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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Rhys Frake-Waterfield
Winnie L’Ourson : du Sang et du Miel (Winnie-the-Pooh : Blood and Honey)
Sortie du film le 15 février 2023
Article mis en ligne le 23 février 2023

par Julien Brnl

Genre : Horreur

Durée : 84’

Acteurs : Natasha Tosini, Amber Doig-Thorne, Richard D. Myers, Craig David Dowsett, Chris Cordell, Nikolai Leon...

Synopsis :
Pendant son enfance, Jean-Christophe s’est lié d’amitié avec Winnie l’Ourson, Porcinet et leurs amis, a joué à des jeux et les a nourris. En vieillissant, ces visites sont devenues plus rares, tout comme l’approvisionnement alimentaire, laissant l’Ourson et les autres de plus en plus affamés et désespérés. Lorsque Jean-Christophe est allé à l’université, les visites ont complètement cessé, les laissant complètement hagards et déséquilibrés...

La critique de Julien

Winnie l’Ourson, c’est pour beaucoup de générations un petit ourson en peluche animé au grand cœur, lequel aide sans cesse ses amis Tigrou, Porcinet ou encore Coco Lapin, ai sein d’aventures, il est vrai, peu folichonnes, lui dont le péché mignon est la gourmandise, et en particulier le miel, tandis qu’ils vivent ensemble dans la Forêt des Rêves Bleus (Hundred Acre Wood en VO). Initialement personnage de la littérature d’enfance créé le 15 octobre 1926 par Alan Alexander Milne, Winnie a directement été inspiré par son fils, Christopher, le voyant jouer avec ses peluches, tandis que ses aventures ont été illustrées par Ernest Howard Shepard, elles dont la première traduction française, « Histoire d’un ours comme ça » date de 1946. Désormais libre de droits sur le domaine public depuis le premier janvier 2022, ce n’était plus qu’une question de temps avant que la version originale de Winnie l’ourson (sans son t-shirt rouge) ne fasse l’objet d’une nouvelle création artistique. Or, il ne fallut attendre que quatre mois pour qu’un film d’horreur (!) basé sur le personnage soit annoncé, alors que les droits uniques étaient jusque-là détenus (depuis 1966) par Walt Disney Company (lesquels conservent cependant les droits exclusifs sur les représentations des personnages de leur propre franchise, ainsi que sur des personnages plus récents, comme Tigrou). Réalisé par le cinéaste anglais Rhys Frake-Waterfield, pour qui il s’agit du premier long métrage après plusieurs courts, « Winnie l’Ourson : du Sang et du Miel » a débarqué chez nous par la petite porte, sans distributeur (!), et cela sans doute par la force de la polémique, et donc du coup de pub marketing, qu’avait suscité sa bande-annonce lors de son apparition en ligne, fin août dernier. Pourtant, on ne comprend toujours pas comment une telle série Z a pu se frayer un chemin dans nos salles, au regard de tant de films qui n’y parviennent injustement pas. Autant donc vous dire que vous n’êtes pas prêts pour ça, et que vous demanderez sans doute à votre cinéma d’être remboursé si vous faites saigner votre portefeuille pour une telle abomination. Car si ce film d’horreur fait bien saigner quelque chose, ce sont nos yeux, et nos oreilles...

Si on comprenait déjà au travers de son synopsis que la chose ne volerait pas bien haut, on était tout de même loin de s’imaginer de découvrir en salles un film semi-amateur aussi mauvais, détruisant au passage une œuvre bien-aimée faisant partie de la mémoire collective. Tel que nous le dévoile son grotesque générique d’ouverture griffonné en noir et blanc, Jean-Christophe Robin (Nikolai Leon) s’était ici lié d’amitié durant son enfance avec les créatures anthropomorphes qu’étaient Winnie l’Ourson, Porcinet et leurs amis, lesquels jouaient ensemble à des jeux, tandis que Jean-Christophe les nourrissait également. Pourtant, en grandissant, ses visites sont devenues de plus en plus rares, laissant l’ourson et ses amis de plus en plus désespérés, et affamés, jusqu’à ce qu’il ne vienne plus du tout, les abandonnant pour l’université. Mais aujourd’hui, le jeune homme est de retour en forêt, pour présenter son épouse à ses anciens amis. Sauf qu’ils ne s’imaginent pas une seule seconde de l’accueil que Winnie et Porcinet leur réservent, lesquels ont, entre-temps, dévoré Bourriquet, tandis qu’un groupe de cinq demoiselles se rend, en parallèle, dans un chalet rural en bordure de ladite forêt, afin de permettre à l’une d’elle d’oublier l’épisode d’harcèlement qu’elle a subi...

Le doublage, c’est un art, et un sacré métier. Et de mémoire de cinéphile, nous n’avions, tout d’abord, jamais entendu pareil doublage francophone que celui qu’on entend dans ce film. Pourtant, à l’écoute de la bande-annonce, cela n’aurait pas dû être une surprise (mais nous ne l’avions pas regardée). C’est simple : on croirait entendre ici (à moins que ça ne le soit vraiment) des doubleurs flamands ou allemands essayés, d’une part, de parler un français correct (de très nombreuses fautes oratoires sont faites) et, d’autre part, d’être raccord avec les lèvres des interprètes. Aussi, le volume sonore du doublage étouffe l’ensemble du mixage sonore du film. C’est triste à dire, mais on a ainsi l’impression, à l’écran, d’entendre parler des personnages souffrants de troubles mentaux, tandis que leurs cris, leurs intonations sonnent totalement faux, et surjoués, eux qui, en plus, agissent en totale incohérence. « Winnie L’Ourson : du Sang et du Miel » a donc seulement pour lui l’avantage - non pas d’effrayer - de nous faire rire, voire de créer le malaise, par son seul doublage. Pas étonnant qu’une rangée de spectateurs aient quitté la salle moins d’un quart heure après le début des hostilités, tandis que ceux qui ont survécu au naufrage se regardaient, hilares, et gênés, par ce qu’ils venaient d’entendre, et aussi de voir. Mais comment cela a-t-il donc pu être rendu possible ? La réponse à la question est, sans doute, à l’origine même du projet...

Produit pour 100000 dollars, ce film slasher a déjà remporté près de 3 millions, ce qui en fera sans doute l’un, voir le film le plus rentable de l’année. Pourtant, le film de Rhys Frake-Waterfield est un navet sans nom, sans une once d’imagination, ni d’autres ambitions que celle de détourner pour engendrer de l’argent, son scénario absurde se limitant à sacrifier sur le bûché de la débilité Winnie et ses camarades, lesquels sont transformés ici en psychopathes et maniaques meurtriers, assoiffés de sang. Extrêmement mal monté, très mal joué, incohérent dans son écriture, « Winnie L’Ourson : du Sang et du Miel » est aussi vide que semble l’être ses personnages, pathétiques et stupides (c’est peu de le dire), tandis que les effets de genre sont quant à eux datés, et surfaits. La musique du film se révèle quant à elle tout aussi agressive que ces derniers, le tout empêchant finalement le spectateur de ressentir la moindre empathie pour ces pauvres gens, parlant ainsi s’ils souffraient d’un retard intellectuel et physiologique, ce qui ne les avantage pas. Or, pour réagir comme ils le font, on se pose finalement la question de la plausibilité de maladie. Voir une jeune demoiselle se laisser ainsi tuer par Porcinet dans une piscine, plutôt que d’essayer d’en sortir (tout simplement), ou de plonger sous l’eau pour en échapper, n’est guère crédible. Que dire enfin des masques arborés par Craig David Dowsett (Winnie l’Ourson) et Chris Cordell (Porcelet), lesquels reflètent cette production fauchée, et amorphe ?

Bien qu’il ait reçu des menaces de mort pour avoir osé toucher à Winnie, cela semble ne pas avoir effrayé Rhys Frake-Waterfield, lequel préparerait déjà deux autres films d’horreur basés sur des personnages de notre enfance, eux aussi tombés dans le domaine public, à savoir Bambi et Peter Pan, lesquels seraient respectivement intitulés « Bambi : the Reckoning » et « Peter Pan : Neverland Nightmare ». Or, si on a une peur littérale du résultat, on n’en redoute pas le pire, étant donné que rien ne peut l’être davantage que ce « Winnie l’Ourson : du Sang et du Miel »...



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