelle est présente, en fil conducteur, sans cependant s’expliciter ouvertement. Il y a un trouble qui affecte Matthias sans qu’il puisse mettre des mots ou identifier celui-ci. Le spectateur en est conscient, peut le définit mais ce n’est pas le cas du protagoniste qui n’a pas de case pour définir ce qui lui arrive. Il y a une rupture de la frontière de l’amitié/sexualité. L’on pourrait penser à la fluidité dont traite la canadienne Patricia Chica, dans son remarquable court-métrage Morning After. Mais là, le genre n’a plus d’objet ni de frontière ; en revanche, ici, le trouble de Matthias vient du fait qu’il n’est pas préparé à ce qui lui arrive, à savoir que l’objet de son désir, sexué, voire sexuel soit un homme. Jusque-là, Maxime, ami depuis sa plus tendre enfance, n’était pas "sexué" ou, du moins, objet de désir. C’est toute l’évolution de cette relation que conte le film sur fond de possible séparation puisque si Matthias a un emploi d’avocat bien assuré, Maxime, quant à lui, veut s’expatrier en Australie pour quelques années. La dernière scène offre au spectateur plusieurs perspectives qui laisseront un spleen envahir son cœur.