Synopsis : 1863, États-Unis d’Amérique. Dans un convoi qui progresse vers l’Ouest avec l’espoir d’une vie meilleure, le père de Martha Jane se blesse. C’est elle qui doit conduire le chariot familial et soigner les chevaux. L’apprentissage est rude et pourtant Martha Jane ne s’est jamais sentie aussi libre. Et comme c’est plus pratique pour faire du cheval, elle n’hésite pas à passer un pantalon. C’est l’audace de trop pour Abraham, le chef du convoi. Accusée de vol, Martha est obligée de fuir. Habillée en garçon, à la recherche des preuves de son innocence, elle découvre un monde en construction où sa personnalité unique va s’affirmer. Une aventure pleine de dangers et riche en rencontres qui, étape par étape, révélera la mythique Calamity Jane.
Voix : Salomé Boulven, Alexandra Lamy, Alexis Tomassian
Quatre ans après Tout en haut du monde qui nous avait séduit (même si nous y relevions un anachronisme) Rémi Chayé remet le couvert avec ce film pour jeunes et enfants (mais pas que) en reprenant certaines de ses techniques, à savoir une image sans contours où les aplats des personnages se fondent dans les décors. Ceux-ci sont importants dans ce western animé, à tel point qu’ils forment un personnage à part entière, tout comme d’ailleurs la route, le chemin (à parcourir) en est un, de même que l’accompagnement musical et sonore.
Le dossier presse nous apprend que "en tout, ce sont plus de 980 décors uniques, pour 1400 plans, qui ont été réalisés pour le film, avec une majorité de cadres naturels en extérieur. Là encore, il a fallu retrouver une simplicité qui n’est pas propre à la nature de la végétation et des roches. Et puis, CALAMITY, par son genre « western », est un film avec beaucoup d’animaux, de chevaux au galop et d’hommes en action, avec une moyenne de 2,5 personnages par plan avec certaines séquences de pionniers allant jusqu’à 20 personnages à l’écran."
Une technique au service d’une histoire, d’un récit, celui d’un personnage connu comme Calamity Jane... mais dont le titre ouvre des pistes et raconte tout autre chose, non pas "l’enfance de"... mais "une enfance de...", comme si l’on faisait un choix parmi les possibles ou potentiels récits. Et cela renvoie à la fiction à partir du réel, à la façon de (se) raconter une histoire de raconter "son" histoire. En cela l’adaptation de celle-ci qu’en fait le réalisateur est passionnante et ouvre des perspectives sur la création d’une légende ou d’un personnage. Le film amplifie une dynamique présente dès l’origine, à savoir qu’il est bien difficile de trouver le réel "historique" de Calamity et que le film est donc lui-même une (re)construction d’un mythe en puisant dans sa dynamique initiale "créative" !
Il s’agit donc d’une "construction" cinématographique (et donc d’une fiction, d’une certaine manière et pas un "documentaire" sur Calamity ) comme, le fait, dans un tout autre domaine Thomas Römer, professeur au Collège de France, dans un cours qu’il a donné en 2008-2009, intitulé : "La construction d’un ancêtre : la formation du cycle d’Abraham". Il y certes "construction" ou "création" d’un ancêtre, dans la mesure où il n’y a pas de "Monsieur Abraham" au sens d’un personnage historique de chair et de sang qui a foulé le sol de la planète Terre (et même si "Calamity" a elle "existé" physiquement). Mais il y a aussi "construction", élaboration d’un discours qui a une autre visée. Ces "constructions" littéraire (là pour Abraham) et cinématographique (ici pour Calamity) sont de loin plus importantes qu’une tentative vouée à l’échec de retrouver des faits historiques et matériels. Il ne s’agit pas ici de vrai ou de faux, de tension entre mensonge et vérité, mais de tension entre "réalité" et "vérité". Au-delà de la fiction, il y a dans l’invention et la construction d’un récit, une vérité à découvrir, sur Calamity, mais aussi sur l’humain, sur un peuple et une nation. En cela le "récit" que construit le réalisateur pourra passionner les adultes qui accompagneront leurs enfants en salle pour découvrir un film à voir absolument sur grand écran.
En effet, outre sa découverte au "premier degré" Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary nous invite à découvrir l’émancipation de la femme, le machisme ambiant et la façon de s’en sortir. Les "beaux" personnages proposés, jusque et y compris les "antagonistes" dont un jeune garçon qui fait penser à certains caïds de cours de récréation et dont le "revirement" à la fin du film permet de prendre conscience que tout humain·e peut évoluer.