Genre : Horreur
Durée : 118’
Acteurs : Corey Hawkins, Aisling Franciosi, Liam Cunningham, David Dastmalchian, Javier Botet...
Synopsis :
Le récit terrifiant de la traversée du Demeter, un navire commercial à bord duquel est très discrètement embarquée, à destination de Londres depuis les Carpathes, une cargaison de caisses en bois non identifiée. A bord du navire maudit, d’étranges évènements ne tardent pas à frapper l’équipage qui va devoir tenter, durant cette funeste traversée, d’échapper à une étrange présence qui nuit après nuit va les traquer sans pitié. L’épave, véritable bateau fantôme qui finit par accoster sur les côtes anglaises n’est plus que l’ombre du Demeter, à bord duquel il n’y a plus âme qui vive.
La critique de Julien
Après la comédie horrifique "Renfield" de Chris McKay dans laquelle Nicholas Hoult jouait le familier de Dracula face à un Nicolas Cage toxique dans la peau du célèbre Comte, c’est la seconde fois cette année-ci que le roman de Bram Stoker, datant de 1897, est adapté au cinéma. Pour autant, "Le Dernier Voyage du Demeter" est inspiré du chapitre "The Captain’s Log", et plus précisément des quelques maigres extraits du journal de bord du capitaine du navire marchand, qui voyait alors son équipe se faire décimer jour après jour, sans ne rien y comprendre, lors de la traversée maritime du Demeter entre Varna, en Bulgarie, et Whitby, en Angleterre. Et pour cause, c’est Dracula "en personne" qui y saignait ses occupants, avant d’atteindre les côtes anglaises, et d’y faire régner la terreur... Alors que Francis Ford Coppola illustrait en seulement une minute ce voyage dans son adaptation de 1992 (avec Gary Oldman) et que la minisérie Netflix "Dracula" (2020) créée par Steven Moffat et Mark Gatiss y consacrait entièrement un épisode entier d’environ nonante minutes, c’est au tour du génial cinéaste norvégien André Øvredal ("The Troll Hunter", "The Jane Doe Identity", "Scary Stories") de s’attaquer à ce récit imaginaire, pour le meilleur, et surtout pour le pire, et donc de se mordre les doigts...
Tout d’abord, c’est malheureusement aussi la seconde fois cette année-ci, après le film de Chris McKay, qu’Universal Pictures connaît l’échec commercial avec ses adaptations mettant en vedette le légendaire suceur de sang, ce qui n’aidera sans doute pas le studio dans ses projets de résurrection de ses films de monstres avec son "Dark Universe". Mais en tant que projet avorté à de nombreuses reprises ces dernières années, "Le Dernier Voyage du Demeter" s’avère être, il est vrai, une désillusion, étant donné un scénario répétitif, tombant dans son propre piège, ainsi que de celui de ses décors, immuables, et cela malgré quelques sensationnels plans en pleine tempête en mer, et son introduction prometteuse, où l’on découvre le navire échoué à la date du 6 août 1897, ainsi que le journal de bord de son capitaine. Le film revient ensuite quatre semaines en arrière, alors que la voix-off de ce dernier (joué par Liam Cunningham) raconte sa traversée, par la lecture de ses propres lignes...
Trop long - dont à la détente - pour ce qu’il a à raconter, le film d’André Øvredal ne consiste, en effet, qu’à un bain de sang nocturne pauvre en imagination, où Dracula, sorti de sa grosse caisse en bois, enlève, à tour de rôle, la vie aux membres d’équipage, lesquels réagissent trop tardivement, et contre nature. Car malgré les morts à la pelle, les fouilles que les survivants entreprennent ici sont bien plus superficielles qu’infructueuses, tandis qu’on ne comprend pas pourquoi le capitaine n’accoste pas durant le trajet, même si c’est, au départ, pour une question de prime, si le navire arrive dans les temps. Mais à quoi bon arriver à l’heure si c’est pour ne pas arriver vivant ? Aussi, par le biais du personnage principal, Clemens (Corey Hawkins), soit un médecin formé en astrologie à Cambridge, mais rejeté de l’équipage pour sa couleur de peau, le film jette un pavé dans la mare, et tente maladroitement de parler de racisme, ainsi que de misogynie par la présence clandestine d’une femme à bord (Aisling Franciosi), ce qui, par superstition maritime, porterait malheur, au même titre que les rats qui quittent le navire... Or, à la vue des événements qui se dérouleront à bord du Demeter, celle-ci sera évidemment pointée du doigt, même vidée de son sang (d’esclave)...
Tout comme Clemens dira ici à Dracula "qu’il n’a pas peur de lui", il en demeurera de même pour nous, ce dernier lui rétorquant cependant que "ça viendra". Le film passe alors à côté de ses nombreuses possibilités, dont celle de réussir à nous immerger dans le (trop) sombre Demeter, et surtout à créer l’effroi. Car autant dire qu’André Øvredal ne parvient jamais à installer une quelconque tension dans sa mise en scène en forme de huis clos, mécanique et ennuyeuse, tandis que Dracula (Javier Botet) n’est réduit ici qu’à une grande (et très) chauve-souris et quelques effets numériques qui laissent à désirer. Pourtant, une fois les pieds sur Terre, dans un dernier élan en quête d’épouvante, le cinéaste rappelle son savoir-faire, comme si son cinéma avait, finalement, souffert ici du mal de mer. Portée par l’inquiétante et imposante musique de Bear McCreary, cette séquence, comme une promesse qui restera non tenue, offre enfin ses lettres de noblesse gothiques au personnage de Bram Stoker, où l’ombre de Dracula, dans les ruelles londoniennes, parvient enfin à nous caresser dans la nuque, pour un soupçon de frisson tardif, mais bienvenu... C’est ça qu’on voulait !