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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Tim Mielants
de Patrick
Sortie du film le 28 août 2019
Article mis en ligne le 7 septembre 2019

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • premier long métrage du réalisateur flamand Tim Mielants, connu pour avoir dirigé plusieurs épisodes de la série « Peaky Blinders » (en 2016) ou « Legion » (en 2017-2018) ;
  • pour son scénario, le cinéaste a déclaré s’être basé sur certaines de ses propres expériences depuis sa visite d’un camping naturiste avec ses parents quand il était plus jeune.

Résumé : Patrick vit avec ses parents dans un camping naturiste. À la mort de son père, il prend la direction du site. Mais Patrick a autre chose en tête : il a perdu son marteau préféré. Les résidents du camping voudraient que Patrick reprenne sa vie en main, mais il est déterminé à retrouver son marteau. Sa recherche devient peu à peu une quête existentielle.

La critique de Julien

Il suffit de regarder la bande-annonce de « Patrick » (titre en version française) pour se dire qu’il n’y a quand même que le cinéma belge pour nous servir des films comme celui-là. On ne va donc pas se mentir, et dire d’emblée qu’on avait une grande appréhension avant de découvrir cet OVNI flamand. Alors certes, le premier film de Tim Mielants en est un sans aucun doute, mais il n’en demeure pas moins une excellente surprise, et l’un des films belges les plus maîtrisés et surprenants de ces derniers mois.

Comme vous avez déjà pu le constater, « De Patrick » nous emmène dans un camping naturiste, à la rencontre d’un homme pas comme les autres. Patrick, 38 ans, à la personnalité très renfermée (de là à ne jamais - ou peu - parler), aux expressions faciales moroses et au regard fixe, y vit alors toujours au crochet de ses parents, alors que son père est à la direction du site. Sauf que ce dernier vient à mourir, tandis qu’au même moment, son fils constatera que l’un de ses marteaux chéris a disparu de son étagère. Alors que sa maman est aveugle, c’est à Patrick (on ne peut pas vraiment le qualifier ici de « jeune » homme") que reviendra la succession du camping, ce qui ne sera pas de l’avis de certains résidents, bien décidés à remettre toutes les frites de Patrick dans le même sachet, et racheter son héritage, tandis Patrick se mettra rapidement sur la piste du voleur de son outil...

Quel drôle de film direz-vous ! Mais pour autant que voir des corps nus (et pas très frais !) ne vous met pas mal à l’aise, alors « De Patrick » devrait pouvoir réussir à vous immerger dans son univers singulier, à la fois sombre et pessimiste, et où le soupçon est de mise. À rendre marteau, Tim Mielants soigne énormément l’apparence de son film. Il filme alors les Ardennes namuroises avec une certaine méfiance qui colle parfaitement à la peau de son film. On croirait voir parfois une partie de cache-cache, où n’importe qui pourrait bondir de derrière un tronc d’arbre qui n’en finit plus de monter au ciel. Aussi, le cinéaste sait y faire en terme d’ambiance, et utilise notamment des mouvements et effets de caméra renversants. Mais ce dernier s’est bien entouré pour offrir davantage à son film. Ainsi, la musique de Geert Hellings (lequel avait déjà participé à des courts métrages de Mielants) appuie son côté anxiogène, la photographie de Frank van den Eeden (ayant notamment travaillé sur le film « Girl » de Lukas Dhont) rappelle certains plans mystiques et magnifiques de Lars von Trier, tandis que le montage signé Alain Dessauvage (« Bullhead », « Les Ardennes », etc.) réussi à capter notre attention du début à la fin, et ainsi à nous tenir en haleine quant à cette étrange histoire, signée des doigts du réalisateur lui-même.

C’est sans doute finalement la plus belle réussite de ce film, soit de raconter une histoire, à priori, complètement folle, avec des accents policiers et de film à suspense. « De Patrick » nous parle d’une part de la difficulté de surmonter le deuil d’un être cher, que le personnage principal va matérialiser par la perte de son marteau, ainsi que de la proximité parfois dangereuse au sein d’une petite communauté, laquelle cache ses secrets et non-dits en tous genres. Et puis, le scénario, ficelé comme il se doit, offre des rebondissements, alors pré-installés par des dialogues entre personnages qui, s’ils peuvent parfois être anodins, ont dès lors toute leur importance... Et si « De Patrick » semble avancer au même rythme que son personnage principal, c’est pour mieux accompagner son évolution au cœur de sa recherche, lui qui ne faisait jusque-là pas grand chose de ses journées, si ce n’est aider ses parents à la caravane...

Alors que plusieurs seconds-rôles rôdent tels des vautours autour de lui, comme Herman (Pierre Bokma) et sa femme Liliane (Ariane Van Vliet), tandis que d’autres font figure d’oiseaux de passage qui aideront d’une manière ou d’une autre Patrick dans sa quête obnubilée, comme le chanteur has been Dustin (Jemaine Clement), son ami policier Mon (Bouli Lanners), ou encore Sabrina (Tine Van den Wyngaert). Mais c’est évidemment ici Kevin Janssens qui remporte la palme du personnage le plus bizarre.

L’acteur, de corpulence musclée, que l’on avait véritablement découvert pour notre part dans le film « Revenge » (2017) de Coralie Fargeat, est ici complètement méconnaissable ! Nous ne l’avions d’ailleurs pas reconnu ! Le comédien a ainsi pris près de vingt kilos pour son rôle, en mangeant notamment des pizzas, des plats de pâtes à raison de trois fois par jour, ainsi qu’en buvant de la crème glacée réchauffée aux micro-ondes. Autant dire que Kevin Janssens a sacrifié son corps pendant quelques mois pour ce rôle, lequel apparaît plus que jamais crédible dans son personnage. Aussi, l’acteur est psychologiquement très impressionnant, et autant dire que camper un rôle complexe tel que celui-là n’a pas du être une chose facile, car personne n’est comme Patrick ! On le sent alors capable d’exploser à mesure qu’il ne retrouve pas son marteau, et ainsi perdre son sang-froid... Mais y parviendra-t-il ?

« De Patrick » est typiquement le genre de projet cinématographique assez barré, qui attise d’une manière ou d’une autre notre curiosité dès ses premières images. Il réussit alors étonnamment à nous surprendre jusqu’à son dénouement, et dans une forme très soignée, à défaut de soulever de l’émotion. Mais bon, on ne va quand même pas enfoncer le clou...



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