Synopsis : Yvan se sent persécuté par un antisémitisme grandissant et il a l’habitude de s’entendre dire qu’il exagère, qu’il est paranoïaque. Lors de séances chez son psy, Yvan parle donc de ce qui le concerne : son identité, être français et juif aujourd’hui. Mais ces rendez-vous sont aussi et surtout une sorte de fil rouge reliant entre elles plusieurs histoires courtes qui tentent de démonter, sur le mode tragi-comique, les clichés antisémites les plus tenaces !
Acteurs : Yvan Attal, Benoît Poelvoorde, Valérie Banneton, Dany Boon, Gilles Lellouche, François Damien, Denis Podalydès.
Crédit photo hors diaporama au bas de l’article © La Petite Reine / Ran Mendelson
Un bonne idée ne fait pas un bon film
L’idée de départ était bonne : oser un regard sur l’antisémitisme ambiant en France par le biais de l’humour et de l’autodérision, le réalisateur étant lui-même juif. Hélas, à l’arrivée, le résultat est très décevant. Le parti pris du film à sketches par le biais d’un fil conducteur ténu ne tient pas vraiment la route. Yvan (Yvan Attal soi-même !) fait part de ses fantasmes lors de ses séances de psychothérapie et ceux-ci se concrétisent à l’écran. Seul un des sketches, le premier, sort du lot en visant de front (!!!) le Front National et son égérie. Nous aurions aimé que l’on garde cette intrigue. Hélas, malgré une brochette d’acteurs de talents, les autres sketches ne sont pas vraiment bons, sont parfois vulgaires et bêtes. Celui consacré au retour dans le temps à l’époque du Christ Messie est quasiment téléphoné depuis le début et nous avions déjà découvert ce même thème dans une nouvelle de science-fiction il y a quelques dizaines d’années. Certes seuls ceux qui sont concernés (ici les Juifs) peuvent se permettre un humour décapant. Ici nous comprenons bien qu’il s’agit d’auto-dérision mais c’est parfois si mauvais et nul que le message voulu risque bien de ne pas passer voire même et ce serait catastrophique, d’être pris au tout premier degré. Autre chose sera l’humour et l’autodérision de Woody Allen dans Café Society.
Les intentions du réalisateur
Ceci écrit, c’est peut-être nous qui manquons d’humour, qui n’avons pas saisi les enjeux, qui n’étions pas en forme. Aussi nous voulons laisser la parole au réalisateur/acteur qui présente son projet dans le dossier presse. Interrogé sur le moment où il a décidé de faire le film, il répond : Quand j’ai senti que l’antisémitisme grandissait dans ce pays. Il y a déjà une dizaine d’années, quand Dieudonné a commencé ses mauvaises blagues et que je me faisais traiter de paranoïaque en le soupçonnant d’antisémitisme. J’ai commencé à écrire et puis j’ai laissé tomber, pour faire d’autres films. Probablement que le désir était encore à cette époque un peu flou ou que la nécessité de parler n’était pas encore assez forte. On ne choisit pas son sujet c’est lui qui vous choisit. Il s’est imposé à moi malheureusement quelques années plus tard. Avec Mérah et Halimi... Avant Janvier 2015. La colère est montée. Celle de ne pas être assez entendu, celle de ne pas se sentir un Français comme les autres. Donc j’ai eu envie d’en parler, mais la parole je ne pouvais la prendre qu’au cinéma. Il était temps à 50 ans de faire un film pour parler de quelque chose qui me tenait réellement à cœur !
Je n’avais pas encore de producteur, j’ai voulu écrire tout seul dans mon coin, quand Thomas Langmann m’a appelé et m’a proposé de faire un film avec lui. Je l’ai prévenu que j’étais en train d’écrire un film un peu particulier et il m’a répondu « Tu viens faire ce que tu veux ». C’est ainsi que je me suis retrouvé avec un producteur qui m’a laissé toute liberté avec ce projet. Il a compris que c’était une chose très personnelle. J’ai cherché à ce moment là un coscénariste, Emilie Frèche s’est imposée. Elle avait déjà beaucoup travaillé sur le sujet. On a écrit ce scénario et puis tout d’un coup est arrivé la tragédie de Charlie Hebdo et l’hyper cacher. Le scénario était déjà dans les chaînes en lecture. Le jour où je suis arrivé chez France 2 pour défendre le projet, il y avait dans le bureau une télé avec la prise d’otages en direct de l’hyper cacher...
Mais mon film n’est pas du tout un film d’actualité mais un film de société. Il parle du malaise que je ressens en tant que juif, dans mon pays, la France.
Yvan Attal espère de son film "Qu’il soit compris. Qu’il soit aimé. Tout ce que n’importe quel metteur en scène espère. Il y a trois pôles de reconnaissance quand on fait un film. La critique, le public, le métier. Donc si les gens y vont, si la critique est bonne, si le métier nous récompense, d’une manière ou d’une autre, je serais content. Mais c’est la première fois que je m’implique autant dans un film, que je mouille autant ma chemise, l’expérience de ce film a été unique pour moi. Le film m’a déjà beaucoup apporté."
Partout, sauf Cannes !
A noter que Yvan Attal regrette qu’une institution comme le Festival de Cannes ne le soutienne pas, son film et lui. "Je regrette effectivement que Cannes, qui se targue d’être le reflet et le miroir du monde d’aujourd’hui, n’ait pas envie de dire que dans ce pays un certain nombre de choses se passent et que l’on pourrait en parler", déplore le réalisateur qui aurait "aimé aller à Cannes, peut-être dans une soirée spéciale". "J’aurais aimé avoir des institutions françaises non juives à mes côtés, poursuit-t-il. Depuis le début de ce film, je n’ai rien eu du tout. Pour répondre aux antisémites qui pensent que l’on finance un film sur l’antisémitisme avec l’argent public, nous n’avons rien trouvé pour faire ce film."
"Quand bien même le scénario était nullissime, on a déjà vu des films nullissimes se faire financer sans problème et avec un casting bien moindre", tonne le réalisateur-acteur qui arrive à un constat évident : "Le sujet était un problème" et les institutions n’ont pas eu "le courage de participer à ce film". Source.