Genre : Drame
Durée : 129’
Acteurs : Léa Drucker, Benoît Poelvoorde, Alice Isaaz, Clovis Cornillac, Fanny Ardant, Olivier Gourmet, Alban Lenoir, Jeremy Lopez, Johan Heldenbergh, Jana Bittnerova...
Synopsis :
Février 1927. Après le décès de Marcel Péricourt, sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière. Mais elle a un fils, Paul, qui d’un geste inattendu et tragique va la placer sur le chemin de la ruine et du déclassement. Face à l’adversité des hommes, à la corruption de son milieu et à l’ambition de son entourage, Madeleine devra mettre tout en œuvre pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d’autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l’incendie qui va ravager l’Europe.
La critique de Julien
"Couleurs de l’Incendie", c’est avant tout un roman de Pierre Lemaitre, paru en janvier 2018 aux éditions Albin Michel, lequel est une suite directe de son livre "Au Revoir là-haut" (prix Goncourt 2013), quant à lui porté avec succès au cinéma en 2017 par Albert Dupontel, et récompensé notamment du César de la meilleure réalisation pour Albert Dupontel et de la meilleure adaptation par ce dernier et Pierre Lemaître (sans oublier divers prix techniques). Cette suite est réalisée cette fois-ci par Clovis Cornillac, signant, au passage, son quatrième long métrage, après avoir été approché par le producteur Camille Trumer, à la suite de la réalisation de "Belle et Sébastien 3 : le Dernier Chapitre" (2017), déjà pour Gaumont. Tourné il y a deux ans, son film ne se veut pourtant pas, au contraire des œuvres littéraires dont ils s’inspirent, une suite du film d’Albert Dupontel. D’ailleurs, ici, Madeleine Péricourt n’est plus jouée par Émilie Dequenne (comme ce fut le cas dans le film de ce dernier), mais bien par Léa Drucker, tandis qu’il s’agit même du seul personnage principal qui subsiste ici narrativement "d’Au Revoir là-haut"...
Nous sommes alors à l’aube des années 30, lorsque se tiennent les obsèques du riche banquier Marcel Péricourt [1], auxquelles assistent le Tout-Paris et Madeleine, la fille de Péricourt, seule héritière de l’immense empire financier laissé par son père, après le suicide de son frère Édouard Péricourt [2], quelques années plus tôt. L’assemblée assistera alors impuissante à la chute tragique et volontaire de Paul, le jeune fils de Madeleine (successivement joué, à des âges différents, par Octave Bossuet et Nils Othenin-Girard) sur le cercueil du patriarche, ce qui le paralysera. Son ex-mari, le lieutenant Pradelle [3], étant en prison, Madeleine devra alors reprendre la direction de la banque sans aucune compétence dans ce domaine. Son oncle, Charles Péricourt (Olivier Gourmet) et le gestionnaire du groupe Péricourt, Gustave Joubert (Benoît Poelvoorde), organiseront alors méthodiquement - et à leur profit - la ruine de Madeleine. Il ne restera alors à cette dernière qu’à s’occuper de son fils, et de surtout trouver un moyen de se venger de l’adversité, de la domination et de la perversité masculine, alors que l’Europe, elle, est plongée dans la montée des totalitarismes...
Dès l’ouverture, Clovis Cornillac emploie les grands moyens pour son adaptation de "Couleurs de l’Incendie", étant donné que lesdites funérailles sont filmées en un seul plan-séquence. Décors du vieux Paris entre-deux-guerres, coiffures, maquillages et costumes d’antan fourmillent alors dans cette reconstitution d’époque, certes assez classique, mais plus que soignée et convenable. Écrit par Pierre Lemaitre lui-même d’après son œuvre, ce drame se regarde alors comme une riposte et émancipation féminine, en réponse à la machination dont la femme est ici victime, par l’homme. C’est donc sur les épaules du personnage de Léa Drucker que l’intrigue du film repose en grande partie, étant donné que Madeleine va organiser, à son tour, une imparable punition envers les artisans de sa chute, trouvant ainsi le moyen de faire chanter certaines personnes, ou en engageant une connaissance comme détective d’infortune (Lucien Dupré, dit "Mr. Dupré" par Madeleine, lui qui est l’ancien chauffeur de la famille, joué par Clovis Cornillac), elle qui va dès lors rabattre les cartes. Mais au travers de ce combat, de cette vengeance, il est bien évidemment question de la place de la femme dans la société patriarcale, alors que Madeleine, elle, n’était pas initiée aux affaires (et dès lors mangée ici de toutes parts), tandis que cette histoire met également en lumière la lutte des classes sociales, et précisément celle de la classe ouvrière (l’étant devenue - ou non - par déclassement), face au mépris des nantis, et cela par le biais de différents personnages, tournant dans toutes les directions (et sans doute un peu trop) autour du principal. Cornillac laisse d’ailleurs énormément de place à ses acteurs, quitte à effacer la puissance narrative des propos, derrière ces derniers, ayant de fortes personnalités. S’il ne manque pas de charme, son film ne laisse pas assez place au danger, au souffle, à la passion, étant donné une intrigue qui suit son cours en continu sans véritable surprise, alors que plane pourtant, à titre d’exemple, l’ombre des horreurs du Troisième Reich, soit "l’incendie qui, bientôt, ravagera l’Europe", tel que le dira le personnage de cantatrice sous-exploité de Fanny Ardant...