Genre : Action, aventure
Durée : 154’
Acteurs : Harrison Ford, Phoebe Waller-Bridge, Mads Mikkelsen, Toby Jones, Boyd Holbrook, John Rhys-Davies, Antonio Banderas, Thomas Kretschmann...
Synopsis :
1969. Indiana Jones s’apprête à tirer sa révérence. Après avoir passé plus de dix ans à enseigner au Hunter College de New York, l’estimé professeur d’archéologie est sur le point de prendre sa retraite et de couler des jours paisibles dans son modeste appartement, où il vit seul désormais. Tout bascule après la visite surprise de sa filleule Helena Shaw, qui est à la recherche d’un artefact rare que son père a confié à Indy des années auparavant : le fameux cadran d’Archimède, un appareil qui aurait le pouvoir de localiser les fissures temporelles. En arnaqueuse accomplie, Helena vole l’objet et quitte précipitamment le pays afin de le vendre au plus offrant. Indy n’a d’autre choix que de se lancer à sa poursuite. Il ressort son fedora et son blouson de cuir pour une dernière virée.
La critique de Julien
Clap de fin pour Indy ! Dernière escapade du plus célèbre et légendaire des archéologues - et même, au-delà - des aventuriers, "Indiana Jones et le Cadran de la Destinée" est le cinquième film de la saga initiée par Steven Spielberg en 1981, elle qui a tant inspiré le cinéma, et dont l’héritage n’a jamais plus cessé depuis de l’influencer. Présenté en Sélection officielle hors compétition au 76e Festival de Cannes en mai dernier, comme ce fut également le cas du précédent (et mal-aimée) quatrième opus "Le Royaume du Crâne de Cristal" (2008), cet ultime (?) volet n’est cette fois-ci plus réalisé par Spielberg (il en reste cependant co-producteur exécutif), bien qu’il fut un (long) temps assigné à sa réalisation, lequel a finalement (et consciemment) passé le flambeau au cinéaste américain James Mangold, à qui l’on doit une riche filmographie allant notamment du biopic sur Johnny Cash "Walk the Line" (2005) au remake de "3h10 pour Yuma" (2007), jusqu’au film de super-héros crépusculaire "Logan" (2017) ou encore au récent "Le Mans 66 / Ford v Ferrari" (2019).. Or, le réalisateur reste fidèle ici aux ingrédients de la franchise, à commencer par les célèbres lasso et fédora !
Co-écrit par ce dernier (exit également George Lucas), cet épisode débute par une (première) remontée dans le temps, soit en 1944 [1], alors que l’Europe s’apprête à être libérée par les Alliés. Capturés par les nazis, Henry Jones et son collègue Basil Shaw (Toby Jones) - plutôt que de récupérer la Lance de Longinus (sur laquelle le sang du Christ aurait coulé) - mettront la main sur une moitié du cadran d’Archimède (librement inspiré du mécanisme d’Anticythère), lequel serait - entier - capable de localiser des fissures dans le temps, tandis que le nazi Jürgen Voller (Mads Mikkelsen) espérait, lui aussi, le posséder. Nous voilà ensuite en 1969, en pleine guerre froide, alors que Jones s’apprête à prendre sa retraite de professeur d’université, lui qui vit désormais (très) seul. Or, il sera approché par sa filleule Helena Shaw (Phoebe Waller-Bridge), qui n’est autre que la fille de son feu ami Basil, lequel a failli perdre la tête dans sa quête du cadran. Etudiante en archéologie et chasseuse de trésors, la demoiselle souhaite, en effet, mettre la main sur celui-ci, et entraîner son vieillard de parrain dans une dernière aventure, pour le(s) retrouver, elle qui a, cependant, d’autres idées derrière la tête. Parallèlement, Voller, devenu astrophysicien pour la NASA, compte, lui, retourner trente ans en arrière, afin de changer l’issue de la Seconde Guerre mondiale...
Dès la séquence d’ouverture, c’est avec beaucoup de nostalgie et d’émotion que l’on entend le célèbre thème musical de John Williams, rythmant une haletante course poursuite ferroviaire, où Harrison Ford, numériquement rajeuni, s’amuse à cabotiner et à jouer de ses charmes pour passer au travers de wagons remplit de nazis. James Mangold réussit ainsi rapidement à capter l’essence même du personnage, et à nous amuser, malgré des expressions de visages un peu statiques (il y a donc encore du travail facial à effectuer avec les CGI). Mais le résultat demeure majoritairement bluffant, notamment en termes de reconstitution, puisqu’on aurait bien l’impression d’être à l’issue du la Seconde Guerre mondiale. Cependant, dommage que la longue scène se déroule en pleine nuit, ce qui donne aux effets spéciaux l’excuse de ne pas toujours être toujours très lisibles (puisqu’on n’y voit clairement pas tout). Place ensuite à un bond dans le temps, en pleine parade new-yorkaise célébrant les astronautes d’Apollo 11 (en 1969), alors qu’Indy sera pris au dépourvu par sa tempétueuse filleule. Fantastique, cette séquence à l’ancienne nous en met plein les yeux, alors qu’ils seront pourchassés par Voller, assisté par la CIA. S’ensuivra alors un long périple allant de Tanger à la mer Égée, tout en faisant un crochet par la Sicile avant de rentrer au bercail...
"Indiana Jones et le Cadran de la Destinée" reste ainsi fidèle aux fondements de la saga, laquelle voyage toujours autant, d’un point A à un point Z, en passant par toutes les lettres de l’alphabet, signifiant l’ensemble des retournements de situations et cocasseries, voire de surprises. Or, c’est bien connu, tout ce à quoi touche le Docteur Henry Walton "Indiana" Jones, Jr. finit dans les mains d’un ennemi, avant de revenir dans les siennes. Écrit à quatre, le scénario de cette histoire s’active ainsi rapidement à réveiller et nous refamiliariser avec l’univers du personnage. À cet égard, l’une des bonnes surprises du film est son réalisme vis-à-vis de l’âge de son acteur principal au regard de celui de son personnage. Ici, Indy n’est plus un aventurier ! Définit par sa force, sa jeunesse et son physique, Jones n’est plus ici que l’ombre de lui-même, bien qu’il s’adonne encore à quelques cabrioles malgré les visses dans ses jambes et les nombreuses balles qui ont traversé son corps. Cependant, l’homme n’a rien perdu de sa verve et de son franc parlé, enchaînant les répliques savoureuses. Et c’est justement ce qu’on apprécie dans le film, c’est-à-dire la manière avec laquelle le mythe est traité, c’est-à-dire avec respect, en son temps. Les producteurs du film n’ont pas souhaité ici offrir une nouvelle jeunesse au personnage, mais bien à le respecter en tant qu’humain. Harrison Ford s’en sort ainsi avec les honneurs. D’ailleurs, il est fou de se dire, d’une part, que l’acteur avait 80 ans lors de la fin du tournage (il s’est d’ailleurs blessé à l’épaule durant la préparation d’une scène de combat), et d’autre part que Disney ait investi près de 300 millions de dollars sur la tête d’un si vieil acteur, faisant ainsi du film l’un des plus chers jamais produit. Mais on est bien d’accord qu’il ne s’agit pas là de n’importe quel film ! À voir cependant si la nouvelle génération en sera friande, d’autant plus que "Le Cadran de la Destinée" tire parfois certaines scènes en longueur, alors que l’intrigue est parsemée de facilités d’écriture, de quelques incohérences, et de rigueur dans son action, trop survolée. Mais cela n’entrave en rien le fait de l’apprécier dans sa globalité, jusqu’à son fort appréciable et ludique dénouement, qu’on n’avait pas venu venir. Merci la dérive des continents ! Aussi, cet épisode traite joliment du deuil, du temps qui passe, de la famille et sa perte, mais aussi - et surtout - que de l’amour pour l’archéologie, Indy et ses compères allant finalement vivre ici l’Histoire sous leurs yeux. Sauf que celle-ci a besoin de Jones à son époque, là où des personnes ont encore besoin de lui... Et c’est encore là une bonne idée pour ce métrage, soit celle de ne pas tomber dans le piège du fantastique, mais d’en refermer sa page, et ainsi offrir ainsi la plus belle destinée qu’il soit à son emblématique personnage, lequel est pourtant loin d’être le meneur de sa dernière chevauchée...
En effet, le véritable catalyseur de cette histoire, c’est donc bien le personnage de Phoebe Waller-Bridge, vue notamment dans la série "Fleabag", elle qui avait déjà travaillé avec la productrice Kathleen Kennedy sur "Solo : a Star Wars Story" (2018). Or, l’actrice prend ici un malin plaisir à donner la réplique à Ford, dans la peau d’une jeune femme qui s’engage toujours dans des situations foireuses, malheureusement quelque peu antipathique. Mikkelsen joue quant à lui un scientifique antagoniste au sang froid de nazi, bien que sans grande épaisseur, motivée alors par une (habituelle) soif de vengeance obstinée, lui pour qui seul Hitler a perdu la guerre. Bien qu’ils mènent la danse, et que papy Jones serve (à chaque fois) de bouée de sauvetage, c’est donc bien de lui que viendra ici les quelques petites touches d’émotions du film, baigné ainsi de quelques clins d’œil aux "Aventuriers de l’Arche Perdue" (1981), ainsi qu’au "Crâne de Cristal" (2008), répondant d’ailleurs, au passage, à quelques-unes de nos questions restées en suspend. Finalement, James Mangold n’oublie ici jamais d’où vient son film, et lui rend un vibrant et touchant hommage. Et même s’il n’offre pas un grand coup de fouet (novateur) aux dernières aventures d’Indiana Jones, c’est pour mieux lui dire adieu, et le laisser (enfin) en paix, entouré comme il se doit...