Genre : Comédie
Durée : 102’
Acteurs : Ethan Hawke, Jeremy Davies, James Ransone, Mason Thames, Madeleine McGraw...
Synopsis :
Finney Shaw, un timide et intelligent garçon de 13 ans, est enlevé et enfermé dans un sous-sol insonorisé par un tueur sadique. Lorsque le sombre, et déconnecté, téléphone fixé au mur de sa prison se met à sonner, Finney découvre qu’il peut entendre les voix des précédentes victimes de son geôlier... Et elles sont bien décidées à faire de Finney l’instrument de leur vengeance.
La critique de Julien
Initialement prévu février dernier, c’est en ce mois de juin que "Black Phone" a débarqué dans nos salles, lequel est une librement adapté de la nouvelle "Le Téléphone Noir" de Joe Hill, parue en 2004 dans le recueil "Fantômes - Histoires Troubles". C’est d’ailleurs l’occasion de retrouver ici l’équipe qui était derrière l’excellentissime film d’horreur "Sinister" (2012), produit par Blumhouse, lequel reste, à ce jour, l’un des meilleurs films de genre sorti ces vingt dernières années. Scott Derrickson, à qui l’on doit aussi "L’Exorcisme d’Emily Rose" (2005), redirige ainsi l’acteur Ethan Hawke, tandis qu’il y retrouve également son fidèle collaborateur d’écriture, C. Robert Cargill, dans ce thriller paranormal assez (at)tendu, lequel connaît d’ailleurs un battage médiatique assez intense. À tort ou à raison ?
"Black Phone" nous ramène ainsi en 1978, dans la banlieue du nord du Colorado, où de nombreuses disparitions d’enfants ont été signalées, tandis que leur ravisseur, surnommé "L’Attrapeur" (Hawke), est vivement recherché, alors que des ballons noirs sont retrouvés là où les enfants semblent avoir été enlevés. Les frères et sœurs Finney et Gwen Shaw vivent alors dans la région, avec leur père veuf, et alcoolique. Alors que Finney est fréquemment victime d’intimidation et de harcèlement à l’école, Gwen, quant à elle, est capable - comme sa défunte maman, victime d’un suicide - de faire des rêves psychiques, et ainsi de "voir des choses". La petite fille, au caractère bien trempé, est d’ailleurs persuadée de connaître les détails desdits précédents enlèvements, sans y avoir assistée, et cela à la grande curiosité des détectives de l’enquête, et au grand dam de son père, qui la bat... Sur le chemin du retour à la maison, son frère Finney sera malheureusement accosté par un mystérieux magicien, rôdant avec sa camionnette noire, lequel le séquestrera dans un sous-sol insonorisé, avec pour seul compagnon un téléphone noir, non branché. Déjà bien terrifié par la situation, le gamin le sera d’autant plus lorsque ce dernier se mettra à sonner, avec, au bout du fil, des voix venues de l’au-delà...
Si "Black Phone" met du temps à démarrer, c’est pour mieux caractériser ses deux jeunes héros, joués par Mason Thames et Madeleine McGraw, dont le duo fonctionne à merveille, nous qui nous nous prenons d’empathie pour ces frères et sœurs, eux qui se soutiennent face aux violences dont ils sont victimes. C’est donc seulement après plusieurs minutes qu’apparaît ici véritablement le personnage psychopathe d’Ethan Hawke, lorsque le jeune Finney se fera enlever. Fidèle à lui-même, l’acteur australien est excellent dans son rôle, lequel arbore des masques cachant entièrement ou à moitié son visage. Cependant, le flou subsiste autour de ce méchant et de ses abominables intentions. Ainsi, si l’on apprend et déduit certaines choses à son sujet (mais dont on ne dira rien), on comprend que nos interrogations sont volontairement laissées ici sans réponse, histoire d’en laisser pour une suite éventuelle, si elle devait voir le jour. Mais on n’en doute pas, étant donné son succès au box-office américain. Reste à savoir si le personnage reviendra, ou s’il s’agira d’un préquel. Quoi qu’il en soit, Ethan Hawke est terrifiant et malaisant à souhait, et incarne une figure humaine maléfique comme on les aime.
Avec "Black Phone", on sent que son metteur en scène, Scott Derrickson, a souhaité récréer l’atmosphère de son "Sinister", lequel portait très bien son nom. Or, ses tentatives n’ont pas ici le même effet. On se souvient ainsi que dans ce film, Ethan Hawke jouait le rôle d’un père de famille, et écrivain passionné de récits criminels qui, en mal d’inspiration, décidait d’emménager dans une maison où avait eu lieu l’assassinat d’une famille entière. C’est ainsi qu’il était tombé sur un projecteur et des bobines de pellicule Super 8, sur lesquelles ce meurtre, ainsi que plusieurs autres, avaient été filmés. Ces scènes extrêmement glauques, agrémentées d’une musique qui l’était tout autant, inspirée de musique black métal norvégienne, était alors filmées en utilisant de véritables caméras Super 8, sur pellicules. Le cinéaste réitère alors ce même principe, mais pour les rêves de la sœur de Finney, Gwen, lorsqu’elle voit les précédentes victimes se faire enlever par leur bourreau, lui dont l’apparence fantomatique rappelle celle du personnage de Lon Chaney dans "London After Midnight" (1927) de Browning. Certes, ces scènes font ici leur petit effet, mais la menace n’est pas aussi viscérale et novatrice pour le spectateur que celle de l’entité "Bughuul" dans "Sinister"..
Autant dire que "Black Phone" n’est pas un film d’horreur pur, tel qu’on l’entend. C’est bien ici son ambiance inquiétante, ainsi que l’utilisation de jump-scares, et une violence certaine qui font le sel de ce thriller, lequel plaira d’ailleurs davantage à un public venu y chercher un peu d’adrénaline qu’aux vrais amateurs du genre. D’ailleurs, Scott Derrickson, revenu ici à son genre de prédilection, se permet d’intégrer dans sa mise en scène quelques effets horrifiques assez maniérés (en ce qui concerne des apparitions), mais dont le film n’avait alors aucunement besoin. On a alors la sensation que son réalisateur ne parvient pas ici à trouver de juste mesure dans sa manière de faire surgir l’horreur. Reste alors les nombreux face-à-face entre "L’Attrapeur" et le jeune garçon, lequel sera bien aidé par des voix d’outre-tombe, afin de rester en vie, et un final plaisant, mais vite exécuté. Enfin, on aurait espéré un retournement de situation à hauteur de la narration du film et des portes qu’elle ouvrait, elle qui navigue entre ces frères et sœurs et leur quête commune, soit celle de se retrouver, vivants. Pourtant, force est de constater que "Black Phone" suit une trame plutôt classique, lequel se regarde alors sans déplaisir, mais sans trop surprendre non plus...