Genre : Thriller, comédie noire
Durée : 118’
Acteurs : Rosamund Pike, Eiza González, Peter Dinklage, Dianne Wiest, Chris Messina, Macon Blair...
Synopsis :
La brillante Marla Grayson se présente comme tutrice légale de personnes âgées qui ne seraient plus capables de gérer elles-mêmes leurs finances. Marla excelle dans l’art de détourner la loi à son avantage et au détriment de ses clients. Mais lorsqu’elle entre en contact avec Jennifer Peterson, une nouvelle victime d’apparence idéale, elle se rend rapidement compte que Jennifer n’est pas non plus celle qu’elle prétend être. Tandis que Marla s’accroche désespérément à son insaisissable rêve américain, elle s’apprête à vivre une terrifiante aventure.
La critique de Julien
Quelle chance nous avons cette semaine-ci de découvrir dans nos salles de cinéma la comédie noire et satirique qu’est "I Care a Lot", de J. Blakeson ("La Disparition d’Alice Creed"). En effet, peu de temps après sa première mondiale au Festival international du film de Toronto en septembre 2020, Netflix en Amazon Studios en ont acquis les droits de diffusion sur leur plateforme, et cela dans de nombreux pays, tels que les États-Unis, la France, l’Australie ou encore le Royaume-Uni. Chez nous, le distributeur indépendant The Searchers a eu la bonne idée de se le procurer afin de lui permettre de passer par le grand écran. Et pour cause, "I Care a Lot" met en scène l’exceptionnelle Rosamund Pike, dans un rôle qui rappelle celui qu’elle campait dans "Gone Girl", de David Fincher. Autrement dit, que du bonheur !
Golden Globes 2021 de la meilleure actrice dans une comédie, Rosamund Pike incarne ici Marla Grayson, une escroc qui gagne sa vie en tant que tutrice spécialisée auprès de riches personnes âgées, elle qui convainc ainsi le système judiciaire de lui accorder la tutelle d’aînés qu’elle prétend alors ne plus être capable de prendre soin d’eux-mêmes par eux-mêmes. Bien entourée et aidée dans sa fraude (notamment par un médecin), ces derniers sont alors placés dans une résidence, sous sédatifs une fois qu’ils posent trop de question, et perdent ainsi le contact avec le monde extérieur. À leurs dépens, Marla vend ensuite leur(s) maison(s) et biens, empochant le pactole, et vivant ainsi une vie de luxe, avec sa compagne, Fran (Eiza González). Sa prochaine victime ? Jennifer Peterson (Dianne Wiest), une retraitée sans partenaire, ni famille apparente. Sauf que Marla va parier sur le mauvais cheval. Marla, considérant qu’il n’existe que deux types de personnages dans le monde, à savoir les prédateurs et les proies, devra utiliser son esprit et sa ruse si elle souhaite... rester en vie.
Même si des abus de tutelles ont déjà été recensés aux États-Unis, et notamment au Nevada, les responsables cherchant ainsi à tirer un profit économique de l’épargne des personnes âgées, on peine à croire à cette histoire, et aux (nombreux) rebondissements méchamment efficaces qui la rythment. Pourtant, il serait dommage de passer à côté de "I Care a Lot", tant ses propos démoniaques, sa mise en scène rocambolesque de bout en bout et l’interprétation sans faille de son casting font de cette comédie jouissive un divertissement, certes improbable, mais assurément sadique.
Dans un rôle taillé sur-mesure, Rosamund Pike assure une nouvelle fois en prédatrice manipulatrice, elle qui porte le film sur ses épaules. À ce niveau-là, ce n’est plus de la comédie, c’est carrément un one-woman show ! Maîtrisé, pensé de la tête au pied, culotté, son personnage est un monstre qui n’hésite pas à humilier sans scrupule, et encore moins à arnaquer de pauvres et vieilles personnes sans défense, pour alors tout leur voler. Avec ses mimiques, son sourire en coin, coiffée d’un carré ultra droit arrêté à la mâchoire, impeccablement lisse, et accentuant ainsi son obsession de contrôle, Marla est une femme aux valeurs amorales, qui revendique clairement son côté "lionne", ce que la tournure de l’histoire n’hésitera pas à nous rappeler ! Face à elle, Peter Dinklage étincelle aussi, mais dans un rôle que l’on gardera cependant secret. On vous dira seulement qu’il bouillonne sans cesse, prêt à éclater, étant donné le caractère déterminé du personnage auquel il doit faire faire. Et on le comprend ! Sauf que lui usera d’autres méthodes pour arriver à ses fins, et inverser ainsi la mainmise sur la situation du personnage joué par Diane Wiest.
Une fois devant l’écran, "I Care a Lot" se laisse alors regarder sans jamais ne plus le quitter des yeux, étant donné, d’une part, le plaisir coupable avec lequel son actrice principale nous charme de son incroyable talent de comédienne et, d’autre part, le jeux captivant dans lequel s’est lancé son réalisateur et scénariste J. Blakeson. Sans temps-mort, mené avec poigne et férocité, son film amuse à mesure qu’il s’enfonce dans sa folie, mais nous éloigne contradictoirement à mesure qu’il perd en crédibilité. Qu’importe ; pour autant qu’on ait accepté de se prêter au jeu, alors on en assume les conséquences. Mais dans l’absolu, J. Blakeson ne parvient pas à rebondir sur l’excellence de son idée en termes d’écriture, superficielle. Le duel tant attendu perd alors en intensité dans sa dernière partie, la faute à un changement de direction peu crédible, aussi indigne que ses enjeux, souhaité comme plus normé, "dans les rangs", mais d’autant plus excessif, bien qu’il rappelle, à son tour, et cette fois-ci, le caractère parfois impartial et ironique de la vie. Mais on est bien là dans une fiction, et non une histoire inspirée de faits réels. Mais elle l’aurait sans doute pu, pour sans doute plus de réalisme, mais moins de plaisir coupable... Au bout d’un moment, il faut choisir, et nous aussi ! Alors, on ne se prive pas !