Synopsis : Septante ans après sa disparition, Adolf Hitler réapparaît dans Berlin en 2014, avec toujours la même ambition : prendre le pouvoir et dominer le monde.
Acteurs : Olivier Masucci, Fabian Busch, Katja Riemann
Film interdit aux moins de douze ans en Belgique.
Rire, mais très jaune !
C’est une comédie, véritable, mais très grinçante qu’il nous a été donné de voir. Une vision presse sans "préparation", à l’approche des fêtes de fin d’année et en ignorant donc qu’il s’agissait de l’adaptation d’un roman (dont il sera question en fin d’article). Il ne s’agit pas de faire ici de la science-fiction et de se poser la question du "comment" de l’arrivée d’Hitler sain et sauf en 2015. En revanche, il en est une autre, très légitime : peut-on rire de tout et en particulier de "cela" ? Soit donc de la montée de nazisme, de ses atrocités et de celui qui en a été à la base et a conduit son peuple dans les pires atrocités. D’autant qu’ici la parole est donnée à Hitler, via la télévision (et le film que nous découvrons), sorte de nouveau manifeste, un Mein Kampf relooké en quelque sorte ! On peut concevoir que l’entreprise est risquée et casse-gueule et l’on peut comprendre que cette "comédie" soit interdite en Belgique aux moins de douze ans. C’est que si le spectateur est amené à rire, ce sera jaune, très jaune ! En effet, il découvre peu à peu certains thèmes qui depuis le début des années 30 ont permis la montée en puissance et en pouvoir d’Hitler... thèmes qui sont présents, à nouveau, dans l’Allemagne contemporaine et, ne nous voilons pas la face, en Europe également. Il suffit de penser aux réactions xénophobes, homophobes et analogues qui fleurissent bon dans la presse, sur les médias sociaux... Et nous découvrons ici comment une émission télévisée, mixte entre humour et télé-réalité, va surfer sur ces thèmes pour faire de l’audience. Et quand cela va visiblement trop loin, les spectateurs, incrédules, se disent, finalement que ce n’est "que" de l’humour.
Quelques images du film donnent à penser que plusieurs scènes ont été tournées en situation "réelle" car certaines personnes sont flouées ou ont un bandeau noir sur les yeux. Toutefois ce peut être inhérent au genre même du film et faire partie du scénario. Peu importe qu’il s’agisse de "paroles issues du scénario" ou de "vraies personnes" car tous nous entendons ces mots dans les médias et autour de nous. Il peut même nous arriver de les penser voire même de les prononcer. Le film se termine d’ailleurs sur la mise en roman de l’histoire, au prix de 19€33 et, après le générique, des extraits d’actualités récentes.
Il s’agit donc d’un film qu’il faut absolument voir, tout en s’y préparant. Nous ne pensons pas que le film banalise le mal (cf. infra), mais qu’il montre que celui-ci se banalise et que nous n’en sommes pas indemnes. Ce fut d’autant plus marquant que nous avons vu quelques heures plus tard un autre film qui traite d’une histoire vraie, celle d’Elser (Elser, un héros ordinaire) et qui sortira une semaine après cette comédie. Ce film d’Oliver Hirschbiegel n’est lui pas une comédie, mais un biopic consacré à un homme ordinaire qui assiste depuis le début des années trente à la montée progressive du nazisme et des ses idées nauséabondes !
Un livre pour commencer !
Au départ, il y a un bestseller, premier roman écrit par Timur Vermes (un ancien "nègre" en littérature) en 2011, traduit en dix-sept langues dont le français en 2014, tandis qu’en 2013, les droits étaient vendus pour une adaptation au cinéma (le présent fim éponyme).
Le long métrage est conforme à la description de la page 4 de couverture : "Berlin, 2011. Soixante-six ans après sa disparition, Hitler se réveille dans un terrain vague de Berlin. Et il n’est pas content : comment, plus personne ne fait le salut nazi ? L’Allemagne ne rayonne plus sur l’Europe ? Depuis quand tous ces Turcs ont-ils pignon sur rue ? Et, surtout, c’est une femme qui dirige le pays ? Il est temps d’agir. Le Führer est de retour et va remettre le pays dans le droit chemin. Et pour cela, il lui faut une tribune. Ça tombe bien, une équipe de télé, par l’odeur du bon client alléchée, est toute prête à lui en fournir une. La machine médiatique s’emballe, et bientôt le pays ne parle plus que de ça. Pensez-vous, cet homme ne dit pas que des âneries ! En voilà un au moins qui ne mâche pas ses mots. Et ça fait du bien, en ces temps de crise... Hitler est ravi, qui n’en demandait pas tant. Il le sent, le pays est prêt. Reste à porter l’estocade qui lui permettra d’achever enfin ce qu’il avait commencé..." Seuls changements notables : nous sommes en 2015, donc septante ans après la disparition d’Hitler et le livre est mis en abîme dans le film, avec sa couverture et son prix officiel de sortie 19€33, référence à l’année 1933 !
Selon Le Point "Ce best-seller grinçant divise outre-Rhin. Satire salutaire montrant comment un démagogue confirmé aurait aujourd’hui encore plus de latitude avec YouTube et les réseaux sociaux ? Ou, au contraire, farce douteuse, symptomatique d’une époque qui rit de tout, même des épisodes les plus sombres de l’histoire ?
Accusé par certains de banaliser le mal, l’auteur répond : "Je montre dans mon livre comment Hitler se réveille et, sans aucun ami et moyen au départ, se retrouve à la fin en mesure de reprendre le pouvoir... Ça me semble être tout le contraire d’une banalisation du mal. En Allemagne, nous nous sommes persuadés que nous serons immunisés contre un nouveau Hitler. Je pense le contraire. C’est évidemment facile d’être démocrate quand le pays est riche. Mais, si les circonstances changent, tout peut aller très vite pour un démagogue... Regardez la Hongrie et l’Italie, où un comique a fondé un parti. Nous sommes convaincus d’être plus intelligents que les générations précédentes, mais on n’a pas tant appris que ça durant ces soixante-dix dernières années.". Enfin, s’agissant de présenter un Hitler « sympathique », il ajoute : "Le vrai risque était de le dépeindre comme un monstre ou, à l’opposé, comme un simple clown. Dans l’Allemagne d’après-guerre, il était confortable et rassurant de présenter Hitler comme une personne démoniaque. Mais les gens ne votent pas pour un monstre ou un fou : ils votent pour quelqu’un qu’ils trouvent séduisant. Hitler a été élu, et c’est ça le plus effrayant." [1].
Alors, au moment ou Mein Kampf tombe dans le "domaine public", que l’on décide d’acquérir - ou pas - ce livre ennuyeux, je conseille tout d’abord la lecture du livre de Timur Vermes après, voire avant le film !