Signe(s) particulier(s) :
– premier film en langue anglaise pour la cinéaste néerlandaise Sacha Polak, et troisième en tant que réalisatrice après "Hemel" (2012) et "Zurich" (2015) ;
– l’actrice Vicky Knight, qui tient ici le rôle d’une brûlée à l’acide par son ex-compagnon, a elle-même été brûlée à l’âge de huit ans sur 33% de son corps, ainsi que gravement défigurée. En effet, le 27 juillet 2003, un incendie s’est déclaré dans le pub Prince of Wales à Stoke Newington, à Londres, situé sous l’appartement de son grand-père, dans lequel elle dormait. Sa tante, Kate, a été inculpée, puis finalement débarrassée de ses charges, tandis deux de ses trois enfants (âgés de 4 et 10 ans) - et donc cousins de Vicky - sont morts dans l’incendie. Aujourd’hui, Knight travaille également comme assistant médical à l’hôpital Broomfield à Essex.
Résumé : Le visage à moitié brûlé et une petite fille de deux ans. C’est tout ce qu’il reste de la relation de Jade à son ex, qui l’a défigurée à l’acide. À la violence de cette histoire, succède désormais celle du regard des autres. Pour ne pas couler, Jade n’a d’autre choix que de s’accepter, réapprendre à sourire et à aimer.
La critique de Julien
En novembre de l’année dernière, Frédéric Tellier sortait son deuxième long métrage "Mourir ou Périr", dans lequel Pierre Niney interprétait magistralement un sapeur-pompier de Paris gravement brûlé, après s’être sacrifié pour sauver la vie de ses hommes. Inspiré par plusieurs témoignages et tragédies vécues, le film traitait alors du long combat psychologique intérieur d’un homme pour se reconstruire après ce terrible accident, plutôt que sur le métier en question. Aujourd’hui, c’est la réalisatrice néerlandaise Sacha Polak qui nous parle de cette terrible épreuve dans une coproduction anglaise, néerlandaise, irlandaise et belge, intitulée "Dirty God". Dans ce drame fictif, les origines dramatiques ne sont pourtant pas les mêmes que celle du film de Frédéric Tellier, puisqu’il est ici question de la reconstruction d’une jeune maman suite à une attaque à l’acide par le père de son enfant, alors qu’ils se séparaient.
"Dirty God" n’est pas le genre de film que l’on va voir le cœur léger. Pourtant, il se dégage dès les premières images une certaine luminosité, en la présence de Jade, jouée par Vicky Knight. Tout juste sortie de l’hôpital après une longue convalescence, il est maintenant temps pour cette jeune maman de reprendre sa vie en main, et de retrouver sa fille, Rae, dont sa mère s’est occupée. Mais il lui faudra affronter le regard des autres, et la solitude. Heureusement, sa meilleure amie Flavia n’aura de cesse de l’accompagner, au même titre que sa maman. Mais le poids de ce visage déformé et ce corps cicatrisé sera trop lourd, elle qui se mettra alors en tête de partir au Maroc effectuer de la chirurgie réparatrice dans un hôpital spécialisé, après être entrée en contact avec un chirurgien. Mais pour cela, il lui faudra récolter la maudite somme de 3400 livres, et donc chercher un travail...
Accidentellement brûlée à l’âge de huit ans, Vicky Knight est de part son physique extrêmement authentique dans son rôle, mais d’autant plus par sa prestation, tout en retenue et compassion. Sa voix douce porte à elle seule toute l’humilité de cette jeune femme foudroyée par une terrible attaque à l’acide, un type d’agression irréversible malheureusement de plus en plus fréquent outre-Manche, et commise entre gangs. La force de son personnage, c’est de ne pas se laisser démonter par ce qu’elle a subi, mais de rebondir, et regarder droit devant elle, vers ce qu’elle peut encore accomplir, entourée des personnes qu’elle aime, dont sa fille. À vrai dire, on ne peut qu’être touché par cette femme, dont l’histoire ne pourra qu’inspirer, malgré toutes les épreuves.
Pour témoigner du milieu présenté dans le film, à savoir une jeune sous-culture métropolitaine londonienne, la cinéaste, aidée par le directeur de la photographie, Ruben Impens, a utilisé une palette de couleurs néons, notamment lorsque Jade et Flavia se rendent à discothèque. Aussi, la bande-originale de Rutger Reinders (déjà derrière celle du précédent film de la réalisatrice), qui accompagne l’héroïne, transcende la jeunesse touchée, avec ses partitions électroniques modernes. Quant à la caméra, elle ose une multitude de plans différents, et notamment rapprochés, sur le visage de Jade, où la douleur ne trompe pas. À cet égard, le film ne passe pas à côté du regard des jeunes d’aujourd’hui sur les victimes de ce genre d’attaques. Leurs propos peuvent ainsi parfois atteindre un niveau de méchanceté ignoble, sans même chercher à comprendre ce qu’il s’est passé pour ces abîmés. L’être humain peut parfois être cruel et totalement égoïste avec lui-même, qu’il en devient répugnant, et ingrat. Autant donc dire que "Dirty God" a le mérite de parler parfois sèchement, et de présenter une autre réalité...
Là où le film de Sacha Polak convainc moins, c’est dans ces sous-intrigues qui nous éloignent un peu du sujet principal. Il y a ainsi deux segments scénaristiques qui prennent de la place dans l’intrigue, d’autant plus qu’ils sont très prévisibles quant à ce à quoi ils vont aboutir. On parle évidemment de l’épisode de l’hôpital au Maroc, et de sa relation avec le compagnon de sa meilleure amie. Cela alourdit quelque peu le propos, et appuie une part mélo-dramatique, heureusement évitée par la force de son interprète principal.