Synopsis : Un jeune instituteur du Bhoutan est envoyé dans la partie la plus reculée du pays. Loin de la ville, le quotidien est rude, mais la force spirituelle des habi-tants du village va transformer son destin.
Casting : Sherab Dorji (Ugyen), Ugyen Norbu Lhen-dup (Michen) Kelden Lhamo Gurung (Saldo), Sangay Lham (Kencho), Chimi Dem (Pema)
Points particuliers :
- le film était l’un des 5 en lice pour l’Oscar du meilleur film étranger 2022 (statuette raflée par « Drive my car » de Ryusuke Hamaguchi)
- C’était donc le 1er film bouthanais à être nommé aux Oscars. « La Coupe » de Khyentse Norbu, salué par la critique, en 1999, n’avait pas été sélectionné dans la short list.
- Les habitants du village (irrésistible petite Pem Zam) jouent leur propre rôle
- 75 mules ont acheminé le matériel nécessaire pour le tournage, à Lunana, 5800 mètres d’altitude. L’équipe et les acteurs ont été transportés en hélicoptère (+ de 70 vols)
Si le titre français « L’école du bout du monde » colle à la poésie, à l’exotisme de ce film, il n’évoque aucunement l’humour subtil qui imprègne le film, un peu plus suggéré par le titre original « A yak in the classroom ».
Le yak dans la salle de classe - au sens littéral du terme ! - fait un peu penser à l’éléphant dans le corridor, l’éléphant étant ce lourdaud grossier et un brin condescendant d’Ugyen.
Ugyen, jeune instituteur, n’est pas du tout passionné par son métier, c’est le moins que l’on puisse dire. Lui qui ne quitte jamais son iPod et ses écouteurs, ne rêve que de partir en Australie pour devenir chanteur.
En attendant de décrocher le sésame - il a fait une demande - il vit à Timphou, la capitale, chez sa grand-mère - depuis la mort de ses parents quelques années plus tôt - il se partage entre ses potes et sa petite amie, la guitare jamais bien loin.
Seul hic : il n’a pas encore fini son service national - dans le cadre de la politique du BNB (Bonheur National Brut) qui a remplacé le PIB au Bouthan - et il lui reste encore un an à accomplir sur les 5 ans de son engagement comme instituteur.
Pour sa dernière année, il pense se la couler douce, mais sa hiérarchie, agacée par son dilettantisme, son je-m’enfoutisme manifeste, ne l’entend pas de sa façon.
Pour son dernier poste, elle l’envoie… à Lunana.
Lunana, c’est le village le plus reculé du Bouthan à plus de 5000 mètres d’altitude, il faut 8 jours de marche pour y arriver.
Il n’y a évidemment pas d’électricité (tout fonctionne à l’énergie solaire), donc pas de réseau.
Pour allumer un feu, on utilise de la bouse de yak séchée (le titre original « A yak in the classroom » prend alors tout son sens, et c’est drôle) ; en ce qui concerne l’école, c’est une petite maison d’une seule pièce sans tableau noir, sans feuille, ni stylo (à part quelques manuels laissés dans un coffre par le prédécesseur d’Ugyen) pour à peine une dizaine de mômes.
Un village perdu dans les hauteurs, loin de la civilisation, auquel on accède après 8 jours de marche dans la montagne. Parcours qu’Ugyen effectue les écouteurs vissés sur les oreilles, parlant à peine à ses deux guides, négligeant leurs conseils.
Lunana, pour Ugyen, est une véritable punition, qui va se transformer en rédemption. Une reconnexion pro-fonde à la nature, aux chants traditionnels et aussi la prise de conscience de l’importance de son métier.
Car pour les enfants, et tout le village, l’instituteur est un semi-dieu, qu’ils traitent avec déférence et admiration : il est leur porte ouverte vers la connaissance, leur chance d’avenir.
Alors, vous me direz, c’est assez éculé comme scénario, le retour aux sources d’un jeune homme occidentalisé, ce rapport opposé entre modernité et tradition.
Sauf que le regard plein d’amour, d’empathie, d’admiration et d’attention porté par le réalisateur sur cette région et ses habitants - impossible de ne pas craquer pour Pem Zam, la petite fille « capitaine de classe » - en fait un conte contemporain, sincère, authentique, avec des accents de documentaire.
La majorité des habitants, dont les enfants, n’avaient jamais vu un film de cinéma de leur vie (ils ne savent déjà pas à quoi ressemble une voiture, « car » en anglais, comme le montre l’une des scènes de classe irrésistible de drôlerie et de candeur).
Pawo Choyning Dorji sait filmer des plans absolument renversants de beauté - Ugyen et Saldon, la bergère de yaks, en descendant le sentier, semblent glisser sur les nuages ; quelques mètres plus loin, ces mêmes vo-lutes forment comme un toit au-dessus de leurs têtes - et mettre en valeur les paysages magnifiques.
Une histoire universelle sur la quête, éternelle, de l’être humain : quelle est ma place dans ce monde et qu’est-ce qui va me rendre heureux ?
C’est un conte moderne chaleureux, authentique, qui donne immédiatement envie de boucler son sac à dos et de s’enquiller les 8 jours de marche à travers la montagne pour rejoindre Lunana.
Un vrai feel good movie. Qui aurait cru qu’on rêve d’un yak comme animal de compagnie ?